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MOÏSE ET JOSUE

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de la lievue Praliijue d’Apologétique que dans son article Eau du Dictionnaire de la Bible. En réalité, cette opinion est inconciliable avec la lettre du texte : auteurs et rédacteur ont certainement pensé à du sang véritable. La seule manière dont on puisse logiquement soutenir cette opinion nous paraît être la suivante. Partie d’un fait naturel, qui avait pu paraître étrange et providentiel aux Hébreux, la tradition orale, par une série d’altérations qui ont nécessairement réclamé un laps de temps assez notable, en est venue jusqu’à l’élaboration d’un fait nettement miraculeux dans sa substance elle-même. C’est sous cette forme que les auteurs de nos documents ont recueilli cette donnée traditionnelle, que le rédacteur l’a, à son tour, consignée. Il faudrait évidemment faire de nouveau intervenir ce décret de la Commission Biblique d’après lequel les auteurs sacrés peuvent reproduire des traditions sans en prendre la responsabilité et sans en faire la matière de leur enseignement infaillible ; mais c’est aussi le cas de rappeler que l’apologétique catholique se montre réservée dans l’application de ce principe.

S33. — > ;) Les mêmes réflexions sont à faire à propos de l’opinion qui veut identilier la manne avec la gomme que produit le Tamaris mannifera du désert du Sinaï, lorsqu’il est piqué par l’insecte appelé Coccus mannipara. Ce que l’Exode nous dit de la chute de la manne, de sa quantité, de ses propriétés nutritives, des lieux où on la recueille (du désert du Sinaï jusqu’à Galgala) ne permet pas de penser qu’auteurs et rédacteiu-s aient songé à la possibilité d’une telle identiUcation. Aussi M. Vigouroux’s’y montre nettement hostile ; M. Lesiïtre, très réservé dans l’article Manne du Dictionnaire de la Bible, est lieaucoup plus conciliant dans l’étude que, sous le même titre, il a donnée à la Revue Pratique d’Apologétique’^ (il allègue l’autorité du P. de Hum.melauer) ; d’ailleurs il a soin de noter que le phénomène naturel se produit dans des circonstances et conditions sullisanles pour constituer le miracle.

1336. — 6) A s’en tenir aux apparences, quatre épisodes merveilleux concernent les sources : Mara, BlassahMéribah, Méribali, Béer. Mais il faut remarquer que, pour ce qui concerne le puits de Béer, ni le poème (Num., xxi, 17, 18), ni le verset qui précède ne donnent d’indications précises établissant qu’il s’agit d’un miracle proprement dit. Le miracle de Mara rappelle celui qu’accomplit plus lard Elisée (II Beg., II, 19-22) et ne donne lieu à aucune remarque spéciale. Il n’en va pas de même des épisodes de Massah-Méribah et de Méribah. Nous avons déjà vu que beaucoup de critiques, se plaçant sur le terrain littéraire, regardent les deux récits comme se rapportant au même fait ; la répétition aurait été la suite de bouleversements rédactionnels. Mais certains exégètes indépendants vont beaucoup plus loin. C’est à Cadès que le récit principal (Aum., xx, 2-13) place l’incident ; le miracle a été opéré pour satisfaire aux besoins du peuple, car il n’y avait pas d’eau pour l’assemblée ». Or il y avait en réalité une source à Cadès, ce’Ain Mispnt dont il est question dans le récit de la campagne de Chodorlahomor (Ge «., xiv, ^). Bien plus, les appellations’^ïnil/i’ï/jÂ/ (source du jugement, de la décision, delà sentence), ’Ain M’rib^’dli (source de la discussion), ’Ain Massâh (source de l’épreuve [judiciaire])sont très connexes, en relations très étroites dans le même ordre d’idées. Il y a tout lieu de croire qu’elles désignent le même point d’eau. Comme cette source est beaucoup plus ancienne que Moïse, les récils de l’Exode et des Nombres ne font

