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la perle lie nombreux avantages matériels attaclicsà leur sanctuaire. Voyant ainsi menacées leur jiaix et leurprospérité, ilsse déterminèrent à une opposition, à une persécution, qui, d’ailleurs, ont été grandement exagérées par les historiens nialiométans. Comme toute olTense contre un individu était offense contre le clan même et, à ce titre, devait être vengée, nous pouvons être siirsque les Mahoinétans libres ne souffrirent pas dé violence ouverte. Il en allait autrement des esclaves, que maltraitaient leurs mailres, et à qui il fallait, ou qu’on les rendit à la liberté moyennant rançon, ou que de bouche ils renonçassent à l’Islam qu’ils admettaient de cœur. Les richesses d’Abi’i Bakr, d’une part, et, de l’autre, l’autorisation de l’indulgent prophète, aidèrent à ce double résultat.

En raison de la persécution, Mahomet prit d’importantes mesures. La premièrefut deneplusprêclier en public, mais bien dans la maison d’AI-Arqani, où il continua, sans plus de trouble, d’assembler et d’enseigner de craintifs adeptes. Les réunions chez Al-Arqam durèrent deux ans(G15-617 A. D.) et l’on dit que ce fut l’accession d’Omar, de terrible persécuteur devenu fervent disciple, qui donna aux fidèles courage et force pour se produire derechef en public. La seconde mesure fut la première Iluljra, ou émigration, vers les contrées chrétiennes de l’Abyssinie. Un document de valeur, écrit pour le calife’Abd-al-Malik par > Urwa ibn Zubaiii et partiellement conservé par Tauarî (Annales, éd. de Leyde, 1, 1 180), nous informe que ceux qui traversèrent ainsi la mer furent les gens qui avaient été dominés par les séductions des Quraish et pour qui ces séductions étaient le plus à craindre. De cela, et du fait que les exilés d’Abyssinie ne revinrent qu’en l’an 7 de l’hégire, lorsque le succès de l’Islam était assuré, Cætani conclut que la liicfjra abyssine fut « un acte de bassesse ».Mais c’est là une exagération, ainsi que nous l’apprend une autre tradition du même’^Urwa (I. c. I, 122/1), d’après laquelle il j’eut quelques retours de l’Abyssinie durant la période niecquoise, d’après laquelle, encore, les séductions en question comportaient, sinon des violences déclarées, du moins de durs traitements. Le document ne dit pas, et il fautregardercomme improbable, que les Quraish aient, sans résultat, envoyé au Négus une ambassade demandant le retour des exilés. Quelques-uns, cependant, purent revenir, grâce à un compromis entre Mahomet etle paganisme mecquois (v. F. Buhl, Ein paar Beitriige ztir Kritik der Geschichte Mahammeds. II. Die Ausa’anderung nach Abyssinien, Orienialische Sludien Th. Nbldeke geuùdmet, I, 13-22).

La révélation concernant les trois grandes déesses des Mecquois, Al-Lât, Al-cUzzà et Manât (Coran, S. 53), contenait originairement la déclaration suivante : elles sont les sublimes < ; harâniq (mot de signification douteuse), et l’on peut avoir confiance en leur intercession. Cette concession réconcilia les Quraish avec Mahomet. Mais le prophète trouva qu’il avait acheté la paix trop cher et, par la suite, raya du Coran ces lignes, alléguant qu’il avait été trompe par le diable ; mais, dans la période comprise entre l’insertion de ces lignes et leur retrait, trente-neuf exilés étaient revenus. Parmi les critiques récents, Cætani, seul, que je sache, refuse de considérer cet épisode comme historique. Il était, pourtant, très naturel que le prédicateur, las de tracasseries, essayât un compromis, et nul compromis ne coûtait moins à ses vues monothéistes que d’accorder à des divinités inférieures nn pouvoird’intercession auprès d’Allah. De plus, ce n’était pas alors tant le monothéisme que la résurrection et le jugement qui formaient le fond de sa prédication. Un compromis

ultérieur, et qui prit, de même, la forme d’une révélation, alla plus loin encore. Et, enfin, on ne voit pas comment un tel épisode, s’il a été inventé, peut s’être glissé parmi les traditions orthodoxes de l’Islam primitif (v. Buhl, op. cit. p. ao-ai, pour la réfutation de l’argument principal de Cætani).

