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MOÏSE ET JOSUE

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résoudre le problème dans le même sens que le docte Jésuite (cf. surtout col. 1 1 96, 1 1 96). — rf) On peut dire que telles ont été les principales manifestations de l’opinion catholique, louchant la question qui nous occupe, pendant la période qui a suivi le décret. Elle n’a pas été féconde en travaux sur le Pentaleiirjiie. M. HoBERG, dans la 2" éd. de Die Genesis nacli dem lileralsinn erkliirt (igo8), continue d’admettre que le Penlateuque actuel n'émane pas de Moïse selon tout son contenu et reconnaît des additions de morceaux historiques et de lois ; d’autre part, il consent à ce que Moïse se soit servi de sources écrites. En revanche, il rejette l’hypothèse de sources réunies par un rédacteur ; un rédacteur est pour lui presque nécessairement un faussaire. Au regard de M. Engelkempkk (Heitiglum iind Opferstùtien in den Gesetzen des Pentateucli, 1908), il serait, en certains cas surtout (v. g. à propos des lieux de culte), moins important de soutenir que Moïse a rédigé le l’cntaleuque tel que nous le lisons, que de prouver qu’il a vraiment édicté les lois qui s’y trouvent. Encore peut-on admettre que quelques lois ont été ajoutées dans le cours des siècles. Il parle de lois insérées vers la fin de la période des Juges, d’une nouvelle rédaction du Deiiléronome peu avanll’exil, etc. Dans une tout autre direction d’idées, M.Arthur Allgkier [i’ber Doppelberichte in der Genésis, 1911) soutient que les prétendus récits en double de la Genèse n’existent pas et qu’ils seraient incompatibles avec la notion d’inspiration.

XI. Conclusions

91. — Au terme de cet exposé, il nous parait utile de formuler avec précision nos conclusions. Nous nous placerons nettement sur le terrain apologétique. Ce que nous avons dit jusqu’ici met sudisammenl en relief, ce nous semble, les directions proposées aux savants etexégètes catholiques lorsqu’ils traitent entre eux des graves problèmes du Pentateuqiie. Mais il est intéressant de déterminer en quels points d’une spéciale fermeté il faut placer les postes avancés de la défense catholique, en quels points aussi on a le plus de chances de rencontrer, en des entrevues paciliques, ceux qui, lassés des aventures d’une critique échevelée mais n'étant pas disposés à recevoir les directions de l’Eglise Romaine, cherchent néanmoins un terrain sûr et reposant. Nous ne ferons qu'énoncer ces conclusions. La seconde partie de notre travail en sera le plus souvent le développement et la mise en œuvre.

93. — 1° Non seulement on peut et on doit mettre Moïse au point de départ de la grande œuvre religieuse, morale, sociale, législative, nationale, que notre Penlateuque lui attribue, mais encore on peut et on doit le mettre au point de départ de l'œuvre littéraire que représentent les cinq premiers livres de notre Canon, on peut et on doit lui attribuer une part dans leur composition. Le temps est passé où, sans exciter de surprise, d’aucuns se demandaient si, après avoir séjourné en Egypte pendant de si longues années, cet esprit éminent était capable d'écriture et de production littéraire. Le temps est passé où ils pouvaient à ce point méconnaître l’importance de son intervention qu’ils consentissent à admettre qu’il ne s'était pas préoccupé de fixer en un texte les bases de la constitution qu’il voulait donner à son peuple.

93. — 2" Sous le bénéfice de cette première remarque, il est légitime et il est à propos d’envisager la théorie documentaire de la composition du Pentateuque. Inutile de méconnaître que les arguments mis en avant par les critiques sont impressionnants. En une multitude de détails, sans doute, leur distinction

des sources prête le flanc à des objections nombreuses et graves ; mais, pour ce qui est des grandes lignes, et c’est ce qui importe, l)eaucoup d’esprits calmes et impartiaux jugent que le point de départ de leur sj’stème est fondé.

94. — 'i" L’activité littéraire de Moïse s’est d’abord exercée dans le domaine de l’histoire. Il est deux documents dont les critiques admettent volontiers l’antiquité relative : VEluhisle et le Yaiuviste, Mais l’antiquité qu’ils leur attribuent est trop récente. Ce n’est pas au viii" siècle ou au va" seulement que l’on peut et que l’on doit remonter, c’est au temps de Moïse. Les critiques trouvent souvent les preuves d une date plus récente dans le niveau élevé des idées religieuses qui se font jour en ces beaux récits. Ce faisant, ils nous semljlent méconnaître la haute pensée religieuse et sociale de celui qui mit le Yahwisme moral à la base de la constitution même de son peuple. Sans doute il serait peut-être dillîcile de prouver invinciblement que VElohiste et le Yalixiste remontent tous deux à Moïse et de réfuter une o|>inion d’après laquelle ils représenteraient comme deux versions, deux interprétations, d’un seul document mosaïque. Peut-être qu'à la rigueur l’apologétique se pourrait contenter de cette opinion. Peut-être serait-ce à l’avantage de VElohiste (au moins de E') qui, à raison de son caractère plus complètement dégagé des attaches locales, aurait chance de représenter plus fidèlement le document primitif. On aurait toutefois le droit et le devoir de remarquer qu'à prendre les clioses en elles-mêmes, rien ne s’oppose à ce que les deux sources aient pour point de départ deux relations de l'époque du grand fondateur.

93. — !)" Nous sommes déjà bien loin, il est aisé de le reconnaître, de l’opinion de M. Steuernagel et des critiques d’extrême gauche. Nous nous en écarterons davantage encore dans la position que nous prendrons au sujet de la valeur historique de ces documents. Laissons de côté ce qui concerne les patriarches, dont nous n’avons pas à nous occuper ici, mais dont nous tenons l’histoire pour très objective. Pour ce qui regarde l'époque mosaïque, on peut et on doit traiter ces documents comme dignes de toute confiance. Loin d'être un tissu de données légendaires, parmi lesquelles il serait dillicile de discerner un fonds historique plus ou moins appréciable, on peut et on doit admettre qu’ils nous fournissent une représentation, partielle sans doute, fragmentaire, incomplète, mais exacte, de l'œuvre et de la carrière de Moïse.

96. — 5° Cette constatation ne doit pas nous faire perdre de vue un autre fait. Les critiques, on le sait, signalent d’assez nombreuses divergences de stj’le et de fond entre les documents. D’une part de' ces difîérences la Commission fournit l’explication en permettant d’admettre, à la base du Penlateuque, l’intervention de plusieurs secrétaires de Moïse ; elle fournit le moyen d’en expliquer une autre part en reconnaissant la possibilité de modifications et d’additions survenues aiirès coup dans les œuvres de ces scribes. Dans l’un et l’autre cas, les différences ne doivent pas porter atteinte à la substance même des faits. C’est la seule limite qui soit tracée d’avance aux constatations que peut faire une critique sage et judicieuse. Rien d’ailleurs n’empêche de rattacher à une période déterminée le plus grand nombre des modifications qui ont contril)ué à donner à ces documents leur physionomie définitive. On peut en conséquence penser que le Yahtviste et VElohiste ont pris leur forme actuelle aux ix' et vin' siècles, c’est-à-dire aux dates que les critiques marquent pour leur éclosion. On expliquera par là, si l’on veut, les traits et caractères de ces documents qui les rapprochent de la