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MOÏSE ET JOSUE

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chose qu’un emblème religieux des Israélites du Nord, propre au sanctuaire de Silo, et elle n’avait peut être aucun rapport avec Yalnveh. Mais quand, après la conquête, David l’introduisit dans son tabernacle (Il Sam., vi), d’où elle devait passer dans le temple de Salomon, elle devint naturellement l’arche du Dieu judéen ; elle fut, par une conséquence facile à prévoir, mise en relation avec le Sinaï et Cadès'. — Enfin on tient compte des données de divers documents extrabibliques. On relève d’abord ce que les lettres de Tell el-Amarna nous disent des Habirii qui, peut-être attirés par les Hittites et les Àmorrbêens, envahissent la Palestine au temps d’Aménophis IV, c’est-à-dire au quatorzième siècle. L’identitication est adoptée de ces Ifabiru, non pas strictement avec les Israélites, mais avec ces envahisseurs araméens auxquels se rattachaient les Hébreux du Nord. On remarque d’ailleurs que, parmi les endroits auxquels se fixent ces immigrants, Artahipa, roi de Jérusalem, signale le pays de Sichem^. La mention de Jacobel et de Joséphel sur la liste des peuples soumis par Thoutmès III (1501-1447) attire pareillement l’attention ; il y faudrait voir deux noms de localités de la Palestine centrale pi'ès desquelles les Hébreux s’installèrent et qui servirent ensuite à en désigner les groupes principaux 3. Enlin il y a le fameux texte de la stèle de Ménephlah I (vers 1220). Au milieu de diverses allusions à des succès militaires, notamment à la prise d’Ascalon et de Gézer, on lit : .( Israilu, ses gens sont peu de chose, sa demeure n’existe plus ». C’est une allusion évidente à la présence d’un pouvoir Israélite en Palestine au temps du successeur de Rarasès II ' et nul doute qu’avant d'être si profondément atteint, ce pouvoir avait eu le temps de s'établir et de se fortilier.

159. — e) Nous ne pouvons indiquer dans le détail les formes diverses que peut revêtir cette théorie, la manière, par exemple, dont, avec une très ample documentation, Wilhelm Erbt* la présente. Mieux vaut en tenter une appréciation : — « ) Tout d’abord le postulat général sur lequel s’appuient ces systèmes ne s’impose nullement à notre créance. Un peuple peut se former de deux manières. Par la fusion de tribus auparavant distinctes, étrangères les unes aux autres ou n’ayant entre elles que des rapports lointains de consanguinité. C’est ainsi que les Cinéens ou les Génézéens ont pu s’introduire au désert parmi les Israélites. Mais un peuple peut aussi bien se former par le développement progressif, rapide parfois, d’un clan important ; les usages du désert actuel fournissent des analogies s. Il n’y a rien qui répugne en soi dans l’idée de l’unité primitive des tribus Israélites. — /3) Bien plus, cette unité primitive s’impose à l’histoire. Elle n’est pas seulement attestée par tels ou tels documents concrets. Il faut reconnaître, et les tenants de l’opinion contraire en font l’aveu, que, sous leur forme actuelle, tous les documents qui sont à la base de Vllexateuque témoignent en ce sens. — /) Sans doute on peut objecter que l’union des deux groupes, judéen et Israélite, a été assez éphémère ; on peut ajouter

1. Cf. H. WiNCKLEK, Gcschichtc…, I, p. 29-30 35-38, 59-66, 69-70, 70-77.

2 Cf. H. WmcKLER, Getchichte…, I, p. 16-21.

3. Cf. Léon Cart, AuSinaï.,.., p. 503, avec renvoi à Max Mui.LBR, Asien und Europa nach AUàgyptiscken DenkmdUrn, p. 162-164.