Le retour de Mahomet à l’intransigeance causa probablement une reprise des hostilités. On demanda à son oncle, Abu Tàlib, de l’abandonner, et, sur son refus, on le mit en quarantaine — on le boycotta — avec son clan,.insi du moins- en témoigne la version traditionnelle. Mais c’était là, contre la nouvelle religion, une étrange mesure, puisqu’il n’y avait dans ce clan que trois musulmans, Mahomet, son cousin’^.lî, et son oncle Ilamza, et les Quraish savaient bien que l’attachement au clan ne permettrait pas facilement à un homme comme Abu "Tàlib d’abandonner son neveu. Cette histoire de mise au ban repose sur une mauvaise autorité ; le Coran n’en parle pas, ni, non plus, "^Urwa, notre meilleure autorité, bien que la plus courte, sur l’Islam primitif. Il y a donc de bonnes raisons de la considérer comme une fiction. Cependant, Nokldkke pense qu’elle a un fond de vrai et que Mahomel, abandonné par les chefs de son clan, a dû solliciter la protection du païen, Mutim ibn’^Adi, qui est loué de la lui avoir accordée par le poète contemporain Hassan ibn Thàbit(v. Die Tradition iiber dus Leben Mahommeds, 1. c. p. 164 ; Cabtani, Annali, I, 288 sq.).

Enfin Mahomet, désespérant de convertir les Quraish, tourna son attention vers la cité voisine de fâ’if et sur les pèlerins assemblés à la Mecque. De Jà’if il fut durement expulsé, et des pèlerins il ne reçut, d’abord, qu’un accueil indifférent. Les Arabes ne trouvaient nul intérêt à traiter avec lui. Il en alla, pourtant, d’autre sorte avec les Médinois et il nous faut sommairement exposer les circonstances spéciales qui firent d’eux, en la matière, une exception parmi les Arabes (v. Welliiausen, Médina vor deni Islam, Skizzen und Vorarbeiten, IV, S-^^) Plus est violente la maladie, mieux est senti le besoin d’un remède. C’était à Médine, ou Yathril), comme on l’appelait alors, que l’anarchie politique arabe avait atteint son apogée. Cette ville était occupée par deux tribus arabes du sud, les Aus et les Khazradj, toujours en lutte l’une avec l’autre, et qui craignaient, d’autre part, la domination des Juifs habitant la ville ou ses alentours. Tout récemment, à la seconde bataille de Bu’àth, elles s’étaient infligé l’une à l’autre de lourdes pertes. Le parti de la paix, qui avait à creur les intérêts de la ville, non seulement considéra l’accroissement de forces que vaudrait la présence de Mahomet et de ses soixante-dix adeptes, mais vit clairement que le seul moyen de rétablir la paix dans la factieuse Médine, où le système des clans produisait de si désastreux résultats, était d’établir une vigoureuse discipline et de ne plus tenir compte de l’organisation en tribus. Or, avec l’Islam, on arriverait à ce double résultat. Les.Médinois, également, vu leur origine sud-arabique et leurs fréquents rapports avec les Juifs, étaient mieux disposés au point de vue religieux que les habitants de la Mecque. Puis, les liens de famille, qui unissaient Mahomet avec les Banù Nadjdjâr, ont dû influer en sa faveur. Ajirès nombre de délibérations, qui ne durèrent pas moins de deux ans, les envoyés de Yathrib déclarèrent solennellement à Mahomet, lors de la seconde réunion de’"Aqaba, l’an 622 : « Nous vous appartenons et vous nous appartenez ; et si vous et vos compagnons, vous venez chercher un refuge chez nous, sachez que nous vous défendrons comme nous nous défendrions nous-mêmes. « (Tradition d’Az-Zunnî, Tabarî,