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MONACHISME

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voil chez les vestales et les vierges sont tout extérieurs ; il n’y a pas eu d’influence réciproque. La même observation s’impose au sujet des ascètes chrétiens et de certains philosophes ascètes païens. Toutefois les moines d’Egypte qui écrivirent sur la vie monastique et ses devoirs prolitèrenl des enseignements des Néoplatoniciens d’Alexandrie, parmi lesquels l’ascèse était en honneur, et de certains philosophes grecs. Les maximes deSsxTius, popularisées par la traduction de Kufin, sont sorties de cette école. Saint îsiL ne craignit point de paraphraser le Manuel d’Epictète pour l’éililication de ses moines du Sinaï. Le christianisme prit dans l’ascèse néoplatonicienne tout ce qui lui était assiuiilable.

Les Juifs eurent leurs ascètes ; les Thérapeutes et les Esséniens sont les plus connus. Philon décrit le genre de vie que les premiers menaient, dans son traité De la v/e contemplative. Ei’skhk et Cassien les ont pris pour des moines de l’Eglise primitive d’Alexandrie ; c’est à tort, car rien ne permet de voir en eux des disciples de saint Marc. On ne voit aucune trace de l’influence que cette institution aurait pu exercer sur le monachisræ égyptien. Les Esséniens formaient une colonie d’ascètes juifs dans les parages de la mer Morte. Il y a des traits communs entre eux et les disci ;)les du Sauveur. Mais certaines ressemblances dans les pratiques extérieures ne suffisent pas pour conclure à une influence et surtout à une influence d’origine.

Les disciples qui s’attachaient à la personne du Seigneur, après avoir renoncé à tout, voilà les véritables ancêtres des moines. Les textes de l’Evangile, qui rapportent les conditions imposées par Jésus-Clirist à qui voulait le suivre, sont précisément eeix que l’on allègue pour établir les origines évangéliques de la vie religieuse. Les plus caractéristiques se trouvent au chap. xix de S. Matthieu. Les disciples formaient autour du Sauveur, avec les apôtres et les saintes femmes, une communauté véritable. Un instant dispersée par les événements de la Passion, elle se reconstitua après Pâques. Elle était réunie au Cénacle, " le jour de la Pentecôte. Les nouveaux fidèles, en s’y adjoignant, contractèrent ses habitudes. C’est ainsi que l’Eglise primitive de Jérusalem prit le caractère indiqué plus haut.

II. L’ascèse. — Le monachisine sépare l’homme du monde pour lui faciliter l’union avec Dieu ; il lui impose une lutte continuelle contre ses appétits inférieurs, dans le but de rendre son âme plus libre. Cette lutte s’elTectue par tout un ensemble de pratiques ; et elle est réglée par une doctrine. On donne le nom d’ascèse ovi d’ascétisme à ces pratiques ou à cette doctrine. Ses lois essentielles sont formulées dans la Bible et commentées par les interprètes de la tradition.

L’ascèse oblige dans une certaine mesure tous les chrétiens. Mais les religieux, en raison de leur obligation de tendre à la perfection, s’y adonnent avec lUus de générosité pour leur avantage personnel et pour l’édification commune. Ce caractère essentiel de la vie religieuse semble plus accentué chez les moines des premiers siècles et leurs héritiers directs ; on le retrouve aussi dans les divers ordres qui ajoutent une fin particulière à la poursuite de leur propre sanctification. Les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance caractérisent toujours l’ascèse monastique ; chaque famille religieuse leur donne pour complément les pratiques de mortification et de pénitence qui lui sont propres. La fidélité à les suivre contribue pour une part très large au succès de ses œuvres d’apostolat et de charité. C’est par ce moyen surtout que ses membres se maintiennent

dans l’esprit de leur état. De là l’importance qu’elles ont aux yeux des saints fondateurs d’ordres. Les ordres les plus actifs n’échappent pas à cette condition. Le clergé séculier, se rendant compte du prestige que les moines devaient à l’ascèse, leur a emprunté quelques-unes de leurs pratiques, telles que la séparation du monde par un habit spécial, la célébration de l’office divin, et, à certaines époques, la vie en coiumun. L’influence des moines n’est pas étrangère à la législation de l’Eglise latine sur le célibat des clercs.

C’est parmi les moines et les religieux des divers ordres que l’ascèse a recruté ses maîtres les plus autorisés. Cassikn a fait passer dans ses Conférences et dans ses Jnstitutionsle meilleur de l’enseignement oral des solitaires égyptiens. Les recueils connus sous le nom de Verhn seniontm, jipoplitliegniata Patriim, les vies de saint Antoine, de saint Pachome, de saint Ililarion et de quelques autres les complètent. Les œuvres de saint Isidorr de Péluse, de saint Nil du Sinaï et de saint Jean Climaque sont exclusivement ascétiques. Les biographies monastiques de TuÉoDORET et de Jean Mosch ont le même caractère. Dans ses règles, saint Basile se préoccupe avant tout de la formation spirituelle des disciples ; il en est de même de saint Benoit. Les Morales de saint GnÉGoiHE le Grand, son Liber pastoralis et les récits édiUanls contenus dans ses Dialogues, s’ajoutèrent à la littérature ascétique des moines orientaux. On peut dire que l’Eglise en véculjusqu’à l’âge d’or de la scolastique.

L’ascèse alors ne fut point modifiée essentiellement ; mais elle participa aux progrès de la philosophie et de la théologie. Saint Grégoire, Cassien, et les Pères restèrent néanmoins les maîtres incontestés. Dès lors chaque ordre religieux eut son école spéciale. Ceux iqui furent fondes ou restaurés dans la suite n’échappèrent pas à cette nécessité de leur vie. A peu près partout, l’école dérive d’un maître, qui n’est pas toujours le fondateur. L’école ascétique dominicaine part de saint Thomas d’Aijuin ; celle de l’ordre de saint François, de saint Bonaventure, auquel on peut ajouter DuNS Scot ; celle des Carmes a pour docteurs sainte Thérèse, et saint Jean de LA Croix. L’école de la Compagnie de Jésus sort des Exercices de saint Ignace et celle des Rédemptoristes, des œuvres de saint Alphonse de Liguori.

Le développement de cet enseignement ascétique dans les ordres religieux se confond avec leur histoire. On le suit dans Ijur histoire littéraire, dans l’histoire de leurs œuvres apostoliques et dans l’histoire de leurs saints. Il s’est manifesté chez quelques-uns d’entre eux par des pratiques de piété que l’Eglise leur a empruntées pour les étendre aux fidèles. L’usage de la confession comme moyen de formation spirituellevient des moines. La récitation du rosaire est d’origine dominicaine. Les Franciscains ont mis en honneur le chemin de la Croix. Les Carmes ont propagé la coutume de porter le scapulaire. On sait la part qui revient aux Jésuites dans l’importance donnée aux retraites annuelles ou mensuelles et à la méditation quotidienne.

III : Sainteté. — Le monachlsme se recommande par le nombre et les mérites des saints qu il a produits. Il s’agit ici des saints dont les vertus héroïques ont été officiellement reconnues par un jugement de l’Eglise ou par un culte liturgique. Cela est manifeste pour les premiers siècles de son histoire, les quatrième, cinquième et sixième, comme pour les périodes suivantes. Les diverses familles religieuses, qui ont toujours vu dans les saints leur meilleur sujet degloire et d’édification, ont publié les