Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/406

Cette page n’a pas encore été corrigée

799

MOÏSE ET JOSUE

800

symbolique, ce n’est pas que, pour nous, les documents évoluent autour de données vagues, plus ou moins mythiques. Loin de là. Les indications concernant Cadès, le Sinailloieb, les stations, correspondent à des entités réelles et précises. Quelle que soit la date de la composition des documents, on ne saurait arguer, en vue d’une conclusion opposée, de l’ignorance de leurs auteurs. Au neuvième siècle ou au huitième, par exemple, les écrivains de Palestine avaient toute facilité de connaître par eux-mêmes, par les récits des pèlerins ou des bédouins, les sites dont ils parlaient. La péninsule du Sinai, qu’il s’agisse du désert ou du massif méridional, était accessible à tous et parcourue dans toutes les directions. Il y a quelque naïveté, par exemple, à prétendre que XElohiste ne se rendait pas compte du site de Mara-Elim-Tor par rapport à Cadès. Sans doute, il eût été, aussi bien que le bédouin ou le fellah de nos jours, incapable de lixer sa science topographique sur une carte ; mais, comme le bédouin de nos jours, il était en mesure d’exposer un itinéraire, d’énumérer les stations, de les décrire, de dire la durée des étapes qui les séparent ; il n’eût pas mciue sans doute commis la bévue de R. Weill qui ideutitie le désert de Sin (sin) entre Elîm et le Sinaï (Aj-., XVI, i) et le désert de Sin (sin) qui est autour de Cadès (IS’um., xx, i)’. On peut, en conséquence, regarder les données des documents comme se rapportant à des réalités concrètes. De même les relations qui peuvent exister entre le Sinaï et Cadès ne sauraient être traitées comme des relations d’ordre purement logique.

18â. — e) Il faut d’abord rappeler (virf. supr. 166, e) que le Buisson de J et la montagne divine de E sont eu dehors de Madian, sur le chemin du retour en Egypte. Rien n’indique, nous l’avons vu (l’/rf. supr. 186, rf), que le Madian où Moïse a rencontré le prêtre soit à l’Est du golfe d’Aqaba ; c’est plutôt au iiégéb, au pays des Cinéens-Qênites qu’il faut penser. Mais dût-on situer le Madian en Arabie, qu’on ne serait nullement obligé d’y mettre le Sinaï, dont le caractère volcanique n’est par ailleurs nullement démontré. D’autre part, nous croyons à l’identité topographique du buisson et de la montagne de Dieu. Admettons que l’on puisse formuler des réserves sur la compétence du rédacteur RJE ; il est en tout cas impossible de lui attribuer gratuitement une erreur sur les données les plus fondamentales des récits qu’il amalgame. Si, dansiT.r., iii, il a fondu étroitement les données relatives au buisson et celles qui concernaient la montagne de Dieu, c’est évidemment que, par leur teneur même, les deux documents présentaient ces quantités comme identiques. De cette constatation, une autre conséquence découle : c’est que le buisson n’est pas à Cadès. Nulle part cette équation n’est établie et ce que nous venons de dire de l’identillcation du buisson et de la montagne la rend impossible. Dès lors le voyage de trois jours perd toute attache avec Cadès ; quel que soit le sens dans lequel on le veuille entendre, il est en relation avec le buisson, avec la montagne de Dieu, avec le Sinaï. — /) Les critiques tiennent que les itinéraires de E et t’e P placent l’Horeb et le Sinaï avant Cadès ; c’est, en effet, de toute évidence. D’autre part, on n’a que des lambeaux de textes pour appuyer l’hypothèse d’après laquelle J^ mettrait le vo.yage au Sinaï pendant le séjour de Cadès, tandis que J’ignorerait complètement ce voyage. Au lieu de donner crédit à des constructions aussi chancelantes, n’est-il pas plus rationnel de faire fond sur les textes clairs des documents en même temps

1. R. Weill, Le téjour…, p. 110.

que sur la manière dont les a interprétés le rédacteur qui les a combinés ensemble ? On est ainsi amené à penser que toutes les sources anciennes, J aussi bien que E et P, i)laçaient le Sinai-lloreb avant Cadès et cela avec un sens très précis des réalités. On est ainsi amené à conclure que tel fut en effet l’itinéraire suivi par les Israélites.

