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MONISME

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Vexplifiuer et de la discuter avec quelque détail, parce qu’elle nous semble demeurer jusqu’ici l’eiroil le plus vigoureux pour donner une apparence de logique et de vriiiseaiblance à la métaphysique unitaire, sous la dernière forme qu’elle ait revêtue à notre cpoqu

Celle lliéorie est, avant tout, une philosophie de l'évolution universelle, comme nombre d’ailleurs de cosmologies contemporaines et, très spécialement, comme la cosmologie spencérienne. Jlais, tandis que chez Spencer « la théorie de l'évolution manque d’unité » et « laisse l’esprit en présence de trois termes dont le lien échappe : d’abord un inconnaissable, puis deux séries <le faits connaissables (faits physii|ues et faits psychiques) dont la seconde vient se surajouter on ne sait comment à la première… » {L'éioluiiurmisme…, Introd., p. vi), Fouillée essaie

« d'établir les principes d’un évolutionnisræ vraiment moniste, mais immanent et expérimental » 

(p. xi). Un Ici évolulionnisme ne saurait être exclusivement inccaniste, sans aboutir à l’explication scientiliquement et philosophiquement inadmissible de la conscicnce-éftiphénomèrie ou de Vidée-reflet. Kt c’est pour marquer le caractère propre de son système, en opposition avec les précédents, que l’auteur l’a appelé « philosophie des idées-forces. Si nous avons adopté, ajoute-t-il (p. xi), cette expression très générale A’idée-force, c’est précisément pour y envelopper tous les modes d’influence possible que l’idée |)eul avoir, en tant que facteur, cause, condition de changement pour d’autres phénomènes, etc., en un mot toutes les formes d’efficacité quelconque, par opposition aux idées-reflets… En outre, nous prendrons le mot d’idée ou de pensée au sens cartésien, comme exprimant les étals de conscience iiou seulement avec leur côté intellectuel, mais aussi avec le sentiment et l’appétition qui en sont inséparables. »

Le caractère général de la théorie ainsi établi, voyons comment l’auteur entend et justiUe l’interprétation nouvelle du monde qu il propose.

D’après lui, la raison, travaillant sur les données expérimentales élaborées par la science, nous fait concevoir le monde comme une réalité intelligible (^Ssqiiisse…, c. i), « inlinie, infiniment inlinie, mais… eu mène temps une, cohérente, solidaire en l’inlinité de ses parties », parce qu’elle est « la causalité inlinie et réciproque, partout causante et causée » (ib., p. 20y). Sans doute, « il y a discontinuité, au moins apparente, dans les choses sensibles, et cette apparence est bien fondée dans des rapports qui sont exacts. Mais, sous la discontinuité, nous retrouvons toujours la continuité ; jamais le vide absolu ne se révèle. Si donc il y a du fini, il y a toujours aussi, du Coté quantitatif, dans le temps et dans l’espace, de l’inlini où le lini lui-même se détache. Toute étendue tinie enveloppe en soi l’inlini et est enveloppée par l’inlini ; de même pour toute durée. » (, ib., p. 27) Même, à vrai dire, « l’infini seul existe. Le fini n’est qu’uu certain nombre de relations considérées seules par abstraction et n’ayant qu’une indépendance relative, qu’une limitation relative. » (p. 34) « Tout baigne dans l’infini et est infini. La réalité n’est pas dans un élément dernier ; elle est dans le tout et dans les touls concrets qui sont eux-mêmes dans le tout. Il n’y a point d'éléments et le tout lui-même n’est pas un eo « i/.iosé d'éléments ; il est, et les divers êtres ne sont qu’en lui, et par lui. » (p. 35)

