Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée

823

MOÏSE ET JOSUE

824

nous sont connues »’et « Ce qui est fait par Dieu en deliors de l’ordre communément observé dans les choses » 2 [c’est-à-dire : dans la nature]. —, 3) Et aussitôt il distingue trois catégories dans les miracles, selon qu’ils dépassent plus ou moins les forces de la nature ; et le même principe le conduit à discerner plusieurs groupes dans ces diverses catégories. Au haut de l’échelle, les prodiges dans lesquels l’action divine « surpasse les forces de la nature quant à la suljstance même du fait » ou encore « dans lesquels Dieu fait quelque chose que la nature ne peut jamais faire » : on allègue, comme exemples, l’arrêt ou la rétrogradation du soleil, la division de la mer pour ouvrir un chemin à ceux qui passent. En second lieu, les prodiges dans lesquels l’action divine « surpasse les forces de la nature, non quant à ce qui s’opère, mais quant à ce en quoi il s’opère " ou encore « dans lesquels Dieu fait quelque chose que peut faire la nature, mais non selon le même ordre » ; ainsi la nature peut donner la vie, mais non à un mort. En troisième lieu, les prodiges dans lesquels l’action divine « surpasse les forces de la nature, quant à la manière et à l’ordre de l’action » ou encore « dans lesquels Dieu fait ce qui d’ordinaire s’accomplit par l’opération de la nature, mais sans qu’interviennent les principes de la nature » ; c’est ce qui arrive si quelqu’un est guéri subitement de la lièvre sans médication et en dehors du processus ordinairement suivi parla nature’.

S31. — /) Il serait tout à fait intéressant de pouvoir cataloguer les nombreux miracles de Moïse et de Josuo dans l’une ou l’autre de ces catégories. Mais ce n’est pas chose facile. Il est évident que, si l’on s’en tient au commentaire de la petite strophe du Ydidr que nous fournit Jos., x, 13, 14. "1 s’agit d’un véritable arrêt du soleil ; personne ne contestera que ce prodige ne soit très justement placé par saint Thomas dans la première catégorie. Au contraire, si l’on prend en considération les variantes que présentent les documents, on sera tenté de mettre le passage de la mer Rouge dans la troisième catégorie. Il n’est pas impossible que, par lui-même, un vent très fort puisse rendre momentanément guéable un bras de mer peu profond ; mais les circonstances dans lesquelles le fait se produit en faveur des Israélites suflisentà le classer parmi les miracles. On peut penser à une classification analogue pour le passage du Jourdain. Ici toutefois le texte se borne à l’énonce de l’événement, et le rapprochement avec ce qui arriva au temps de Bibars, en 1267, n’est pas autrement autorisé.

233. — à) A la même catégorie appartiendraient encore la plupart des plaies d’Egjpte. Les fléaux des grenouilles, des cousins, des moustiques, de la peste du bétail, des pustules, de la grêle, des sauterelles, des ténèbres, sont des fléaux naturels ou des conséquences de fléaux naturels ; ils sont plus ou moins fréquents dans la vallée du Xil (cf.. Mallon, Egypte, dans Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. I, col. 130--1308). Mais ce qui est ici surnaturel, c’est la manière dont on les annonce avec une absolue certitude, la façon dont ils se produisent et dont ils cessent, leur intensité, leur rôle approprié de châtiment, la distinction établie en faveur des Hébreux et au détriment des Egyptiens, leur rapide succession trahissant un plan