183. — ^)Si nous attachons une valeur au témoignage des rédacteurs pour nous faire une idée des lignes fondamentales des documents, il ne nous en coûte pas pour autant de relever des méprises de détail dans l’utilisation des sources, U est fort possible qu’il y ait de véritables doublets. Les noms de Massah-Méribah (Ex., xvii, 1-7) et de Méribah (Xuin., XX, 2-13) peuvent désigner la même source et les récils se rapporter au même fait. Des critiques distinguent dans chaque récit l’inlluence de plusieurs documents (J et E dans Ex., xvii, 1-7 ; E et P dans Num., XX, 2-13). Il se peut que chacun des auteurs situât le miracle de la source d’une manière un peu différente par rapport à Cadès ; il est possible aussi que les noms fussent divers (Massah dans un document, Méribah dans les autres). Le rédacteur aura pu voir deux faits alors qu’il n’était question que d’un seul, il a pu hésiter sur la manière de les situer ; la mention de l’Horeb, Ex., xvii, 6, aura pu être ajoutée pour préciser les rapports de l’un des récils avec son nouveau contexte ; l’addition aura d’ailleurs été assez maladroite puisqu’au chap. xvii, on n’est pas encore à la montagne de Dieu. Des raisonnements analogues pourraient être faits au sujet des récits concernant la manne et les anciens. D’ailleurs de tels dédoublements ne sont pas sans exemples faciles à constater. On sait que saint Marc place la guérison de l’aveugle de Jéricho à la sortie de la ville (.Marc, x, 46), saint Luc à l’arrivée de Jésus dans la cité(i » c., xviii, 35), que saint Mathieu parle de deux aveugles à la sortie de la ville {Math., XX, 29-80) ; des commentateurs n’ont pas hésité à voir eu ces textes les récils de trois miracles différents. — h) Pour conclure, nous nous attachons donc à l’itinéraire : mer Rouge, Sinaï-Horeb, Cadès’.

184. — D. Le Sinaï. — a) Le Sinaï-Horeb n’est pas, nous 1 avons vu, identique à Cadès ; rien n’indique qu’il soit en son voisinage immédiat. Il faut d’abord le reconnaître : les raisons tirées de ce qu’un dieu doit habiter à portée de son peuple tiennent d’autant moins qu’au regard de ceux qui les font valoir, Yahweh aurait à Cadès un sanctuaire et séjour véritables, quoique secondaires. — b) D’autre part, les textes de Dent., xxxiii, 2 etJud., v’, 4, 5 n’ont point la portée qu’on leur attribue. Dans le second, où le mot Sinaï (vers. 5) n’est peut-être pas authentique, Débora, parlant des marches de Yahweh pour venir au secours des siens, en met le point de départ en Séir-Edom ; mais, pas plus à ce sujet qu’à propos à’Hah., iii, 3, on ne peut faire état de l’absence du mot Sinaï pour conclure à l’identilication du Sinai avec le massif de Séir ; il serait plus juste de dire que, pour Débora, l’étape de Cadès avait une importance qu’on ne lui donne pas ailleurs. Le texte de Deut., xxxiii, 2 est beaucoup plus explicite. Le point de départ des marches de Yahweh est désigné par les noms Sinaï, Séir, mont de Paian, Méribath (Méribolh )-Cadès. Or rien ne prouve que ces termes soient synonymes ; il est beaucoup plus naturel d’y voir la désignation des étapes successives avant que le Dieu n’ait rejoint son peuple. En tout cas, on ne peut opposer les données, toujours un peu vagues,

1. Cf. Fr. M.-J. Lagrance, Le Sinaï biblique, dans flecue biblique, 1899, p. 369-392, snrtcut p. 379-389.