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MONACHISME

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Qu’il exerce son activité intellectuelle dans une école ou dans un travail personnel, le religieux est guidé parles principes de sa vie ascétique. Il s’occupe en moine. Son enseignement et ses œuvres scientifiques sont le fruit de sa vie religieuse. Plus il mène cette vie avec ferveur, plus, dans une certaine mesure, les fruits sont abondants. Le relâchement de la discipline a pour conséquence inévitable l’abandon des études. Ce lien étroit qui unit la science et la vie religieuse fut contesté au xvii= siècle par l’abbé de Ranck. Mabillon n’eut aucune peine à lui prouver qu’il était dans l’erreur. Pour les maîtres de l’ascèse traditionnelle, l'étude alimente l’oraison et fournit l’occasion d’accomplir le précepte du travail et d’exercer une charité très élevée, celle qui s’adresse aux esprits.

V. L’apostolat. — La vie monastique ou religieuse crée et développe chez ceux qui l’ont embrassée les aptitudes pour l’apostolat. C’est un fait. Les moines d’Orient s’y adonnèrent. Mais ils furent dépassés par leurs frères d’Occident. Saint Martin, qui est leur type, évangélisa les campagnes des Gaules avec ses disciples. C’est par les moines que le paganisme fut extirpé des pays que les Francs occupaient au vi' et au vii « siècle. Us entreprirent vers la même époque la conversion des peuples païens de la Grande-Bretagne, des pays du Nord et de l’Est. Cette évangélisation se poursuivit en Bavière, en Saxe, en Bohème, en Hongrie, en Prusse, en Pologne, dans la Frise et les Pays Scandinaves ; ils allèrent jusqu’en Islande et au Groenland. Les Bénédictins, les Cisterciens et les Prémontrés y travaillèrent tour à tour ou simultanément. Pendant ce temps, les Basiliens évangélisaient les Bulgares, les Ruthènes, les Russes.

Les ûls de saint François et de saint Dominique étendirent vers l’Orient le domaine de l’Evangile. Ils allèrent à la conquête des âmes dans les pays ouverts à la civilisation au xvi" siècle. Les Jésuites et presque tous les ordres religieux en firent autant. Les religieux sont encore les ouvriers ordinaires de l’Evangile en pays de mission. Des congrégations nombreuses ont été créées à cette lin dans le courant du XIX* siècle. On sait quel précieux concours les missionnaires apportent au progrès de la civilisation.

Les aptitudes apostoliques du religieux s’exercent encore dans la lutte contre l’hérésie. Ce sont les Dominicains et les Franciscains qui ont mis à la raison des hérétiques du xiii* et du xiv* siècle. Les protestants n’eurent pas d’adversaires plus redoutables que les Jésuites et les Capucins.

VI. Œuvres de charité. — La charité, qui est une vertu chrétienne, reçoit dans le monachisme un développement qui a pour conséquence des œuvres aussi variées qu’utiles. Durant les premiers siècles de leur histoire, les moines s’y adonnèrent. Leurs œuvres d’assistance se groupent autour de l’hospitalité donnée aux voyageurs, des secours distribués aux indigents et de l’assistance accordée aux infirmes. Les hôtelleries monastii(ues rendirent les plus grands services durant le.Moyen âge. On bâtit, à partir du vin » siècle, le long des routes qui menaient à Rome, des monastères spécialement destinés à recevoir les pèlerins venus de la Grande-Bretagne. Les grands pèlerinages de Jérusalem et de saint Jacques de Gompostelle (xi'-xiv* siècles) nécessitèrent un développement de l’hospitalité religieuse. Les abbayes existantes ouvrirent dans leurs dépendances des asiles pour les pèlerins. On créa de nouveaux instituts, à la fois hospitaliers et militaires, dans le

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but de les héberger et de les protéger. Les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, connus plus tard sous le nom de chevaliers de Malte, sont les plus célèbres. Il y eut en Gascogne et dans le Nord-Ouest de l’Espagne des fondations du même genre. L’abbaye canoniale de Roncevaux fut le centre d’un service hospitalier considérable. L’hôpital d’Aubrac fut fondé pour l’assistance des pèlerins. Les religieux s’occupaient un peu de tous les voyageurs. L’hospice du Saint-Bernard, sur les montagnes qui séparent la Suisse de l’Italie, a été créé, à cette fin, par saint Bernard db Mbntuon. Le dévouement chrétien des religieux eut une manifestation éclatante dans la fondation des Frères pontifes de saint Bénézet, qui construisirent des ponts sur le Rhône.

Les hôpitaux, destinés aux malades ou aux orphelins, eurent dès les iv', v' et vi* siècles, en Orient comme en Occident, des moines pour les servir ; de grandes abbayes, telles que celle de Fontenelle au viii= siècle, eurent des asiles où leurs habitants soignaient des infirmes. Ces institutions charitables prirent un grand développement à partir du xi* siècle. On fonda un peu partout des Ilôtels-Dieu. Leur service était assuré par des religieux et des religieuses, qui suivaient généralement la règle de saint Augustin. Leurs communautés étaient presque toujours indépendantes les unes des autres. Quelquesunes formèrent cependant de véritables congrégations, celles du Saint-Esprit de Montpellier et de Saint-Antoine de Viennois par exemple. Mais à partir du XVI' siècle, il se fonda des congrégations spéciales chargées de l’assistance sous toutes ses formes, soit dans les hôpitaux, soit à domicile. Plusieurs eurent des saints pour fondateurs : saint Jean de Dieu, saint Camille de Lellis, saint Jérôme Emilien, saint Vincent de Paul. Ces institutions se sont multipliées au cours du xix' siècle. On peut dire que toutes les misères matérielles ou morales ont une famille religieuse destinée à les soulager. Leurs membres s’adonnent à ce service dans un but de sanctification. Le travail, que nécessite l’assistance, sort directement de la vie religieuse.

Les incursions des Maures sur les côtes de la Méditerranée provoquèrent la fondation de deux congrégations religieuses, qui prirent à tâche la rédemption des captifs emmenés en Afrique par les Barbares. Saint PisnnE ?^olasque fonda celle de Notre-Dame de la Merci, saint Ficlix de Valois et saint Jean de Matha celle de la Trinité. Là encore, le service à rendre provient d’une préoccupation ascétique. Longtemps avant les fondations du xiii" siècle, des moines prenaient intérêt au rachat des captifs. C'était une œuvre de prédilection de saint Grégoire le Grand. Les abbayes du vii= siècle suivirent son exemple.

Les règles monastiques ont toujours imposé le travail, parce que le moine est tenu de gagner sa vie et parce qu’il lui faut faire pénitence. L’accomplissement de ce devoir religieux a eu pour conséquence immédiate la transformation des campagnes qui entouraient les abbayes, elles sont devenues de puissants moyens de colonisation. Cela commença au vi « siècle pour continuer jusqu’au xiii". Les Cisterciens se firent remarquer par le fonctionnement de leurs granges, ou fermes exploitées par des convers. L’apostolat des monastères bénéficiait largement de leur action civilisatrice. On ne saurait trop le répéter, le travail du religieux, réglé par l’obéissance, sanctifié par la pensée de plaire au Seigneur, procédait de sa vie ascétique elle-même. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les règles des divers ordres, les ouvrages de spiritualité d’après lesquels Ils formaient leurs

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