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MOÏSE ET JOSUE

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pas, sans sacrifier les faits à des considérations d’ordre tout subjectif, à rétablir la disposition logique qui donnerait satisfaction entière à notre goût moderne. El si les rédacteurs ont contribué à augmenter ce que nous serions tentés de traiter de confusion, c’est parce que les premiers législateurs leur ont d’abord frayé la voie.

851. — c) On notera, en troisième lieu, que, même dans les sections qui ont pour objet les devoirs de l’homme envers lui-même et envers ses semblables, ce sont souvent des motifs d’ordre religieux qui sont mis en avant pour provoquer la fidèle observation des préceptes. Déjà dans le />^ca/og^i(e, le quatrième commandement est appujé par une promesse de bénédictions divines. Le Code de l’alliance ne fait qu’une place très restreinte à l'élément homilétique et à l’exhortation ; on peut tout de même relever en plusieurs endroits des considérations et sanctions au caractère nettement religieux (£. » '., xxi, 6 ; xxii, 7-10 [Vulg. 8-ii], 21-23 [22-24]). C’est au Deuléronome qu’on trouve en plus grande abondance les exhortations à observer la loi divine. Dans les homélies d’abord, qui servent d’introduction (Beut., 1x1) ou de conclusion (Deut., xxvii-xxx) au code proprement dit ; et il serait superflu d’insister sur le caractère religieux des considérations qui y sont mises en avant. Mais aussi dans les énoncés des diverses ordonnances, de celles-là en premier lieu qui présentent quelque connexion avec la religion, de celles-là encore dont l’objet apparaîtrait comme étant, par lui-même, étranger aux devoirs envers Dieu (Deut., XVI, 20 ; XVII, 8-13, 14-20 ; etc.). Enfin les énoncés de la Loi de sainteté revieaneni souvent, pour appuyer les ordonnances les plus diverses, sur ce motif de la sainteté divine qui entraîne des conditions de pureté et de perfection très particulières dans le peuple que Yahweh s’est choisi (^et'., xviii, 2, b^, 6, 30 ; xix, 2, 3^ 4, lob, 12, I4^I6^I8, etc.).

3" Caractère national

SSS. — a) A raison même de ses origines et de son caractère religieux, la loi d’Israël l’emporte, d’une immense supériorité, sur les autres lois de l’antiquité. Les comparaisons établies, depuis 1902, entre les codes mosaïques et le code babylonien de Hammurapi (cf. A. Condamin, Babylone et la Biulb, dans Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. I, col. 360-867) n’ont fait que confirmer la vérité de cette assertion. Aucune des législations antérieures au christianisme ne s’est fait remarquer par un sens aussi exact et aussi nuancé du droit, de la justice et de la charité ; aucune n’est apparue comme interprétant avec autant de précision, non seulement les principes fondamentaux, mais aussi les conclusions parfois secondaires de la loi naturelle inscrite au fond des consciences. C’est la raison d'être de la pérennité, on serait tenté de dire : de l'éternité, de nombre de ces ordonnances antiques, de l’universelle diffusion de beaucoup de ces prescriptions ; pour une grande part, elles continuent de régler dans le monde civilisé les rapports des hommes entre eux.

S53. — l>) Il n’en est pas moins vrai toutefois que la loi mosaïque est une loi essentiellement nationale, est essentiellement la loi du peuple hébreu. Sans 'doute elle se réclame d’une origine divine et le Dieu qui l’a donnée à Moïse est le Dieu universel du monde et des hommes. Mais c’est le Dieu universel en tant que manifesté à la race choisie, avec toutes les modalités dont il s’est revêtu en vue de cette manifestation à un peuple unique. Le plus souvent, c’est sous le nom de Yahweh qu’il parle au législateur, c’est-à-dire

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sous le nom sous lequel il s’est fait connaître au seul Israël. Souvent encore il se proclame, en publiant ses ordonnances, le Dieu du peuple auquel il les adresse ; il se réclame du choix qu’il a fait de la race des fils de Jacob, de l’alliance qu’il a conclue avec eux. Le législateur suprême, en un mot, c’est Dieu sans doute, mais Dieu envisagé au point de vue particulier du peuple d’Israël.

SS4. — t)Que si l’on examine les ordonnances, on constate que, pour un très grand nombre, elles sont conçues et formulées en fonction des conditions spéciales dans lesquelles se trouve le peuple choisi. Cette remarque ne vaut pas évidemment pour les prescriptions qui ne sont que la promulgation ou l’application immédiate des principes fondamentaux de la loi naturelle. Mais les préceptes ne sont pas rares qui, d’une façon très directe, visent les conditions sociales particulières au peuple de Dieu : lois sur la royauté (Deut., xvii, 14-20), sur les villes de refuge (Deut., xix, i-13), sur les étrangers à exclure de la communauté israélite (Dent., xxiii, 4-9 [Vulg. 3-8J), sur les héritages (A' » H)., xxvii, i-ii ; xxxvi), etc. Dans un plus grand nombre de cas, à défaut d’un énoncé précis, les données de la législation sont telles qu’elles ne peuvent trouver leur application que dans les circonstances caractéristiques de la vie nationale des seuls Israélites. On noiera encore qu’il n’est presque jamais question des peuples étrangers à Israël ; en plusieurs cas d’ailleurs, notamment dans la loi sacerdotale relative aux esclaves (Lev, , XXV, 44-46), ils sont traités comme étant d’une condition inférieure à celle des fils de Jacob.

355. — d) C’est surtout aux législations religieuses que ces remarques s’appliquent de préférence. Fêtes annuelles, sacrifices de toutes sortes, prescriptions rituelles, tout est envisagé dans un rapport étroit avec le culte national et, quand il s’agit des codes deutéronomique et sacerdotal, avec le seul sanctuaire national. C’est au Dieu national, ou mieux à Dieu tel qu’il s’est fait connaître à la nation, que vont les hommages ; c’est au nom de la nation qu’ils sont rendus et l’un des effets principaux des grandes panégyries est de rendre plus vif le sentiment de la grande fraternité nationale. Bien plus : 1a plupart des rites et des cérémonies sont impossibles à pratiquer en dehors du cadre national, en dehors du sol national.

S56- — e) C’est précisément ce caractère national qui entraînera la caducité de la loi mosaïque. Lorsqu’au lieu d'être l’apanage d’un peuple, la religion du vrai Dieu deviendra le patrimoine de l’humanité tout entière, le problème se posera nécessairement de l’attitude que les nouveaux convertis devront garder vis-à-vis des lois données aux pères et des traditions qui seront venues les compléter. La solution ne saura demeurer longtemps douteuse. Le monde chrétien ne sera pas appelé à entrer dans la nation juive ; on ne pourra donc lui imposer les ordonnances au caractère strictement national. Ce sera l’oeuvre de saint Paul que de faire accepter des nouveaux convertis du judaïsme et de la gentilité l’abrogation de la loi mosaïque. L’abrogation sera pure et simple pour ce qui concerne le culte et ses multiples manifestations, c’est-à-dire pour les éléments les plus strictement juifs de la Loi. Que si les autres ordonnances sont maintenues, avec ou sans corrections destinées à les purifier de leurs imperfections, ce ne sera pas en tant qu'éléments constitutifs de la vieille loi nationale d’Israël ; ce sera en tant qu’expressions, plus ou moins adéquates, de cette loi naturelle dont le christianisme s’efforcera, avant tout, d’assurer le triomphe. La loi juive, en tant que loi juive, aura fait son temps.

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