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MAHOMET

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considérée comme l'élément le plus original de l’Islam, elle s'était établie dès le sixième siècle parmi les Ibad ou Arabes chrétiens de Ilira, comme la conséquence naturelle de l’adoption d’une religion commune et d’une vie sédentaire (v, G. Roth^tkin, Die Dynastie der l.alimlden in al-Iliia, Leipzig, iSgg, p. 24). Presque toutes les lois et institutions de l’Islam sont de cette époque et trahissent des influences juives indéniables. La limitation du nombre de femmes à quatre, l’indication exacte de l’heure de la prière le matin, quand on pouvait distinguer un Cl noir d’un lil blanc, le frottement avec du sable, substitué aux ablutions en usage avant la prière quand l’eau manquait, la défense de manger de la viande de jiorc ou d’autres mets impurs, pour ne citer que quelques exemples typiques, sont autant de prescriptions d’origine juive. Même la défense de boire du vin revêt, d’abord, la forme du préceple talmudique : « Il est défendu à l’homme ivre de prier. » (Pour les emprunts juils, v. A. Geiger, U’as liât Mohammed ans deni Judenium aufgenommen ? Leipzig, 2<" éd. 1902.) Si, malgré la scission survenue plus tard entre Mahomet et les Juifs, toutes ces choses restèrent en usage, le Qilda, ou la pratique de se tourner vers Jérusalem pour dire la prière, allait être abrogé avec le jeûne du Yôm Kippôr. Le précepte de se tourner pour prier vers la Mecque est intimement lié à deux nouvelles obligations, d’une importance également vitale, celles de la guerre sainte et du pèlerinage à la Mecque.

A la Mecque, dominé par l’idée que chaque nation devait recevoir le même message divin d’un prophète particulier et national, Mahomet ne voyait en Abraham qu’un prédécesseur tout ordinaire. Sa religion, à lui, il la tenait pour essentiellement la même que le judaïsme et le christianisme. A Médine, pourtant, il expérimentait que les Juifs et les chrétiens n'étaient pas disposés à reconnaître à sa religion une valeur égale à la leur. Bien plus, il découvrit qu’Abraham, bien que vénéré comme un homme de Dieu par les Juifs et les chrétiens, n’avait été ni juif ni chrclien, qu’en réalité ilétait le père delà racearabe et pouvait ainsi servir de précurseur et de modèle à lui, Mahomet. Il était venu restaurer l'œuvre d’Abraham, débarrasser sa religion des additions et falsiOcations que les Juifs et les chrétiens y avaient introduites. Mais, si sa religion devait devenir une religion nationale, elle ne pouvait, pour rallier tous les Arabes, se passer de la Ka’ba et de la Mecque, où Mahomet désirait tant retourner. De là, le prophète conçut l’idée de sanctiGer les cérémonies du pèlerinage de la Mecque, en les attribuant à Abraham ou en les rattachant à son nom, et, ainsi, de les introduire dans l’Islam.

« L’absorption de ces fêtes singulières dans l’Islam, 

qui ne les digéra point, dit M. Snouck Hurguonjk, lui permit du moins de se débarrasser plus facilement du contrôle des religions dont il était issu ; la conquête de la Mecque en fut hâtée. Seuls, les esclaves de la tradition orthodoxe ou les esprits dénués de critique peuvent admettre que Mahomet y fut amené par une lutte spirituelle intérieure. » (Une Kouvelle Biographie de Mahomet, Revue del’JIistoire des Religions, XXX, 189/|, p. 167.)Ce compromis, fait à Médine avec le paganisme, fut d’autant plus facile à Mahomet que celui-ci n’avait jamais pris une attitude d’opposition bien marquée vis-à-vis du sanctuaire de la Mecque. En proposant un but religieux à sa campagne contre les Quraish, il en Ot, en un certain sens, une guerre de religion (v. Snouck HtiHGnoNjK, Het Mehkaansche Feest, Leiden, 1880). Les Quraish n’avaient pas manifesté d’opposition réelle au départ de Mahomet et de ses compagnons de la Mecque. Il n’y avait pas entre eux et Mahomet

