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MAHOMET

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II. Premières années. — La date traditionnelle de la naissance de Mahomet est environ l’année 5^0 après Jésus-Christ. Cependant le P. Lammens a donné dernièrement de bonnes raisons pour reporter la date de cet événement di.x ans plus tard (v. L’âge de Mahomet et la chronologie de la Sira, Journal asiatique, XVII, 2 [igii], pp. 209-260). On dit du prophète qu il fut le ûls posthume d’Abdallah, le plus jeune fils d’Abd-al-Mutlalib de la tribu de Quraish. Sa mère, Amina, qui mourut alors qu’il était encore très jeune, appartenait à la famille mecquoise des Banù Zuhrâ. La femme de son grand-père, Abd-al-Muttalib, était membre de la famille médinoise des Banù Nadjdjâr — fait auquel le poète Hassan ibn Thâbitfait allusion dans un de ses vers. Nous pouvons admettre cette généalogie dans son ensemble, ainsi que l’admettent actuellement la plupart des spécialistes, bien que Cætani et Lammens la rejettent comme une tentative pour ennol>lir Mahomet et jugent qu’une origine commune expliquerait mieux ce que le Coran rapporte et sur son enfance pauvre et sur sa polémique contre les ambitions généalogiques de SCS compatriotes (v. M. J. dk Goeje, la Filiation de.Valiomel, Cenlenario délia JVascita di Michèle ^mari, Scritli. Palermo, 1910, 1, 15. sq. ; Th.NoKLDEKE, Wiener Zeitschrifl fur Kunde des Morgenlands [ W. Z. K. M.], XXI, p. 300 sq.).

Ueçul-il le nom de Mahomet à sa naissance ? C’est là un point discuté. Plusieurs islamisants ont soutenu après Sprenger que ce nom était un nom messianique, pris par le propliète à Médine, ou même qu’il lui fut conféré après sa mort, mais Noeldeke, db GoEJE (cf. ci-dessus), Schwallv (Geschichte des Qorans, Leipzig, 1909. I. g. n. i)et d’autres rejettent vigoureusement cette théorie,

Les récils, dont l’un nous le montre élevé dans le déscit par une nourrice nommée llalima, des Banù Sa’d, et l’autre en fait un berger durant sa jeunesse, sont tous deux apocryphes. Le premier, qui le place sur le même rang que les riclies aristocrates mecquois, oublie qu’il était un pauvre orphelin ; le second, qui l’assimile aux prophètes hébreux, ignore le fait que des Arabes commerçants, comme les Quraish, font paître les quelques troupeaux qu’ils possèdent, par une tribu nomade avoisinante. et considèrent l’occupation de berger comme déshonorante pour un des leurs. Ces exemples montrent combien nous devons nous délier des récits traditionnels sur les premières années de Mahomet, même quand ils évitent le merveilleux. Qu’il fut pauvre et orphelin, protégé parson oncle.bù "Tàlib, c’esttoutce quenous savons. Le premier fait important que nous connaissons avec certitude sur le début de sa vie d’homme, c’est son mariage avec Khadldja. C’était une riche veuve ou une divorcée, qui, d’abord, employa Mahomet pour ses affaires commerciales et, plus tard, se maria avec lui, alors qu’elle avait environ quarante ans et lui vingt-cinq. Il est naturel que, dans cette union, la richesse donnât à la femme une certaine supériorité ; nous voyons, en tout cas, que Mahomet resta monogame aussi longtemps qu’elle vécut. Parmi les expéditions commerciales qu’illit pour les intérêts de Kliadidja, faut-il compter des voyages en Syrie ? Il n’est aucune raison d’en douter (v. M. HARTMxtis. Die Arabische Frage, pp. 510-511, Cak-TAM, Annali deW Islam, I, 189, 168). Les récits fabuleux de sa rencontre avec le moine syrien Bahira ne méritent, il est vrai, aucune créance (v. Hirsch-FELD, iVen’Researches into the Composition and Exegesis nf the Kuran. London, 1902, p. 2^) ; mais, cependant, nous pouvons bien supposer que ces voyages en pays chrétien ne furent pas sans influence sur son avenir.

