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MOÏSE ET JOSUÉ

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légitime de ne faire remonter à Moïse que le prototype de ces documents', d’expliquer les particularités qui caractérisent chacun d’eux par un double travail de revision, opéré sur ce prototype et avec des préoccupations sensiblement dilTérentes, dans les milieux prophétiques d’Israël et de Juda ? Une hypolluse analogue pourrait elle cire invoquée pour rendre compte de l’allure assez spéciale du Code sacerdotal : ' Laquestion peut se poser^, mais il nous semble que la solution allirmative ne serait pas selon l’esprit de la Coinniisfiou : c’est par l’hypollièse des secrétaires qu’elle paraît vouloir expliquer toutes ces différences. o) La réponse de la Commissinn suggère de

réserver le jugement de l Eglise quand on émet des opinions touchant les additions que le Pcntateuque a pu recevoir. Cette réserve nous paraît s’imposer avec non moins de force à propos des questions que nous ne faisons que proposer ; elles sont assez graves pour que l'énoncé lui-même en soit timide et modeste.

X. Après le décret de la Commission biblique

88. — Le décret de la Commission allait devenir, cela va sans dire, la règle de l’enseignement catholique. Il est intéressant, par conséquent, de voir com ment on allait l’interpréter. — o) Le premier travail un peu im[i()rtant qui en ait suivi la promulgation me paraît être l’article Peutateuqiie de M. Mangbnot, dans le Dictionnaire de la Bible, article bientôt suivi du volume VAulhenlicité mosaïque du Pentaieuque (1907). Entre autres questions, l’auteur y traite de la note qui' convient à la thèse traditionnelle. L’origine mosaïque de certains éléments du Pentateuque, de ceux notamment que l’Ecriture attribue directement au prophète, s’impose comme une vérité de foi divine. Pour l’ensemble de l’ouvrage, le fait même que la Commission s’en est occupée prouve que le problème n’est pas purement littéraire, mais que c’est une question religieuse, doctrinale même en quelque façon, et qui n’est pas libre dans l’Eglise catholique. D’autre part, comme la Commission n’articule aucune note particulière, on jouit d’une grande liberté d’appréciation dès que l’on regarde comme ne pouvant être soutenue sans témérité théologique la thèse opposée à l’origine mosaïque. L’authenticité s’impose-t-elle au nom de la foi divine ? Il ne semble pas qu’on puisse le dire avec certitude. Est-elle théologiquement certaine ? On peut le dire, bien que la Commission ne l’ait pas déclaré. Au moins faut-il reconnaître que c’est une opinion commune ; c’est la note la plus inférieure qui soit attachée à une thèse appartenant en quelque chose à la révélation. Quant à la nature et aux limites de l’authenticité mosaïqiie substantielle, aux modifications et additions, M. Mangenot croit admissibles, entre autres théories, celles des PP. Brucker et de Hummelauer.

89. — /') L’année 1907 vit encore paraître L’Eglise

1. Dans son introduction au Deuirronomc (p. 153), antérieure au décret de la Commission biblique, le P. de Hummelauer, envisageant l’hypollièse des documents J et E, expliquait leurs différences pur la théorie des sot-rétaîres de Moïse. Toutefois, prenant en considération l’opinion d’après laquelle l’un de ces documents serait plus ancien que l’autre, il ajoutait : « In liiic hypothe « i unica illa primigenia narratio facilius Mojsi concedelur Quctori, sed magnum dillicultatem patitur illa narrationis diiBssio ac postmodum restitutio. »

2. Dans cette hypothèse, il resterait encore place pour la plurnlîlé des scribes. Mais les objets de leur activité seraient différents, les uns se partageant les diverses périodes de l’histoire inclue dans le Pentateuque, les autres travaillant aux diverses collections législatives.

et la Critique biblique (Ancien Testament), ouvrage important dans leciuel le P. Brucker, reprenant plusieurs des théories qu’il avait jadis émises, les comparait avec les décisions récentes. — v) Les trois conditions indiquées par la Commission dans l’hypothèse des secrétaires, — conception du travail par Moïse, contrôle sur l’exécution, approbation, — sont présentées comme suffisantes, non comme nécessaires. En réalité, pour être qualifié en toute justice du titi’c d’auleur, deux conditions sont nécessaires et suffisantes : avoir procuré eihcacemenl la composition d’un livre, soit par son propre travail, soit par mandat accompagné de suggestion des idées (professeur chargeant un de ses élèves de reproduire ce qu’il lui entend improviser), soit par mandat seul (pape demandant à un de ses secrétaires de rédiger une bulle sur un sujet donné) ; avoir approuvé le livre de manière à manifester clairement qu’on en |)rend la responsabilité. S’il s’agit des auteurs bibliques, il faut en plus l’inspiration divine. — /?) L’hypothèse des secrétaires, complétée par celle des sources, permet de rendre compte d’un certain nombre de différences de fond, secondaires à la vérité mais réelles, que les critiques signalent entre leurs documents ; surtout elle explique les divergences de langue, de style, de procédés d’exposition dont il est impossible d'éluder l'évidence. Cette hypothèse pourrait, de ce chef, donner satisfaction à ceux qui, tout en reconnaissantles quatre documents, s’efforcent d’en sauvegarder l’inspiration et la vérité historique ; il suffirait d’admettre que les quatre documents doivent à Moïse lui-même ou à ses secrétaires leur être, au moins quant à l’essentiel. — /) Il se peut que les trois ou quatre écrits aient longtemps existé séparément et il n’est pas interdit de retarder le moment de leur fusion complète et définitive jusqti'à l’exil ou jusqu'à l'époque d’Esdras. Aucun témoignage de l’Ecriture ne les signale comme réunis avant cette date. — S) Une si longue histoire n’a pas manqué d'être mouvementée et le travail de fusion ne s’est pas fait sans des manipulations et des modifications dans les éléments. L’essentiel est que ces vicissitudes n’aient pas porté atteinte à la substance du dépôt sacré. L’intégrité substantielle est avant tout l’intégrité doctrinale ; il faut exclure toute corruption de la doctrine inspirée. Quant aux interpolations qui, sans l’altérer, porteraient sur la doctrine, elles sont de la catégorie pour laquelle il convient de faire intervenir un auteur inspiré. En revanche, d’une manière générale et sauf des exceptions faciles à justifier, l’intégrité substantielle ne paraît pas intéressée à la forme même des livres. On peut admettre, pour des écrits d’un usage constant, un travail de rajeunissement successif du langage qui, sans avoir fait disparaître toutes les traces d’archaïsme, ait modifié la forme extérieure du texte et abouti à lui donner le revêtement d’un style récent ; il convient de rappeler que, malgré leur respect pour les Livres Saints, les copistes d’avant notre ère ont procédé avec beaucoup plus de liberté que ceux de la période rabbinique. Aussi bien ces modifications n’ont pas atteint au même degré tous les documents ; les textes légaux ont eu besoin d'être plus constamment mis à jour que les autres et cela peut expliquer qu'à part quelques restes d’antiquité, le Code sacerdotal se présente avec la teinte de l'époque des derniers prophè'es et du temps de l’exil. — e) Rien n’empêche non plus d’admettre, réserve faite de ce qui touche à la substance, des modifications dans le fond, soit de la doctrine et de la législation, soit de l’histoire. 90. — c) Dans l’article Genèse qu’il a publié dans le Dictionnaire de Théologie cntlioUque(<)i ! ^, iomeVl, col. I185-ia21), M. Mangenot nous paraît traiter et