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MORISQUES (EXPULSION DES)

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Musulmans ensuite ; en Europe, par les envahisseurs de race geriuanique ou slave qui la ravagèrent à tant de reprises. Dès le milieu du m" siècle, les Alenians ont anéanti par le feu le plus bel édifice des Gaules, le temple élevé par les Arvernes à Mercure Duniias surlel’iiy-de-Dùme(GRKr.oiHisDii Touns, Uisl. Franc,

1, xxx).

On se figure le sort des monuments de Rome en se rappelant que, do l’an 410 à la lin du vi" siècle, la mallieureuse capitale fut six fois prise par les Barliares et reprise par les soldats de l’empire. En 455, ses temples et ses églises sont indifïéremmeiit dévastés par les Vandales, durant quatorze jours et ((uatorze nuits. En 538, les soldats qui défendent contre les Gotlis le mausolée d’Hadrien transformé en forteresse sont obligés, pour se défendre, de jeter sur les assiégeants du haut des murs les admirables statues qui le décoraient. Des ravages exerces i)ar les Gotlis aux environs de Tibur en 546, date la décadence d’un autre monument du même empereur, la villa d’iladrien : « A partir de ce moment, la ruine commença pour elle ; ses grandes salles s’elîondrèrent. u (Hoissier, Promenades archéulogiijues, p. 181.) En 452, le Nord de la péninsule italienne avait été parcouru par les Huns d’Attila ; Altinum, Padoue, Aquilée, JuUa Concordia, étaient réduites en cendres ; le cimetière chrétien, qui servit ensuite à la sépulture des rares habitants demeurés sur le territoire de cette dernière ville après sa ruine, est rempli de tombeaux construits avec des fragments d’architraves, d’autels, de statues, de monuments de toute sorte renversés par le passage du Fléau de V)ien{HiiUettin<) di archeologia cristiana, 18’ ; 4, p.’331 44)- La peur des Barbares amène d’autres destruclions : menacées par eux, les villes ouvertes sont obligées de s’enfermer ; pour construire à la hâte leurs remparts, elles font main basse sur d’anciens édifices : en Gaule, en Italie, en Mésie, en Asie Mineure, on trouve encastrés dans les murailles des villes, dès le m" siècle, des tronçons de colonnes, des fragments de corniches, des dalles tumulaires, des marbres ornés d’inscriptions (Pekhot, De Galatia jirovincia romana, p. 165 ; DuRUV, Histoire des liomtiins, t. VI, 387-444).

Un exemple saisissant fera comprendre et l’avidité des Barbares et le sort des villes qui avaient le malheur de se trouver sur leur route. A partir de l’invasion de Genséric, en l^bô, la grande cité commerciale d’Oslie, à l’embouchure du Tibre, est le chemin naturel de tous les hardis pirates que tentent les richesses accumulées aux environs de Rome. Saccagée à plusieurs reprises, les habitants Unissent par l’abandonner. « Les pillards entraient dans les maisons désertes et se chargeaient en toute hâte de ce qui leur semblait précieux et pouvait s’emporter aisément. Quelquefois ils violaient lessépultures quand ils esprraient y faire un riche butin. Sur la voie qui menait de Rome à Ostie, la large dalle qui recouvrait une des plus belles tombes a été brutalement soulevée par un levier et jetée au milieu de la route, où on l’a retrouvée. Les temples surtout les attiraient. Dans celui de Cybèle, on voit, le long des murs, des revêtements de marbre en éclats et des crampons de fer tordus. Au dessous, des iuscri|)lions nous apprennent (pie d’opulents dévots avaient consacré, en cetendroit, des statues en argent qui représentaient des empereurs ou des dieux. Les inscriptions y sont encore, mais les statues ont disparu, et ce fer tordu ainsi que ce marbre brisé nous indiquent avec quelle brusquerie et quelle violence l’opération s’est accomplie. Mais si Ion prenait les statues d’argent, on laissait celles de marbre, dont on ne soupçonnait pas lu valeur, et qui auraient été trop embarrassantes. On

