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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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catholique d’une partie, et, comme diraient les philosophes, d’une catégorie de son propre idéal.

Ce n’est pas tout, et la musique a été choisie entre les arts pour être, non seulement l’interprète, mais l’associée de la foi. L’Eglise l’a mêlée, aussi étroitement qu’il est possible, aux paroles comme à l’esprit de sa prière. Et cette participation confère à la musique liturgique une beauté supérieure à toute autre, parce qu’il y entre en quelque sorte plus de vérité et plus de sainteté. Un oflice vraiment liturgique, un de ceux, par exemple, que naguère on pouvait entendre à Solesmes, réalise le parfait accord du beau, du vrai et du bien. Dans l’art religieux, tel que ces religieux — hors de notre pays hélas ! — lepraliquent, nonseulenientrien n’estfaux, mais rien n’est lietif ou Uguré. Sur quelle scène ou dans quel orchestre, chez quels virtuoses, chez quels artistes même, trouverait-on pareille sincérité ! Des moines qui chantent ne représentent pas, ils sont. Ils n’empruntent, ne simulent, n’alTectent rien. Leur art ne se distingue pas de leur pensée ; il est leur pensée elle-même, et tout entière ; il est le fond de leur âme et la substance de leur être ; il ne fait qu’un avec la vérité qu’ils croient et qu’ils aiment. Et cette vérité, pour peu qu’on y réfléchisse, apparaît comme infiniment supérieure à toutes les vérités, fût-ce les plus hautes, dont les plus purs chefs-d’œuvre peuvent être les témoignages, dont les plus grands artistes savent se faire les interprètes. Vérité de drame ou d’opéra, vérité de nos joies et de nos douleurs, de nos amours et de nos haines, de nos passions changeantes, toutes les vérités humaines retombent au rang des vérités secondaires et relatives, reculent et s’effacent devant la vérité primordiale, nécessaire, absolue et divine, celle qui ne varie ni ne passe, qui ne dépend de rien et d’où tout dépend. Inséparable du vrai, le beau, tel que la musique d’église l’exprime, n’est pas lié moins étroitement au bien. Songez que cet art n’a qu’un seul objet : la prière, c’est-à-dire les rapports de l’àme avec Dieu. Et ces rapports ne sont que d’amour. L’art vraiment liturgique, non seulement ne va jamais contre Dieu, mais jamais il ne lui est étranger ; jamais il ne se sépare ni ne se passe de lui. Tout sentiment terrestre, fût-ce le plus légitime, le plus saint, en est absent. Il ne se partage pas entre le Créateur et la créature ; il ne sert pas deux maîtres ; rien de mauvais ni d’impur ne le corrompt, ne le trouble, ou seulement ne l’agite.

Assurément il faut sortir de soi-même, il faut s’élever au-dessus de la vie commune et de l’idéal humain, si haut soit-il, pour comprendre, pour goûter cet idéal et cette vie. Il faut, ne fût-ce qu’un jour, une heure, se faire ^nne âme pieuse et rien que pieuse. Il faut — disons plutôt, et plus humblement, il faudrait — arriver à sentir pleinement une phrase telle que celle-ci, de Dom GuÉRANGEn : La prière est pour l’homme le premier des biens. » Alors seulement, mais sûrement alors, la musique de la prière par excellence, le chant grégorien, nous apparaîtrait, dans l’ordre de la beauté, comme l’équivalent de ce « premier des biens ». Alors, parmi les plus admirables chefs-d’œuvre de l’art profane, même le plus pur, on n’en trouverait pas un seul à placer au-dessusde l’humble cantilèneque modulent quelques moines à genoux. On rapporte ce mot de Beethoven : « Je suis plus près de Dieu que les autres hommes. » Ces hommes qui prient en chantant, sont peut-être plus près de Dieu que Beethoven lui-même. Leur art est tout entier divin ; venu de Dieu seul, c’est à Dieu seul qu’il retourne ; pour lin comme pour origine, il n’a que Dieu.