4. Cf. Ed. Mkter, Die UræHlen…, -p. 249, 251 sv., 281 sv.

5. Wilhelm Erbt, Die Hebrær, Kanaan im Zeitalter der hebrdisc/ien Wanderung und hebràiacher Slaatengriindungen. 1906.

C, Cf. p. Antonin Jaussen, Coutumes des Arabes aupays de Moab, notamment le chap. 11, La tribu.

qu’elle n’a jamais été parfaitement harmonique, qu’au temps des Juges, de Saiil et de David, on voyait poindre les germes des dissensions qui devaient aboutir au schisme. Il n’en est pas moins vrai que tous les documents qui parlent de ces désaccords insistent sur la fraternité primitive ; de part et d’autre, en Israël et en Juda, se manifeste le regret de la rupture ; de part et d’autre, les visions prophétiques mettent au rang des espérances celle de la restauration de l’unité antique. Or une telle unanimité de témoignages est inexplicable dans l’hypothèse d’une union qui aurait duré, tant bien que mal, pendant quelque soixante-dix ans seulement ; elle est surtout inexplicable si la réuuion éphémère n’a été réalisée que par la violence de la conquête et par une volonté jugée abusive et tyrannique. — 15) Il y a plus : les documents sont aussi unanimes en faveur de l’unité religieuse primitive qu'à l'égard de l’unité sociale et politique. On sait de reste que l’unité religieuse durable est de toutes la plus difficile à réaliser. On peut obtenir, il est vrai, une adhésion temporaire au culte extérieur du vainqueur ; mais, quand la conti-ainle aura disparu, les vaincus retourneront d’instinct aux usages nationaux qu’ils n’auront pas eu le temps d’oublier ; il faudrait une série de générations avant que la religion imposée de l’extérieur prit pied dans les âmes. David pouvait introduire l’arche d’Elôbim dans le tabernacle de Yaliweh et en changer le vocable ; mais cette mesure elle-même n’allait qu'à indisposer contre le culte judéen ceux qu’il avait dépossédés de leur palladium. En tout cas, ce n’est pas au bout de soixante ans que ces Yahwistes malgré eux se seraient à ce point attachés au Dieu de Juda qu’ils en gardent à jamais le souvenir. C’est pourtant ce qui est arrivé. Ils ont pu retourner à leurs pratiques cultuelles d’origine suspecte ; mais à tout jamais ils ont retenu le nom de Yahweh ; plusieurs siècles après la sécession, ils ont compris les prophètes Elle et Elisée, même le judéen Amos, quand ceux-ci leur parlaient de Yahweh et de ses exigences. La vigueur de David ne suffit pas à expliquer cette fermeté d’adhésion ; moins encore l’intervention de la qénite Jahel, aux côtés de Débora, pour contribuer, avec l’appui de Yahweh, son propre Dieu, au salut d’Israël (/(/(/., V, itt ; cf. iv, i^-aa) ! …

160. — £) Pareils souvenirs de l’unité primitive supposent que cette unité a des racines plus profondes qu’on ne se plait à le dire. Il faudrait des arguments très forts et très précis pour ébranler cette conclusion ; or ces arguments n’existent pas. Le silence du cantique de Débora au sujet de Juda trouve son explication toute nalm-elle dans les difficultés que cette tribu éprouva à s’installer parmi ses montagnes arides. D’autre part, les mêmes documents qui sont unanimes à faire venir du Nord les Israélites le sont pareillement, dans leur état actuel, à distinguer une double phase de migration. Les Abraharaides ont d’abord séjoiirné en Canaan à la façon de peuples encore nomades, attirés déjà sans doute par la vie sédentaire, mais ne s’installant pas encore à proprement parler ; les tribus vivaient d’une vie propre, assez isolée, ne constituant en aucune manière ce que l’on appelle une nation. Mais les fils d’Israël sont revenus ensuite sous la conduite de Moïse et de Josué ; ces tribus étaient alors plus étroitement unies, elles constituaient un peuple et elles étaient à la recherche d’une patrie. Entre ces deux invasions, les textes placent ic séjour de tous les fils d’Israël en Egypte. — ï) Inutile de l’ajouter. L’unanimité est pareille quand il s’agit de l’unité religieuse primitive : c’est le même Elohim que les patriarches adorent avant de descendre en