ne pouvait pas non plus emporter les maisons. Voilà comment, malgré tant de ravages, il subsiste encore tant de débris de la vieille Ostie. Quand il n’y resta rien de ce qui pouvait tenter les pillards, ils n’y revinrent plus, et laissèrent la ville périr de vieillesse. Peu à peu les murailles se sont clfondrées, les colonnes de brique et de pierre sont tombées l’une sur l’autre, s’écrasant mutuellement dans leur chute ; puis, avec le temps, une couche de terre a tout recouvert et l’herbe a poussé sur les ruines. » (BoissiEU, Promenades archéologiques, p. zïji-^S^.)

Les Barbares sont donc les princi|)aux auteurs de la destruction des monuments antiques ; mais des causes secondaires la continuèrent après eux. Quand la tempête des invasions eut cessé, les ressources matérielles manquaient pour entretenir ou réparer des édilices dont l’usage ne répondait plus aux besoins d un monde renouvelé : on les laissa s’écrouler peu à peu, trop souvent on leur emprunta des matériaux pour d’autres constructions. Les hommes du moyen âge, excusables de ne plus comprendre toute la beauté des œuvres classiques, n’ont pas été seuls à agir de la sorte : ceux de la Renaissance, artistes, humanistes, érudits, ont causé peut-être plus de dégâts encore. Ce sont eux qui, soit pour chercher des statues, des mosaïques, des peintures, soit pour élever des monuments nouveaux, achevèrent <le démolir les édifices antiques. Beaucoup de ces édilices, qui avaient traversé intact le moyen âge, périrent à l’aurore des temps modernes. De là, le dicton célèbre : Qiiod non fecerunl Barbari, fecerunt Barberiiii. Les papes eux-mêmes se laissèrent entraîner par l’esprit de l’époque. La nouvelle Rome s’éleva en partie aux dépens de l’ancienne.

En résumé, la ruine des monuments de l’antiquité doit être attribuée aux Barbares, à l’action naturelle du temps, à l’ignorance ou à l’incurie des hommes du moyen âge, à l’indiscrète émulation de ceux de la Renaissance : Constantin et ses successeurs, l’Eglise chrétienne du iv" et du v" siècle, n’y eurent presque aucune part.

Paul Allard.


MORISQUES (Expulsion des). — On désignait, en Espagne, sous le nom de Morisques, les Maures fpii avaient accepté la domination des rois chrétiens et obtenu d’abord le libre exercice de leur culte. Cette appellation est postérieure à la conquête du royaume de Grenade et remplaça celle de Mudéjares qu’on donnait jusque-là aux Maures soumis de Castille et d’Aragon ; c’est un diminutif, à sens plutôt méprisant, du mot espagnol More, Maure. En 160g, ces Morisques furent expulsés en masse en vertu d’un décret de Philippe lU, et l’on n’a pas manqué de faire valoir contre le catholicisme le fanatisme et la cruauté que les Espagnols auraient montrés en cette circonstance. Nous allons examiner cette objection.

I. Histoire des Morisques : IL Causes du décret d’expulsion : III. Conséquences de l’expulsion.

I. Histoire des Morisques. — A partir de la capitulation de Sena (io38), l’usage s’était établi de permettre aux Maures de rester dans les territoires conquis par les chrétiens et d’y pratiquer librement leur religion. Celte tolérance pouvait constituer en bien des cas un danger public, ainsi que les révoltes des vassaux maures le démontrèrent à plusieurs reprises (Fernandez Gonzalez, Estado social y politico de los Madejares de Castilla, Madrid, 1866, chap. V, VII et via). En 1266, le pape Clément IV conseilla au roi d’Aragon Jayme le Conquérant de profiter de la révolte des Mudéjares de Valence