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MONISME

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où on l’imagine » (p.) : >) ; lui enfin, qui a écrit quelque part, à propos de la création ex niliilu : « Quand la science rencontre un mystère, elle ne s’arrête ni à le discuter, ni à le démontrer ; elle lui ferme sa porte » (p. 594) ; comment a-t-ilété le seul à ne pas voir, non seulement les mystères qu’il introduisait dans sa cosmologie soi-disant scjentitique, mais les contradictions sur lesquelles s’écbafaude son monisme : pure virtualité qui se réalise, — idéal qui agit avant d’être conçu, — monde seule cause de tous ses effets, — Etre nécessaire, iutini et éternel, seul Uieu réel et fi’anl, constitué par la totalité dos individualités contingentes, — enfin un autre Dieu, le frai, ce Dieu parfait qui n’existe pa> !

Cette dernière opposition toutefois entre le Dieu infini, seul réel, et le Dieu parfait, pur idéal, VacUerot, nous l’avons reconnu, a Uni par l’aliandonner ; mais si le A^oin’eau Spiritualisme marque un incontestable progrès dans sa conception du Divin, Il ne s’élève pas en réalité au-dessus du panthéisme, ou peut-être du punenthétsme. Par là du moins, la doctrine de cedernierouvrag-e, touterronée qu’elle demeure, dépasse les bornes de cet article. Elle a été exposée et discutée, avec les principales opinions métaphysiques de l’auteur, par Paul Jankt dans l’article déjà cité (Le Testament d un philosophe, Het’. des D. M., i’^' juin 1885, ou Principes de Métaphysique et de Psychologie, t. II), par Mgrn’HuLST (Le Nouveau Spiritualisme de Vacherot, Ann. de ph. chrétienne, avril 1885 ou Mélanges philosophiques, p. 433), surtout par M. l’abbé Elle Blanc (L’n spiritualisme sans Dieu, dans La Controverse et le Contemporain, aLvr-noemhTe 1885

— tiré à part, Lyon, Librairie catholique).

Notons seulement que ce terme de « nouveau spiritualisme », touten traduisant les intentions très sincères de l’auteur et répondant dans une certaine mesure à sa psychologie et à sa morale, toutes deux d’inspiration élevée, ne doit pas faire illusion sur le vrai caractère de sa théodicée et de sa cosmologie. Même à propos de ce dernier ouvrage, on pourrait retourner contre Vacherot, en n’y changeant qu’un seul mot, un reproche que, dans La Mitaphysique et la Science II, p. 118), il adresse, avec bien moins de fondement, à plusieurs des grands idéalistes du passé : « C’est le souille puissant d’un principe étranger… qui a introduit le spiritualisme dans les conceptions (positivistes) de (sa) philosophie. Mais sur ce fond ingrat la doctrine spiritualiste ne pousse pas de profondes racines. Au lieu de se fortifier et de se développer en s’appuyant sur sa propre base, elle se corrompt, se dessèche, se perd en s’enfonçant de plus en plus dans le sol (du positivisme). >> Conscient de sa noblesse d’idée et de caractère, trompé d’ailleurs par la sonorité des pins grands mots du langage humain, qu’il continue à employer après les avoir vidés de leur sens légitime, Vacherot a pu, de bonne foi, se croire fidèle aux leçons de ses maîtres sur Dieu et sur l’âme ; mais comment, sans s’exposer à de regrettables confusions, décorer du nom de spiritualisme une métaphysique, qui, toute pénétrée de ce [lositivisme contre lequel elle s’obstine à protester, ne garde guère elle-même qu’en paroles la distinction entre la matière et l’esprit, entre le monde et Dieu ?

