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MONISME

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A cette fin de non-recevoir, vraiment trop sommaire, il suffit de répondre avec Mgr Farces (L’acte et la puissance, )’éd., Berclie et Tralin, igog, p. 161) :

« Lequel des deux prétendus postulats, du « morcelage

» ou du « monisme », mérite réellement ce nom plus ou moins dédaigneux de « postulat » ? Le raorcelage, c’est-à-dire la distinction réelle des êtres cosmiques, par exemple, de vous et de moi, du fils et du père, ou des hommes et des animaux entre eux, est-ce vraiment un postulat, une supposition nou évidente et gratuite ? Ne serait-ce pas au contraire un fait, le plus universel et le plus indéniable des faits ; une donnée première de l’expérience, laquelle pose à la fois le mouvement réciproque des êtres cosmiques et leur multiplicité ? Au contraire, est-ce un fait sensible et évident que cette continuité substantielle et cette unité du grand Tout dont on nous parle ? Qui a pu jamais la voir et la constater, cette unité ?… En conséquence, le postulat du monisme… est une hypothèse systématique et artificielle, qu’on ne saurait prendre pour point de départ de la philosophie, sans une énorme pétition de principes, v Cette conclusion sera aussi la nôtre.

^) Il nous reste toutefois, pour compléter cette première partie de notre réfutation et pour préparer la seconde, à discuter une solution plus radicale encore que la précédente, solution remontant à une vingtaine d’années et dont l’inventeur ne se proposait d’ailleurs nullement de faire triompher la doctrine de l’unité ontologique de l’être : à titre de positiviste convaincu, Eugène de Robkrty (18.V31giô), sociologue d’origine russe devenu professeur à l’Université nouvelle de Bruxelles et à l’Ecole des hautes études de Paris, ne voit en effet dans ce qu’il api>elle a le monisme uUrarationnel ou transcendant. .. qu’une fin de non-recevoir et une défaite de l’idée unitaire elle-même. » (Recherche de l’unité, Alcan, 1893. p. 211) Aussi le seul monisme qu’il convienne, d’après lui, d’établir et que lui-même poursuive d’une recherche incessante, c’est un monisme logique : mais ce monisme logique, tel qu’il l’entend, étant plus absolument encore que l’autre, exclusif de toute croyance en Dieu, force nous est bien de l’exposer et de le juger aussi brièvement que possible.

L’auteur, en dehors de ses recherches sociologiques, semble, d’après ce qu’il nous déclare lui-même, avoir assigné à son activité intellectuelle un double objet : tout d’abord (/.’.ancienne et la Sou^’elle Philosophie, Alcan, 1885), fonder la vraie philosophie, la seule digne de ce nom, la philosophie des sciences, destinée à remplacer enfin « ces hypothèses générales qui suppléent au savoir absent », décorées du nom de métaphysique et qui sont à la philosophie de la raison « ce que l’alchimie est à la chimie moderne et l’astrologie à l’astronomie » (p. 314) ; mais il s’est proposé une seconde mission, plus modeste, encore que laborieuse, et d’ailleurs en relation étroite avec la première, celle à’exorciser l’/ncnnniiissable, ce dernier « fantôme du passé théologique de l’humanité » (Inconnaissable, Alcan, 1889, p. 56). Le procédé ébauché à cette fin dans ce dernier ouvrage a été développé dans la Recherche de l’unité ; il s’appuie sur ce que l’auteur nomme « l’identité des contraires surabstraits ». « Si la loi de l’identité des contraires, nous assure-t-il, était reconnue comme une véritable découverte psychologique, la croyance à la chose en soi, le dualisme de la connaissance aurait sûrement vécu. » (Recherche de l’unité, p. 46) Voici en quoi consiste cette loi merveilleuse,.appelons

