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peut, à l’aide des notions très simples et premières de cause de lin et de personne, prendre possession de l’idée de Uieu. S’il a l’esprit solide et le cœur pur, disons-nous. Et c’est ce qui empêchera toujours de dire a iiriori que, fatalement, dans le nioiule ou dans telle société dont les annales ont été perdues ou n’ont jamais été écrites, la religion a précédé la magie ou la magie a précédé la religion.

Nous pouvons conclure. Les évolutionnistes n’ont aucun droit dédire qu’ils entrevoient une préhistoire magique ou niagico-religieuse de l’iiuraanité. Ce qui s’entrevoit de moins confus, à la lumière convergente des sciences qu’ils invoquent, c’est seulement ceci. Avant comme après l’histoire, à partir d’un moment que dans l’état actuel de nos connaissances il est trop difficile delixer, les deux institutions ont dû coexister, croître côte à côte dans les mêmes sociétés, comme l’ivraie croit côte à côte avec le pur froment, enchevêtrant leurs racines et laissant tomber dans le même sillon lewrs fruits de vie et leurs fruits de mort. Aussi anciennes que les deux cités, la cité du mal et la cité du bien, la cité terrestre et la cité céleste, elles ont passé et passeront par les fortunes changeantes de l’une et de l’autre. Elles subsisteront vraisemblablement jusqu’à la lin. Mais ce qui protégera les sociétés et les âmes des humiliants retours et des éruptions funestes de la magie, cène sera — l’histoire du pas’ié en fait foi — ni l’avènement de l’âge scientiQque (c’est le rêve de M. Frazer, Magic, 1, 222, d’]lt, etc.), ni l’apostolat des " éducateurs laïques » soudain transGgurcs en « pères spirituels de la jeunesse » (c’est l’espoir chimérique — le dernier ! — de M. Loisy, A propos d’hist. des religions, pp 20r-20a) ; ce sera, ce ne peut être, qu’un réveil de la vie religieuse et chrétienne.

Seule, la religion peut empêcher les âmes d’incliner vers la magie, car seule elle peut leur donner l’aliment que mendie leur inquiète indigence. Ces âmes, Dieu les a faites pour lui. Et c’est vainement qu’en dehors de lui elles vont, chancelantes, cherchant le bonheur, chtrch.int la paix I (S. Augustin, De Civ. Dei, 1. XIX, passim, et Conf., I, i, i.)

BiBLioonvrniE. — Monograjjhies classiques sur les

« magies » particulières : 

Victor Henry, La Magie dans l’Inde antique. Paris, Nourry, 1909, peut être signalé comme un modèle du genre. On regrettera seulement que le livre se termine par une théorie magico-religieuse assez peu cohérente. Cf. Reclterches de science religieuse, t. I I1910], p. 87. — P. W. Schmidt, S. V. D., Grundlinien einer Vergleichung derHeligionen und Mytkologien der Austronesisclten Viilkcr. Wien, 1910. — Die Stellung der Prgmàenvùlker. Stuttgart, 1910. — H. H. Codrington, The Melanesians, Oxford, 1891. — Mgr Le Roy, La Religion des primitifs, Paris, 1909, etc. Ouvrages théoriques sur la « magie n : P. W. Schmidt, L’Origine de l’idée de Dieu, dans Anthropos, t. ll et sq. (1908-191 1). — J. G. Krazer, Tlie Golden Bough, 3’édition ( 7 Ae Magic Art, -iVoX.), London, 191 1 ; recueil abond.int de faits peu critiqués et mal classés, servant à étayerla thèse de la magie primitive. — A. Lang, Magic and Religion, London, 1901, critique très Une de la théorie de Frazer. — A. R. Marett, From spell to prayer, d’un point de vue prcanimiste et psychologique, élude parue pour la première fois en 1904, et reproduite dans The Threshold of Religion, London, 1909, — H. Hubert et M. Mauss. Esquisae d’une théorie générale de la magie. Année sociologique, VII (1902-1903), Paris, 190 ;  !  ; important,

