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vendu des esclaves en Europe el qu’après la découverte de l’Amérique on a rétabli l’esclavage des noirs malgré les protestations des souverains pontifes ; pour le reste, il faut remarquer que les serfs que l’abbaye <le Saint-Claude dans le Jura possédait encore au xvin" siècle, au grand scandale des plntosophes du temps, n’avaient rien de commun avec l’esclave que le nom, et jouissaient d’une condition meilleure que l’immense multitude des travailleurs industriels de nos jours.

Le Gouvernement constitutionnel. — C’est l’organisme qui sert de conciliation entre ces deux nécessités en apparence antinomiques : un pouvoir fort et un peuple libre. L’antiquité ne l’a point connu ; au moyen âge, nous le voyons naître et se développer sur tous les points de l’Europe.

La Grande Cliarle d’Angleterre n’est que l’un des innombrables documents qui l’ont consacré en France, en Belgique, en Allemagne, en Espagne et dans tous les pays clirétiens. Il consiste dans la liifiitalion du pouvoir souverain par l’intervention de la nation, dans la représentation de celle-ci auprès du souverain par un conseil de députés élus par elle et réunis en assemblée déliiiérante. C’est en Angleterre que les traits de ce régime se sont le mieux conservés, tandis que sur le continent ils étaient effacés à partir de la Renaissance par le despotisme des rois ; mais l’Angleterre le tient du moyen âge.

Les Universités. — Ces grandes institutions de science et d’enseignement sont une des créations les plus originales du moyen âge. L’antiquité les ignorait : cliaque philosophe avait son école, ce qui est tout justement le contraire d’une université. Qui dit université, dit groupement de maîtres et internationalité de l’enseignement. Les universités se sont formées spontanément et sans intervention de l’Etat. à Paris et à Bologne d’abord, puis les pouvoirs publicsenont créé sur le type de celles-ci, consacrant ainsi l'œuvre de la liberté. C’est dans les Universités que s’est élaborée peu à peu la science moderne el c’est de là qu’elle s’est répandue dans le monde. Elles ont perdu par l’intervention delà bureaucratie une partie de leur fécondité primitive, mais tout ce qu’elles ont d’essentiel et de durable est d’origine médiévale.

L’art gothique. — Celte forme nouvelle et sublime de l’architecture est une création originale du moyen âge et mérite d'être signalée comme une de ses caractéristiques. Tout l’Occident, depuis York jusqu'à Orvieto etSéville, depuis Rouen jusqu'à Magdebourg, est rempli d'édilices merveilleux élevés par les gens du moyen âge et qui restent ce que l'ère moderne possède de plus précieux en fait de trésors artistiques. Chacun représente une incalculable valeur d’art, de poésie et d’idéalité, et permet de pénétrer dans la vie profonde de la civilisation dont il est issu. A ces œuvres de l’art plastique, il convient d’ajouter trois livres merveilleux qui n’auraient pu être écrits à une autre époque et qui pour cette raison doivent être considérés comme l’expression intellectuelle du moyen âge religieux, philosophique et poétique : ce sont V Imitation de Jésus-Christ, a Somme de saint Thomas d’Aquin et la Divine Comédie de Dantk Alighieri,

On a déjà pu voir, par tout ce qui vient d'être dit, que notre société moderne n’est que l’héritière et la continuation du moyen âge, bien loin d’en être l’antithèse ou la négation, comme certains voudraient le faire croire. Cela ne veut pas dire qu’il n'.v ail aucune dilTérence entre elle et lui, mais ces différences sont de même nature que celles qui, dans le même individu, distinguent la jeunesse de l'âge mûr, et elles sont loin d'être toutes à l’avantage de

ce dernier. Au moyen âge, la vie sociale laisse un plus libre jeu aux forces naturelles et trouve son expression dans une riche variété d’organismes ; de nos jours, elle est plus centralisée et plus disciplinée par l’action prépondérante de l’Etat. Les institutions sociales du moyen âge jaillissent spontanément du sol : féodalité, chevalerie, commerce, corps de métier, universités, tout y a une liberté d’allure, une souplesse qui s’adapte à toutes les exigences de la vie, alors que les organismes créés par l’Etat moderne ont la raideur et le mouvement automatique des machines. On trouve une image saisissante de cette apparition dans la topographie de nos vieilles villes : le cœur, qui en est la partie médiévale, estun dédale de rues irrégulières, s’enchevètrant dans un désordre et un pittoresque plein de vie ; les faubourgs et quartiers excentriques, qui sont d’origine moderne, offrent par leur régularité monotone l’aspect d’un échiquier et se trahissent comme des conceptions nées dans un bureau et réalisées d’une seule pièce par des agents publics.

C’est Philippe le Bel en France et, avant lui, Frédéric Il dans le royaume des Deux-Sicites, qui ont inauguré le mouvement centralisateur ; il est allé en s’accélérant depuis lors, surloutà partir du xvK siècle, qui a assisté à l’avènement des monarchie » absolues. Dès lors, la vie publiciue semble se concentrer dans les cours royales, en même temps que les institutions locales et provinciales s’anémient et s'éteignent. L’idéalisme du moyen âge, qui a trouvé son expression la plus haute dans les croisades, fait place à une politique d’intérêt dynastique chez les souverains et à des préoccupations d’ordre économique chez les peuples. Le commerce deviendra, à la place de la foi, la principale détermination des politiques nationales ; Venise est déjà, en plein moyen âge, avec ses préoccupations mercantiles qui la mettent presque toujours en dehors du concert européen, le précurseur de ce changement profond dans l’orientation de la société.

La diltérence peut être la plus profonde entre le moyen âge et les temps modernes est d’ordre intellectuel pur. Le moyen âge ne sait pas ce que c’est que la critiiiue, c’est-à-dire la connaissance qu’a l’esprit humain de lui-même, de ses lois, de ses défauts, de ses limites. Le moyen âge introduit le principe d’autorité (magister ditit), même dans l'étude des questionsqui relèventavant toutde la librerccherche. C’est seulement après que la Renaissance a eu mis sous les yeux du monde médiéval un tableau complet de la société antique et opposé à l’homme du moyen âge le type de l’homme et du citoyen selon l’antiquité, que la critique a pu naître. Celle-ci est avant tout l’apanage de l'âge mùr et même de la vieillesse ; elle est d’ailleurs à distinguer très nettement de rhypereritique, qui, s’inspirant d’une fausse philosophie, fait de la négation de tout surnaturel un nouvel article de foi.

Si nettes et si profondes que soient les différences entre le moyen âge et nos temps, elles ne sauraient empêcher que la civilisation moderne soit lille de la civilisation du moyen âge. Elle lui doit ses éléments les meilleurs, et c’est en s’acheminant à la suite de sa mère dans la voie royale du progrès chrétien qu’elle remplira la mission assignée à l’humanité.

Godefroid Kurtu.


MUSIQUE RELIGIEUSE. — Il est à peine besoin de rappeler les affinités de nature et les relations de fait, qui, de tout temps, chez tous les peuples, ont uni la religion et la musique. Il semble bien d’abord que la musique soit par excellence l’art