1. Cf. La Bible, t. U, P. 459-172, surlout 46li-4"l.

2. T. III, p. 722-728.

que consacrer des légendes étiologiques destinées à expliquer les noms de Massah et de Méribah, peut-être secondaires par rapport à celui de Aïn Mispat. Bien que les arguments de l’analyse littéraire ne soient pas dénués de valeur, il convient de remarquer que des critiques indépendants, dont l’opinion compte, maintiennent la distinction des deux épisodes. En tout cas les conclusions delacritique historique ne sont en aucune façon la conséquence nécessaire de la réduction desdeux épisodes en un seul. D’abord on ne saurait être surpris de voirdes désignations topographiques prendrenaissance à l’occasion des faits secondaires qui ont marqué le séjour d’un cami)ement à un endroit donné ; la chronique du front de guerre (lyi^-igiS) est riche en pareils exemples. D’autre part, rien n’invite à conclure à l’identité de Aïn Massah avec Aïn Méribah et avec la vieille source Ain Mispat. Le site de Cadès renferme aujourd hui plusieurs sources voisines entre lesquelles répartirces appellations connexes ; il est d’ailleurs évident qu’une seule source aurait difûcilement préservé de la suif toutes les tribus Israélites qui souvent se dispersaientdans la région. Quant au récit du miracle, il est on ne peut plus clair : une source, qui ne coulait pas auparavant, a été produite ovi amenée à jour (les deux sens sont conciliables avec le texte : « et des eaux sortirent… » ; Num., xx, il) lorsque, sur l’ordre de Dieu, Moise eut frappé le rocher de son bâton.

S37. —’) Nous consacrerons une dernière remarque à la prise de Jéricho. On notera que Jos., vi, i sv., nous transporte in médias res. Nous n’avons aucun détail sur la marche des Israélites vers la ville cananéenne, ni sur le temps qu’ils sont demeurés en face de ses murailles avant les manifestations diverses dont il va être question ; le récit de Jos.,

V, 13-15 suppose déjà le séjour en Jéricho. Il en résulte que Jud., vi, i sv. présente un caractère purement épisodique ; ce n’est nullement le récit complet du siège de la ville. De ce chef, il faut déjà s’attendre à ce que l’étude du texte présente des dillicultés ; elles sont augmentées, et du fait que la distinction des documents est très complexe en ce passage, et du fait des divergences que révèle la comparaison du texte massorctique et des Septante. Toutefois on observe aisément que Josué, se conformant aux indications divines, a recours à deux sortes de moyens. Aux moyens humains d’abord. Le vers.

VI, I nous montre la ville fermée devant les enfants d’Israël ; personne n’y entre, personne n’en sort. C’est sans doute qu’elle est étroitement cernée par les assaillants. Tel qu’il doit se traduire d’après l’hébreu et le grec, le vers, vi, 3"", conûrme cette impression : « Entourez la ville, vous tous, hommes de guerre’. » La manœuvre est facile à saisir si l’on remarque que le seul point d’eau qui fût à la portée des habitants était en dehors des murs cananéens ; sous un climat tel que celui de Jéricho, la soif a, plus rapidement encore que la famine, raison des assiégés. Faut-il d’ailleurs penser que, dans cet encerclement de la ville, les soldats Israélites demeurassent inertes, sans essayer d’éprouver la solidité des murailles ? Le texte ne nous oblige pas à nous arrêter à une idée si peu naturelle et l’on peut penser ijue, jusqu’à la liii, les assiégeants mirent tout en œuvre pour avoir raison de la résistance-. Ce qui

1. Les hommes de guerre ne doivent pas être censés remplir une fonction uniquement religieuse. — Il est possible que la fin du verset « entourer la ville une fois » ne soit pas de la même source ; ces mots manquent dans les LXX (B).

2. D’îiprès E, Sellin (Ernst Selliiv und Cari Watzi.n-CEK, Je/ icho. Die Kn^ebnisse der Ausgraburigen, p. 181), les