D’autre pari, « les êtres que nous connaissons et approfondissons finissent toujours par nous révéler en eux-mêmes un mouvement, tout au moins un changement, un devenir… La réalité n’est point enfermée dans l’adage géométrique et spatial de Parménide : l'être est, le non-étre n’est pas. L'être tend à être plus et autrement qu’il n’est : il n’est pas

immuable, parce qu’il n’enveloppe pas en soi la perfection, la satisl’aolion complète de soi. L'être est, en eifel, un ni.ius, un conalus. S’il est ainsi, on ne peut jamais dire qu’il soit comjjlet, achevé, lixé dansdes limites immobiles, comme un portrait dans son cadre. » (p. 26) Leconcept de (cette) continuité dans le changement selon une règle, conduit à l’iilée d'érotution, … série de changements réglés qui va du permanent au changeant, du changeant au permanent, pour aboutir, comme synthèse, à des existences de plus en plus individualisées, de plus en plus capables de retenir en elles les changements passés et de reproduire des changements nouveaux. » (p. 177) « D’ordinaire, on considère surtout l'évolution sous le rapport de la permanence et du devenir, lîien plus, l'écf>le spencérienne la voit sous un aspect àpeu près exclusivement i|uantitatif et mécanique, … tandis que nous avons montré la nécessité de la saisir sous un aspect dynamique, qui ne peut plus être un simple mécanisme. » (p. 178) En effet, si « la représentation humaine de l’univers… est statique, l'évolution même de l’univers est dynamique, et en même temps rationnelle. » (p. 189) En d’autres termes, si le mécanisme universel, sous forme de déterminisme absolu, est la seule explic-ation scientifique des phénomènes matériels, « le philosophe, lui, à ses risques et périls, doit se poser le grand problème de la production et de l’activité vraiment causale » (p. xxix), « de l'évolution en train de se faire. » (p. 178) Ce problème, le dogme de l'évolution universelle, tout incontestable qu’il est, ne le résout pas, mais ne fait que l’introduire ; car « l'évolution mécanique présuppose… une évolution interne, et celle-ci présuppose des lois plus radicales encore, dont elle n’est que le complexus… H fautse souvenir (en elTel) que l'évolution n’est pas une loi antérieure aux facteurs mêmes et les régissanlcomnie un code, mais qu’elle est la forme et le si^ne du processus appétitif qui constitue l’existence interne en nous et, vraisemblablement, en toutes choses. » (Evolulionnisme… Introd., p. Lin)

Ce processus, comment le saisir et en déterminer la nature réelle ? Pour Fouillée, la seule méthode légitime, c’est l’introspection psychologique, puisque

« c’est… dans la conscience qu’il faut descendre pour

trouver ce qui est. (Esquisse…, p. xxxiv) Le principe de la méthode ainsi posé, que nous révèle notre propre expérience ? Elle « nous montre à la fois et le processus mécanique et le processus conscient de l’appétition ; et ce ne sont pas là deux réalités disparates qui pourraient être indifférentes l’une à l’autre, ni deux « aspects » dont l’un, le mental, serait l'épiphénomène d’un phénomène ; mais c’est une même réalité en voie de développement qui se diversifie par la diversité des moyens de la saisir. » (Evolulionnisme…, '^. lix) En un mot, elle nous conduit à la théorie de Vidée-force.

L’auteur nous a déjà avertis que, dans celle formule, il entend donner au mot idée un sens très large : « Nousappellerons i(/e’e.s…, précise-t-il dès les premières lignes de VEtulutionnisme des idéesforces, tous les états de conscience en tant que susceptibles de réflexion et, par réflexion, de réaction sur eux-mêmes, sur les autres états de conscience, enfin. gràceà la liaison du physiqueet du mental, sur les organes du mouvement. » (p. 1) L’idée ainsi entendue n’est donc pas pure représentation d’un objet, elle est encore et surtout émotion et tendance :

« Toute idée… implique ce processus à trois termes

que nous avons appelé le processus appétitif : représentation, émotion, appétition… » (p. xxxvii) Ces j trois éléments, distingués par la réllexion, se trou vent unis, quoique à des degrés divers, dans une