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MOÏSE ET JOSUÉ

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littérature prophétique. Il est, d’autre part, tout à fait loisible d’admeltre, si l’on s’y croit fondé au point de vue criLi(]ue, que, vers le milieu du vif siècle, ces deux documents ont été fondus en un seul récit (.lE).

97. — 6° La reconnaissance des documents et de leurs divergences entraîne des conséquences quant à leur utilisation. Sur ce terrain plus qu’ailleurs, la prudence et la discrétion seront les règles de l’exégèle catliolique ; mais il ne faut pas hésiter à formuler les principes. Il n’y a pas de raison de se refuser à admettre que, soit par respect pour leurs sources, soit pour d’autres motifs, les rédacteurs ont pu conserver deux recensions du même récit ; en d’autres termes, rien n’oblige à exclure a priori la présence des doublets. D’autre part, quand il s’agit de recueillir les données de ces récits parallèles, l’historien ne doit pas se croire obligé de juxtaposer les renseignements particuliers aux divers documents, comme s’ils devaient nécessairement se compléter les uns les autres. Souvent, au contraire, il devra faire abstraction de ces divergences pour s’attacher à la substance même des faits.

98. — 7° Le cas des sections historiques du Code sacerdotal est plus complexe. Les critiques y reconnaissent une part dont le fond est le même que celui du Yahwiste et de VElohiste. Il serait dillicile sans doute de les amener à voir dans ces récils autre chose qu’un remaniement de ceux qui ont pris leurs premières formes dans les documents dont nous venons de [larler. Ici encore, toutefois, on aurait le droit de faire remarquer qu’à prendre les choses en elles-mêmes, rien ne s’op[iose à ce que cette source ait pour point de départ une troisième relation de l’époque du grand fondateur de la nation israélile. Une eonséipience en découlerait au point de vue de l’utilisation pratique de ces sections. Le secrétaire de Moise auquel elles remonteraient pouvait poursuivre un bvit spécial en sa rédaction ; mais, au point de vue de la fidélité, il se trouvait exactement dans les mêmes conditions que ses collègues. C’est donc à d autres considérations qu’il faut recourir pour expliiiuer certaines particularités que les critiques se plaisent à relever. Cette explication pourrait être fournie par les modifications et retouches que ces récits auraient subies au cours des siècles et spécialement à une époque déterminée, v. g. au temps de l’exil.

99. — 8° Les critiques, d’autre part, admettent pour les récits du Code sacerdotal des emprunts faits à des sources particulières, autres que J et E. Rien n’empêche de supposer de telles additions ; rien ne s’oppose non plus à ce que l’on reconnaisse des insertions qui tirent leur origine de la tradition orale. La seule garantie exigée est que ces additions, si elles sont tant soit peu notables, aient été faites par un auteur inspiré.

100. — 9" Quand il s’agit d’apprécier la valeur historique des changements que ces modifications et ces additions ont apportées à la teneur primitive de l’histoire, diverses considérations sont à faire. Il faut se demander si l’auteur inspiré qui a fait ces additions a voulu, non seulement consigner une tradition, mais encore la prendre sous sa responsabilité, la faire entrer dans son enseignement. Au cas où l’on constaterait avec la certitude voulue que l’auteur sacré ne s’est pas prononcé, il y aurait à voir si l’on ne se trouve pas en présence d’un développement analogue à ceux qui se rattachent au genre midraschique, ou encore en présence d’un épisode relevant d’un autre genre littéraire. On sait, v. g., qu’à propos des éjjisodes des filles de Salphad, on a parlé de cas de conscience (.Vi/m., xjcvii, i-ii ; xxxvi). Il va de soi que les conclusions auxquelles on

aboutirait, en ces constatations, ne sauraient porter atteinte à la substance même de l’histoire.

101. — io° l’arrai les documents légaux, il en est un qu’il faut tout d’abord mettre à part pour en revendiquer l’authenticité mosaïque. C’est le Décalogue. Débarrassé des quelques amplifications qu’il a reçues dans l’Exode et le Dcutéronome, le Dccalugiie primitif n’est autre chose, en dehors du précepte du sabbat, que l’énoncé des conséquences les plus fondamentales de la notion du Dieu unique, jaloux et moral, que Moïse a mise à la base de son enseignement. D’autre part, il faudrait avoir des certitudes bien précises sur l’origine du sabbat pour prétendre qu’il n’en pouvait être question à l’époque des migrations du.Sinaï, pour soutenir que la seule présence d’une ordonnance relative au sabbat nous ramène ou temps de l’exil. Autre est la date à laquelle remonte le principe même de l’institution, autre l’époque à laquelle certaines modalités ont prévalu dans la pratique.

lOS. — 11° On peut et on doit pareillement faire remonter à Moïse le Code de l’alliance. Nous pensons à ses éléments principaux ; il est fort possible que divers préceptes aient été ajoutés dans la suite en vue de l’adapter à des circonstances et à des besoins nouveaux. Les points de ressemblance avec la loi de llamraourapi montrent que, longtemps avant l’époque de l’exode, beaucoup des législations du Code de l’alliance faisaient partie du patrimoine commun des races sémitiques. D’autres ordonnances se rattachent à ces usages des nomades qui remontent à une haute antiquité et qui n’ont cessé de prévaloir jusqu’à nos jours. Quant aux règlements qui se rapportent à l’agriculture, ils suggèrent deux remarques : d’abord que, conformément aux indications de la Genèse, les Hébreux du temps de Moïse étaient plutôt des seminomades, en voie de se fixer, que des nomades proprement dits ; ensuite que, dans ses législations, Moïse avait en vue leur prochain établissement. — Les mêmes réflexions s’appliquent au petit Code de la rénovation de l’alliance. (Ex., xxxiv, i 1-26)

103. — 12* A propos du Denléronome, on peut et doit admettre cette donnée des sections historiques qu’un rappel de la Loi et une rénovation de l’alliance ont pris place dans les plaines de Moab, qu’un nouveau code a synthétisé les obligations sur lesquelles Moïse voulait provoquer de nouveaux engagements. Quelle était l’étendue de ce code ? Il se peut que, par ses proportions et par les préceptes qu’il mettait en relief, il rappelât d’assez près le Code de l’alliance^. Dans cette perspective, la plupart des lois nouvelles qui figurent en notre Deuiéronome auraient été insérées à des dates postérieures pour faire face à des besoins nouveaux. Il est tout aussi permis de s’arrêter à l’époque de Josias (Engelkemper ) qu’à celle de Samuel (de Hunimelauer). D’ailleurs de telles additions se conçoivent, mieux que de toute autre façon, dans l’hypothèse d’une revision générale de la législation. Il va de soi que nous n’adhérons pas pour autant aux théories si compliquées et d’ailleurs si spéciales de M. Steuernagel.

104. — 13° D’une part, rien ne s’oppose à ce qu’un bloc assez considérable des ordonnances qui figurent au Code sacerdotal remontent à Moïse ou même aux temps antérieurs ; il s’agit surtout des

1. Le Code de la rcnovatlon d^ l’alliance ne se borne-t-il pas déjà à renouveler les ordonnances les plus fondoiLientales du Code de l’alliance ? Il n’est pas s.’ins intérêt de rappeler que certains critiques rattachent le Code de l’alliance aux plaines de^loab comme 6 son contexte primitif et aussi que certains critiques traitent le Deuléronome comme une revisio.i du Code de l’alliance.