« surabstraits » les idées tellement générales

qu’elles ne peuvent faire partie d’un genre supérieur et rangeons-les en couples où l’une apparaisse comme

l’opposée de l’autre : par exemple, chez Descartes, l’Infini et le fini, Dieu et le monde, et aussi l’esprit et la matière, — chez les modernes l’Absolu et le relatif, le noumène et le phénomène, l’Inconnaissable et le connaissable. Cette classification opérée, l’auteur, avec l’assurance si plaisamment dogmatique qui caractérise son « hyperpositivisme », nous révèle que l’opposition nominale apparente entre les deux termes de chacun de ces couples voile une parfaite éipiivalence et une identité réelle. Ainsi « l’infini n’est, selon la loi de l’identité des contraires, que le fini pur ou abstrait, soit, en ce sens, l’universel, l’attribut présent dans toutes les réalités. » De même

« Dieu ne signifie rien, s’il ne signifie l’univers ou

l’idée abstraite quenous enavons. » (id., p.47)En application de la même théorie, l’auteur nous avait déjà déclaré plus brutalement dans L’/nconnaissulite (p. 15a) : <c Dieu est une négation, … la négation cachée du concept positif de l’univers, qui comprend ces deux autres concepts, le monde et l’homme. » El plus loin (p. 160) :.< On ne saurait trop insister sur cette vérité que Dieu est la notion qui rassemble en une classe universelle toutes les négations partielles, déjà préalablement réduites à deux grands genres : la négation du monde et la négation de l’homme. C’est la négation suprême, le zéro le plus zéro, si l’on peut s’exprimer ainsi, car il contient et embrasse tous les autres zéros. Mais en vertu de la même loi, et quand on analyse les cléments isolés qui composent ce concept (ce que l’humanité a toujours fait inconsciemment), c’est aussi l’être par excellence, car c’est le monde et l’homme. » Il nous assure encore que a le bon et le mauvais sont deux degrés, deux espèces, deux variétés <rune seule et même qualité » (p. 175) ; d’où il conclura, dans une œuvre postérieure, à l’idenlilé essentielle du bien et du mal (Le Bien et le Mal,.lcan, iSgô, § xi). L’opposilion de l’esprit et de la matière n’est pas d’une autre nature : c’est l’opposilioa du moi et du nonmoi, ou du temps et de l’espace, deux « synonymes de l’existence, de l’attribut universel des choses. » (Recherche de l’unité, p. 82)

Comme on le voit, cette solution du dualisme psychologique, cauchemar de toute doctrine unitaire, est aussi simple que radicale et on s’étonne qu’il ait fallu attendre Eugène de Roberty pour s’en aviser. Le malheur est, comme on l’a fait remarquer dès longtemps à l’auteur, que ces aUirniations singulières ne s’appuient sur aucun commencement de preuve : les arguments qu’on attend sont remplacés par des sarcasmes à l’adresse des théologiens et des philosophes (L’Inconnaissable, p. 14’^). On nous dit. il est vrai, que n la théorie des contraires, condamnée par l’introspection vulgaire, rejetée par la logique abstraite, par le mécanisme sj’llogistique fonctionnant à vide, est due entièrement à l’emploi des méthodes indirectes de la psychologie et de la sociologie > (ib., p. 184) ; que, si « nous ne connaissons pas les lois psychophysiques qui président à la différenciation psychologique de ce qu’on pourrait appeler… des concepts isomères, … cela ne doit pas nous empêcher. .. de constater leur isomérie » (p. 185) ; qu’enfin

« l’induction sociologique vient corroborer l’induction

psychophysique » (p. 189) ; quelque appel que l’on fasse ailleurs à une psjchologie de l’avenir

« mieux informée que la nôtre » (Recherche de l’unité, 

p. 80), quelque espoir qu’on puisse fonder sur a les recherches psychophysiologiques » et sur l’étude sociologique des lois de l’évolution hyperorganique, c’est-à-dire de la variation et de la transformation des phénomènes psychiques complexes » (L’Inconnaissable, p. 2) ; en dépit enfin d’attaques intéressées contre

« les tristes ergoteurs qui dînent des miettes