de véritable casus ieWi. Néanmoins, le prophète avait à peine passé six mois à Médine qu’il commençait ses expéditions de brigandage. Les émigrés devaient bien trouver le moyen de satisfaire à leurs besoins, car ils ne pouvaient rester indéhniment à charge à leurs frères d’adoption de Médine. Ainsi donc, ils s’attelèrentau métier, tout à fait arabe et très lucratif, de pillage des caravanes Les quatre premières expéditions n’eurent pas de succès, soit qu’elles arrivèrent trop tard, soit qu’elles se trouvèrent trop faibles numériquement. La cinquième, sous Abdallah ibn Djahsh, rencontra une riche caravane près de Nakhla le dernier jour du mois Kadjab. Les conducteurs de la caravane avaient réglé le teiupsdeleur voyage de manière à atteindre le territoire sacré, environnant la Mecque, avant la fin du saint mois, pendant lequel la guerre était partout illicite. Mais le chef mahométan, voyant sa proie sur le point de lui échapper, secoua loin de lui tout scrupule religieux ; il attaqua la caravane et emporta le butin à Médine. Mahomet désavoua d’abord cet acte, mais, bientôt après, il l’excusa par une révélation : combattre pendant le mois sacré était mal, mais fitnah, c’est-à-dire faire opposition à la vraie religion, était pire. Le succès d’Abdallah accrut l’armée des pillards ; bientôt nous trouvons Mahomet, à la tête d’environ trois « ents hommes, aux aguets pour attaquer une importante caravane syrienne. Celle-ci, cependant, était défendue par une armée de la Mecque, trois fois aussi nombreuse que la sienne. Selon toute apparence, l’armée musulmane rencontra l’ennemi sans s’y attendre et fut obligée de risquer un engagement (v. F. Buhl, Ein paar Beitrâge… l, Die Vorgeschichte der Schlacht bei liudr, Orientatische Stadien… 1, pp. 7-13). La victoire de Badr en fut le résultat, victoire dont les conséquences devaient s'étendre très loin. Allah s'était déclaré en faveur de Mahomet contre les idolâtres Quraish, avait béni ses armes, l’avait chargé de butin. Dès lors sa position à Médine se trouvait assurée. Le proverbe : « Bien ne vaut la réussite » a toujours été spécialement vrai de l’Islamisme.

La populai’ité, dont jouissait alorsMahomet à Médine, l’encouragea à prendre immédiatement des mesures offensives contre ses ennemis les Juifs. Jusqu'à quel point les rudes traitements qu’il leur lit subir peuvent avoir été accompagnés de haine et de soif de vengeance, il est difficile de le dire ; mais, à n’en pas douter, ils furent dus principalement à son désir d’obtenir des terres pour ses compagnons pauvres et de consolider sa propre situation à Médine. Les Juifs avaient rejeté ses ouvertures ; ils étaient intraitables. Tout ce qu’on pouvait faire, c'était de s’en débarrasser. Les Banù Qainuqa, spécialement, étaient gênants, parce qu’ils habitaient au milieu de la ville. Us devaient être attaqués les premiers. Sans opposer de résistance, ils se retirèrent dans leurs forteresses et là se laissèrent réduire par un siège. Mahomet aurait voulu les passer tous au fil de l'épée, mais, pour éviter des complications avec quelques Médinois hostiles, il leur laissa la vie sauve et leur permit de se retirer en Syrie. Deux années plus tard, venait le tour des Banii Nadir, proches voisins des Banii Qainuqa. Dépouillés, eux aussi, ils allèrent en exil à Khaibar. L’année suivante, cinquième année de l’hégire, les Banù Quraiza eurent à souffrir un sort pire encore. Tous les hommes, il y en avait plus de sept cents, après avoir été forcés de se rendre sans conditions, furent massacrés, tandis que les femmes et les enfants étaient vendus en esclavage. Le prétexte allégué contre les Banù Quraiza était qu’ils avaient pris parti au siège de Médine avec les ennemis de Mahomet. Mais, s’il est certain qu’ils sympathisaient avec les assiégeants