Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/461

Cette page n’a pas encore été corrigée

909

MONISME

910

le témoignage irrécusable de la conscience individuelle.

Défaut non moins "'"ave : cette conscience, à laquelle il fait continuellement appel comme au seul témoin autorisé de l’objectivité de nos connaissances, nulle part il n’en explique l’unité et l’identité ; il les allirme sans doute comme des données premières, mais toute sa pliilosophie en exige impérieusement la négation : non seulement en clfet s’enfermer dans le pUénoménisme, c’est renoncer à l’unité du moi ; mais écrire : « Il y a un tout inlini et continu donné d’un seul coup et dans lequel, après coup, nous traçons des divisions, nous opérons des analyses codcepluelles suivies de synthèses ou compositions non moins conceptuelles » (Esquisse…, p. 33), n’est-ce pas ou bien nier équivalemment l’individualité réelle du moi, ou bien la faire dépendre de cette conscience même qu’il s’agit d expliquer ?

La contradiction est d’ailleurs au cœur même de la théorie, et le nom d’idée-force, qui a pour but de la dissimuler, la fait éclater de toutes parts. En vain, aux objections pressantes de M. Lalande dans ce sens (Uev. philùsophique, t.LXXlII, Le volontarisme intellecluatisie), Fouillée répondait encore, peu de mois avant sa mort ('i., p. ji) : o Nous n’admettons pas d’opposition et de dualité radicale, mais seulement des degrés de développement et de -npo^^oi entre vivre et agir, entre agir et vouloir, entre vouloir et penser » ; la question est précisément de savoir s’il n’y a pas irréductibilité absolue entre les phénomènes qu’onréunit arbitrairement sous le nom commun d’idées. L’auteur a beau nous aflirmer, par exemple, que « nos idées abstraites sont des symboles d’images, dans lesquels uneimage simpleet pour ainsidire aisément maniable, le son, devient un substitut d’autres images plus compliquées » (Evolutionn ; sHie…, p. 80) ; ce nominalisme, renouvelé de Taine, demeure impuissant à expliquer le caractère immatériel de l’idée, qui la distinguera toujours essentiellement de toute opération organique.

L’expression d’idéeforce couvre une autre équivoque. On l’a fait justement remarquer (Ch. Diîlmas, L'éi’olutionnisme des idées-foices, Etudes, t. LU, p. ^6), une idée, comme telle, n’est pas agissante au sens qu’exprime le mot force, c’est-à-dire à titre de cause eflicienle ; son iniluence, quand elle s’exerce, appartient à l’ordre de la cause finale et exemplaire ; les exemples d’apparence contraire qu’accumule Fouillée établissent seulement l’intime union des puissances de l'àme, union connue de tout temps et mise peut-être mieux en relief à notre époque. Mais union n’est pas unité et, si on peut admettre l’identité entre agir et vouloir, du moins quand il est question d’une action proprement humaine, impossible d’identifier penser et vouloir. En vain nous fait-on remarquer, pour parer l’objection, que ., p. 197). Sous une forme ou sous une autre, comme le remarque M. Lalande dans l’article déjà cité, les termes mêmes de volonté de conscience supposent donc un dualisme foncier.

La même conclusion apparaîtra, et de façon plus évidente peut-être, si, sortant du moi, nous considérons l’ensemble des choses. Admît-on l’identité réelle de l’idée et de la force, l’unité parfaite de la volonté de conscience dans le vivant, « identifier cette tendance à l’essor total de l'être, proteste encore M. Lalande, quelle amplification inconciliable avec

les faits ! » (H. philosophique, t. LXXIII, p. 14) Estce vraiment, comme on en afiirme la prétention, « se placer en pleine réalité » et proposer une philosophie /o/irfee sur l’expérience » (/.a pensée.., , préface, p. xiv), que d’interpréter la matière brute en termes de volonté de conscience ?

De toutes les réductions qui s’imposent à un monisme conséquent, aucune n’est plus laborieuse (partisans comme adversaires l’admettent) ijue celle qui tend à unifier le mental et le physiciue. Fouillée se déclare sur ce point, non seulement contre le matérialisme et l’idéalisme absolus, mais contre la théorie du double aspect : a N’y a-t-il pas quelque chose d’un peu puéril, demande-1-il (Esquisse…, p. 817), dans la division en deux de l’univers, dans la dichotomie du mouvement et de la pensée, qui iraient chacun de son côté et par soi, et qui se trouveraient cependant toujours parallèles ? » Et aussitôt il ajoute : Il II n’existe, selon nous, t|u’une seule et unique réalité, océan immense dont les faits dits physiques et les faits dits psychiques sont tous des flots, contribuant pour leur part à la tempête éternelle. Physique ouy).s></i/V/ » e, c’est simplement affaire de di’grés.n Et pourtant il dira quehiues pages plus loin (p. 3-20) : '< Il n’y a donc ni appétition sans mouvement, ni mouvement sans une obscure appétition : le mouvement est un extrait du phénomène total, l’appétition en est un autre extrait, avec cette dilférence que l’appétition représente quelque chose de beaucoup plus fondamental et qu’elle est, pour le philosophe, la vraie cause… Le mécani((ue, conmie tel, s’explique mécaniquement et est l’objet des sciences de la nature ; le psychique, comme tel, s’explique psychologiquement et est l’objet des sciences de l’esprit ; mais, au point de vue de la réalité concrète, qui est celui où se place la philosophie générale, où se place aussi la morale, le psychique et le mécanique sont toujours unis, et c’est le premier qui est le fondement du deuxième. » Auparavant il avait dit plus nerveusement (p. 153) : <i Mécanique et télcologique sont deux aspects abstraits du réel, l’un de surface, l’autre de fond. » En quoi pareilles formules s'écartent-elles des hypothèses parallélistes ou du double aspect ? Plus loin pourtant (p. 867) il affirmera de nouveau : « Nous n’avons jamais conçu lephysique et le mental comme parallèles, ni comme double aspect, ni comme rapport d’un phénomène à un épiphénomène. Nous avons réfuté toutes ces théories dans V Evolutionnisme dos idées-forces, pour y substituer un rapport de simple correspondance et de coopération en'.re le mental et le physique. Cette correspondance n’est pas une reproduction de l’un par l’autre, maisun retentissement final de l’un dans l’autre sous des formes qui ne sont plus [laralloles. » Mais, si cette correspondance n’est pas un parallélisme, et surtoutsi elle entraîne coopération, ne snppose-t-elle pas dans la réalité ce dualisme fondamental qu’on prétend exclure ? Hu rapprochement de textes de ce genre, M. Parodi croit pouvoir conclure : « Il semble… qnel’idéalisme volontariste…, si séduisant f|u’il soil dans son aspiration à tout concilier, tendance et raison, force et idée, niccanisnie et intelligibilité, reste suspendu entre deux conceptions opposées, sans consentir à opter entre elles : le naturalismed’une part, l’idéalismepurde l’autre. » (llevue philosophique, t. LXXVltl, p. 201-202) A moins qu’on ne préfère dire simplement avec M. Uourb (et cette interprétation nous paraît plu- ; objective encore que la précédente) : « M. Fouillée substitue à V/dée-re/let le Mécanisme-reflet. Nos sens perçoivent en nous et autour de nous des mouvements, des changements que nous appelons physiologiques, physiques, chimiques, mécaniques, et sous lesquels