Voilà ce que gagne la musique au contact ainsi

qu’au service de la foi. Telle est la dignité vraiment éminente où la religion l’élève. Nous l’avons vu la musique liturgique n’a pas seule éprouvé l’influence ou le bienfait religieux. Et celui-ci pourrait encore aujourd’hui s’étendre au delà de la musique sacrée, jusqu’à la musique profane, théâtrale même. Quels sont en effet les deux types musicaux oii le Motu proprio de Pie X ordonne à l’Eglise de revenir ? Le liremier est le chant grégorien, purement vocal et mélodique. Le second, le chant alla Paleslrina, est polyphonique, mais vocal et rien que vocal aussi. Or, s’il y a deux éléments qui se retirent de plus en plus de la musique moderne et dont la retraite lui soit funeste, c’est la mélodie et c’est la voix. Que l’un et l’autre, grâce à l’Eglise, viennent à reprendre leur rang et leur rôle dans l’organisme — qui souffre de leur absence — de la musique en général, de toute musique, cet organisme alors ne tardera pas à retrouver l’équilibre. Alors on verra quel bien, même en dehors de l’Eglise, l’esprit ou le génie de l’Eglise est toujours capable d’accomplir.

Camille Bellaiqde.


MYSTÈRES DIVINS. — Voir article Révélation.


MYSTÈRES païens (LES) ET SAINT PAUL. — I. Exposé des systèmes : histoire de la question. — II. Les mystères païens : 1. Les sources ; 2. Les mystères de Cybèle et d’Attis ; 3. Les mystères de Dionysos et d’Orphée : i. Les mystères d’Osiris-Isis : 5. Les mystères d’Eleusis ; G. Les cultes syriens, les mystères de Mithra et les écrits hermétiques ; 7. L’extension des cultes de mystères : la connaissance qu’a pu en avoir saint l’aul. — III. Terminologie et doctrine pauliniennes : leur comparaison avec la terminologie et les doctrines des reliifions de mystères. — IV. Les conceptions centrales des religions de mystères.

— V. Les rites du baptême. — VI. /^es rites de l’eucharistie. — VII. Conclusions. — Bibliographie.

I. Exposé des systèmes : Histoire de la question. — Sous l’appellation : Die Religiongeschichtliche Méthode, « la méthode historique religieuse », s’est formé en Allemagne un système, soutenant que le christianisme est le développement normal des religions qui l’ont précédé ; en d’autres termes^ qu’il est sorti du mélange des doctrines religieuses de l’époque où il est né. Ce point de vue est loin d’être absolument nouveau. Déjà Herdeu, i^^o, Dupuis, 1794, J. A. RiCHTEK, 181g, avaient prétendu retrouver dans les religions des Perses et des Hindous, l’origine de plusieurs dogmes chrétiens. Baur, Hase et d’autres encore avaient émis des idées analogues. Renan avait soutenu que le christianisme grec était sorti du gnoslicisme, issu lui-même de courants multiples, dont les principaux sont le dualisme persan et l’idéalisme alexandrin. Pour Havbt, il pro iendrait tout entier de l’hellénisme, et surtout du platonisme. Hatch admet l’influence des mystères sur le développement du baptême et de l’eucharistie. D’après Uksener, le culte de Dionysos aurait exercé une certaine influence sur quelques rites chrétiens. Kroll l’admet pour la liturgie du baptême. Ainsi que Havet, B. Baukr (Christus und die Cùsaren, Berlin) avait soutenu que les documents évangéliques étaient apocryphes, que Jésus était un personnage mythologique et que tout, dans la religion chrétienne, dérivait de la philosophie gréco-romaine. Pfleiderer ( Vorbereitung des Christentums in der griechischen Philosophie, Halle, 1904 ; Das Urchristenium, Berlin), affirme aussi que