On nous raconte que le prophète avait l’habitude de passer chaque année quelque temps en contemplation solitaire sur le mont l.lira, colline proche de la Mecque, et que c’est là qu’il reçut sa mission. Le P. Lammens fait remarquer, entre autres raisons pour rejeter cette retraite annuelle, l’horreur de Mahomet pour la solitude et sa répugnance notoire pour rascétisme(v. Mahomet fut-il sincère ? Recherches de Science Religieuse, 19 11, p. 26). Quoiqu’il en soit, ce fut vers l’an 6 i o que Mahomet, d’après le Coran aussi bien que la Tradition, eut une vision, dans laquelle une figure lui apparut et prononça ces mots : Proclame, au nom de ton Seigneur, qui a créé l’homme de sang coagulé ; proclame, car ton Seigneur est le très bienfaisant, qui a enseigné l’usage de la plume, et a enseigné à l’homme ce qu’il ne connaissait pas (Coran, s. 96. vv. i-5). La conviction de la mission divine, que cette vision et ces mots firent naître en l’esprit de Mahomet, s’était changée, nous dit-on, en doute et s était évaporée, quand une seconde vision et une seconde révélation (s.’j^) la ravivèrent et confirmèrent le prophète (v. Coran, s. 53, pour les deux visions ; Cætani, Annali. I, 222 sq. 226 sq., pour les traditions là-dessus). Khadidja, sa femme, fut la première à croire en Mahomet. Le cousin de Khadidja, Waraqà, un chrétien mecquois aussi appelé Ilanîf, fut invité à examiner la vocation de Mahomet et se déclara en sa faveur. Il semble, cependant, qu’il ne vit pas de raison, ni alors ni plus tard, pour échanger son christianisme contre l’Islam, ou devenir un partisan actif du prophète — et ce fait rend toute l’histoire de son intervention vraiment douteuse. Quelle que puisse être l’explication de ces visions et révélations — et nous ne discuterons cette question que plus tard — il est au moins certain, que, vers l’an 610 après J.-C, le mari de Khadidja apparut devant les Mecquois dans un rôle nouveau, comme prédicateur d’une nouvelle religion, activement en quête d’adhérents.

III. Prédication à. la Mecque. —Les débuts de l’Islam furent paciliques. Parmi les premiers qui l’embrassèrent, il y eut Zaid, l’affranchi de Mahomet, Abu Bakr, un riche marchand bien qu’il n’appartint pas à la noblesse des Quraisch, ’Ali, fils d’Abù Tàlib, oncle du prophète, mais qui, lui, se tenait à l’écart. De plus, une foule considérable se mit à sa suite, esclaves et gens des classes pauvres, plus susceptibles d’influences religieuses que les capitalistes mecquois, et attirés surtout par le caractère socialde la doctrine de Mahomet (v. tradition importante d’Az-Zuhri, Cætani, Annali, 1, 2^0 sq.). La forme primitive de cet enseignement semble avoir compris une profession de foi en un Dieu, Allah, en Mahomet son prophète, en un jugement suivant la mort et suivi, lui-même, d’éternelles récompenses ou d’éternelles i)cines ; cette forme première insistait sur la pratique de la prière ou récitation du Coran, précédée d’alilutionsriluelles, matinet soir ; elle exhortait à la justice, à l’aumône, dénonçait l’injustice et la tyrannie des Quraisch, à qui Mahomet était chargé d’annoncer une rapide et terrible sentence, la ruine de leur cité.

Celte prédication, d’abord dédaignée par les Quraish, n’eut pas plus tôt obtenu quelque succès, qu’elle provoqua leur oi)position. Sans précisément constituer avec les basses classes un parti politique, Mahomet, outre que pratiquement il les soulevait contre les riches, menaçait ces derniers de la perte de leur situation indépendante en faisant de tous ses adhérents ses sujets. De plus, ses attaques contre leurs ancêtres et les divinités païennes heurtèrent les sentiments des Mecquois et leur firent craindre