mais d’un point de vue exclusivement sociologique. — W. Wundt, VôlkerpsrcJiologie, H B., 2 Th., Leipzig, igo6, du point de vue de la psychologie des peuples ; etc. — F. Bouvier, Recherches de : icience religieuse, t. 111, 1912, p. 169-200, bulletin sur la plupart de ces livres théoriques ; ibid., t. II, 19 II, p. 63-io4 ; Religion et magie, ibid., t. ni, 1912, p. 393-1^27 ; t. IV, 1913, p. 109-1/I7.

Fréd. Bouvier, S. J.


MAHOMET. — I. Remarques préliminaires. — II. J’remii.’res années de Mahomet. — 111. Prédication à la Mecque. — IV. l’ie et enseignement à Médine.

— V. Caractère de Mahomet.

I. Remarques préliminaires. — On pourrait résumer, comme il suit, l’état des religions en Arabie à la lin du vi » siècle de notre ère. Le christianisme et le judaïsme étaient fortement établis en dillerenles parties de l’Arabie. Des idées chrétiennes et juives s’étaient répandues sur toute la péninsule. Les Juifs étaient méprisés, tandis que les chrétiens, monophysites pour la plupart, nestoriens et autres en moindre nombre, apparaissaient devant leurs compatriotes comme divisés entre eux et liés avec des étrangers et des envahisseurs. A l’égard du paganisme arabe, espèce de fétichisme que professait le plus grand nombre, c’était partout l’indillérence. par endroits mécontentement manifeste. Parmi les esprits les plus élevés, quelques-uns avaient déjà combiné un syncrétisme cultuel, destiné à satisfaire un instinct religieux assez éveillé. L’Arabie était, on le voit, en quelque sorte j^réparée à recevoir un réformateur religieux et une nouvelle croyance nationale. Mahomet devait être ce réformateur et l’Islam la religion qu’il apportait.

Pour la vie et la doctrine de Mahomet, nous avons deux sources de valeur très inégale : le Coran et la Tradition. Pour ce qui concerne le Coran, non seulement nous ne pouvons pas exclure la possibilité d’interpolations, puisque le livresacré ne reçut sa forme définitive que vingt-huit ans après la mort du prophète, mais nous devons nous souvenir qu’il conlient seulement, en premier lieu, ce que le prophète lui-même désira plus tard faire passer pour révélation, et, en second lieu, ce que les rédacteurs trouvèrent en harmonie avec leurs propres idées sur la doctrine du prophète (v. M. Hartmann, Die Arahische Frage, p. 53-4 ; A. Fischer, Eine Qornn-lnterpolntion, Orientàlische Studien Th. Noldeke geu’idmet, I, 53). Néanmoins, le caractère sacré qui fut accordé à ce livre dès le début, le fait qu’il renferme encore plusieurs révélations qui furent plus tard écartées, le caractère peu édiliant de plusieurs passages, enlèvent tout doute qui pourrait s’élever au sujet de son authenticité substantielle. Quant à la Tradition, tous les spécialistes s’accordent maintenant à dire qu’elle a peu devaleur historique et qu’on nedoit l’utiliser qu’avec parcimonie et une critique sévère (v. Goldziher, Muhammedanische Studien, vol. II ; Lammens, Qnran et Tradition, Recherches de Science Religieuse. I, p. 27-51). Cette règle de prudence est spécialement justifiée s’il s’agit de la période mecquoise de la vie du prophète. Pour la période médinoise, non seulement les traditions et le texte du Coran s’éclairent souvent l’un l’autre, mais nous possédons plusieurs documents originaux, « pii portent toute marque d’authenticité et sont de la ]>lus grande importance (v. l’article très raisonné de Nobldekb, Die Tradition liber dus Leben Muliammeds, Der Islam, V [1914I. p. 160 sq.).