1. Cf. S. Thomas, Summa thcologica, I » pars., qnæst. CT, art. VII (corps de l’aiticle).

2. Cf. S. Thomas, De veiitate catholicac /idel contra GentilcSf Lib, III, cap. ci.

3. Ces définitions sont tiréep, et de l’article viii dans la mente çuesiion de la Somme T/icologique et du même chapitre du De Verilate…

miraculeusement providentiel, etc. S’il était établi que la mort des premiers-nés fût attribuable à quelque peste, analogue à celle dont on parle à propos de l’intervention de l’ange de Yahweh dans l’armée de Sennachérib (fs., xxxvii, 36), la dernière plaie appartiendrait à son tour à la troisième série des miracles. Il en faudrait probablement dire autant : de la plaie qui punit les espions révoltés à Cadès contre Moïse et qui présente beaucoup d’analogies avec la précédente ; de l’apparition et de la disparition de la lèpre sur la main de Moïse et sur le corps de Marie, sa sœur ; des cailles amenées par le vent d’Ouest ; du châtiment (engloutissement dans une fissure de la terre d’après JE ; feu venu d’auprès de Yahweh, d’après P) frappant ceux qui se sont révoltés contre Moïse et Aaron et rappelant peut-être quelque commotion cosmique. D’autre part, les épisodes de la verge d’Aaron qui fleurit, du serpent d’airain avec ses vertus curatives seraient à ranger dans la deuxième catégorie.

SS3. — c) Nous enregistrons ces faits tels qu’ils se présentent dans les textes, comme si leur historicité ne provoquait aucune réserve. Nous ne voulons pas pour autant opposer une fin absolue de non-recevoir à ceux qui croiraient pouvoir invoquer ici telle décision de la Commission liihlique (13 février igoS) en vertu de laquelle les auteurs sacrés pourraient relater des traditions sans en garantir la véracité’. Mais nous ne croyons pas que les directions actuelles de l’apologétique catholique soient favorables à une application étendue de ce principe, qui d’ailleurs ne pourrait suflire à expliquer tous les récits que nous venons d’énumérer.

234. — ?).V raison des controverses mêmes dont ils ont été l’occasion, certains prodiges méritent une attention particulière. Telles d’abord la première plaie et la manne. Malgré leurs variantes, les documents sont unanimes à parler du changement de l’eau en sang, et le rédacteur a enregistré leur dire avec fidélité. Il a pareillement consigné les détails que lui fournissait en particulier le Yahuisle sur les maux que causait l’eau du Nil, d’ordinaire si bienfaisante. On ne saurait douter qu’auteurs des documents et rédacteur n’aient pensé à du véritable sang. Des exégètes catholiques, il est vrai, tels que JI. ViGOiiROUx^ et M. LEsf : TnE3^ sembleraient disposés à concéder l’opinion d’après laquelle on serait en présence d’une interprétation du phénomène très connu du ?Cil rouge. Ils soulignent toutefois deux traits, entre autres, qui témoignent du caractère miraculeux des circonstances dans lesquels le phénomène se produisit. D’abord il eut lieu en février (conclusion tirée de la dixième plaie, Ex., XII, et de la durée présumée de celles qui ont précédé ) tandis que d’ordinaire il se produit en juinjuillet ; ensuite il fut marqué par une série d’influences nocives qui ne l’accompagnent pas usuellement. On remarquera que M. Vigouroux se montre beaucoup plus réservé, en présence de cette hypothèse, que M. Lesêtre ; on notera aussi que ce dernier va plus loin dans son étude Les plaies d’Egypte

1. Il s’agit en réalité, dans le décret, de la citation implicite d’un document non inspiré ; mais nous ne croron » ]ias dépasser la portée du te-xie en l’entendant d’une tradition orale ou déjà consit^née par écrit ; ce qui importe, au fond, c’est le contenu de la citation, quelle que « oit la forme sous laquelle l’auteur sacré a pu le saisir.

2. Cf. La Bible et les DccoUi’erics modernes en Palestine, en Egypte et en Assyrie. 6" éd., t. II, p. 314-32-2.

3. Cf. article Eau dans Dictionnaire de la Bible de M. Vl-Gounoux. — Cf. aussi Les récits de VHîstoire Sainte ; Les plaies d Egypte, ànns Reçue pratique d Apologétique, t. III, ].. 404-41Ô, surtout p. 406.