VI. Monisme matérialiste et biologique. — Le plus ordinairement, le terme de monisme, surtout employé sans épilhète, désigne une forme spéciale et récente du matérialisme, généralisation de la théorie du transformisme darwinien.il y a longtemjJS sans doute que certains philosophes et surtout certains savants ont émis la prétention d’expliquer,

avec les seules données de la matière et du mouvement, le problème de l’univers, vie et pensée comprises ; mais, au siècle dernier, les progrès considérables faits par les sciences biologiques et la vogue accordée au darwinisme inspirèrent à des naturalistes, surtout anglais et allemands, l’ambition et 1 espoir de trouver une explication moins manifeslement insuiUsante de l’origine matérielle des vivants.

A. — Marchant sur les traces du Hollandais Jacobus MoLEscuoTr (1822-1893), des Anglais John Tyndall (1820-1898) et Thomas Huxley (1 825-1896), des Allemands Karl VoGT (181^-1895), Friedrich Buchner (1824-1899) et Rudolf ViRCHOw (182 11 902), M. Ernest Hae< : kbl (ne en 1834), professeur à léna, se propose de résoudre le problème cosmologique, en partant de la théorie évolutionniste et en la poussant jusqu’à SCS dernières conséquences. Il entend bien d’ailleurs que son système soit le seul qui ait le droit de se qualifier de monisme, de même que — ambition bien moins justifiée encore — il n’hésite pas à accaparer à son profit le beau nom de science. Ce monisme, cette science, dont il se réserve ainsi le monopole, il a la prétention d’en faire une religion, la seule religion de l’avenir : La religion monistique de la Nature, oii nous devons voir la véritable Religion de l’avenir, a-t-il écrit lui-même, n’est point, comme les religions que professent les Eglises, eu contradiction, mais en plein accord avec la connaissance de la nature. Tandis que celles-ci n’ont d’autre origine que des illusions et la superstition, celle-là se fonde sur la vérité et la science ». (Naliirliche Schœpfungsgeschichte, Berlin, 7= éd., p. 681) A la diffusion de eetle religion nouvelle doivent contribuer, dans l’intention de son fondateur, outre ses propres ouvrages, des congrès monistes périodiques, dont le premier s’est réuni à Hambourg en septembre 191a.

Dans la conférence qu’il y a fait lire, Hæckel a affirme, paraitil, une fois de plus que « la théorie de l’évolution nous apporte des preuves que l’Univers s’est formé d’une substance primitive, d’après des lois éternelles, sans le concours d’un Dieu planant sur les eaux » (Revue Scientia, t. XI, p. 4^9). Le malheur est que, ces preuves, on ne les chercherait pas moins en vain dans le compte rendu du congrès que dans les écrits mêmes de l’auteur. Sans doute les ouvrages de M. Hæckel ont eu, en Allemagne du moins, un succès de librairie retentissant, dont on a pu dire que ce fut un des grands scandales scientifiques, ou plutôt antiscientiliques, de notre époque ; mais, si ce succès jette uu triste jour sur la mentalité intellectuelle et religieuse des masses contemporaines, il ne peut pourtant pas suppléer à l’absence totale de démonstration.

Le monisme biologique du professeur d’Iéna traduit, il est vrai, en termes empruntés à la science d’aujourd’hui, les alfirmations du vieux matérialisme d’Epicure et de Lucrèce ; mais, à son exemple, il remplace les arguments par des postulats : postulat d’une matière éternelle et indestructible ; postulat d’une génération spontanée, rejetée dans un lointain inaccessible ; postulat d’une mo/iè/e primitive, cellule sans noyau, d’où seraient sorties, par une différenciation lente et progressive, toutes les espèces vivantes actuelles ; poui’relier l’homme à la monère, postulat d’une généalogie d’ancèti’es aussi inconnus à la paléontologie qu’à la zoologie ; enfin, pour expliquer l’intelligence humaine, postulat du pampsychisme de la matière.

A quoi bon discuter en détail pareilles fantaisies, en fæur desquelles l’auteur n’invoque, à tout prendre, qu’une seule raison, toujours la même, la