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MOÏSE ET JOSUE

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telle qu’on ferme les yeux pour ne pas voir (xvii.g). Alin de rendre plus sensible l’intervention divine, l'écrivain sacré note que, pendant ce temps, le vent continue de souffler, l’oiseau de faire entendre des chants mélodieux, l’eau de couler, la pierre de rouler, l’animal de courir et de gambader, le fauve de rugir, l'écho de répercuter tous ces sons(xvii, 17, 18). La paix règne, d’autre part, dans le reste du monde (xvii, 19) tandis que les Egyptiens ont devant eux l’image de l’obscurité qui les attend au i » 'o7(xvu, 20). Quant aux Israélites, ils sont en pleine lumière partout où ils résident, — on dirait au milieu des Egyptiens eux-mêmes, — si bien que ceux-ci doivent reconnaître la main du Seigneur (xviii, i-^). Notons encore une curieuse addition touchant la manne : elle procurait toute jouissance et s’appropriait à tous les goûts ; s’accommodant au désir de celui qui la mangeait, elle se changeait en ce qu’il voulait (Sap., XVI, 20, 21). Cette donnée cadre difficilement avec ce que les yombres disent et de la saveur du pain céleste et du dégoût que les Israélites finirent par en éprouver (.um., xi, 6, 8). — /) Toutes ces données sont fort intéressantes ; mais où donc l’auteur de la Sagesse les a-t-il puisées ? Certains de ses développements pourraient n'être que des commentaires des textes anciens, dont on devrait lui attribuer la responsabilité. Il faudrait quand même se demander si ces détails présentent les mêmes garanties de vérité historique que ce qui est emprunté à ' Exode ; plus d’un exégète catholique estimerait peut-être que de telles particularités, au caractère très secondaire, ne sont objet d’enseignement proprement dit, ni pour l’auteur, ni pour l’Esprit inspirateur. Mais cette solution ne peut rendre raison de tous les cas. Plusieurs des additions de l’hagiographe correspondent étroitement à ce qu’on peut lire dans Josèphe, dans les rabbins et surtout dans Philon. Il faut évidemment songer à des traditions conservées, oralement ou par écrit, et que ces auteurs ont exploitées. Un critique catholique allemand, M. Heinisch', a prononcé le nom de midras. On sait qu’un m’idras est un développement plus ou moins artificiel des récits bibliques, en vue de rendre plus sensible l’action de Dieu dans la vie de son peuple ; ces ampliUcations procèdent souvent par manière de grossissement, surtout quand il s’agit de miracles. Mais si l’auteur de la Sagesse a fait des emprunts au midras, leur at-il conféré une autorité historique qu’ils n’avaient pas auparavant, une autorité que personne ne songe à attribuer à ces sortes de productions ? Ne penserat-on pas qu’en insérant ces détails, il a voulu édifier sans prétendre ajouter à l’enseignement de la Loi elle-même ? N’est-ce pas le cas de signaler encore les principes de solution prévus par les décisions de la Commission biblique relativement aux genres littéraires et aux citations implicites et de rappeler que la nature spéciale du livre de la Sagesse peut suggérer le recours à ces principes ?

86. — A) Mais, on le sait, le genre midras n’a pas pris naissance seulement aux dernières années de l'ère ancienne. L’auteur des Chroniques connaissait déjà ces sortes de produits littéraires ; il en a inséré des extraits dans son œuvre (II Cliron., xiii, 22 ; xxiv, 27). Tout porte à croire que, dès l’origine, à ce que les Livres Saints racontaient des ancêtres d’Israël et de la formation du peuple de Dieu, les traditions populaires ajoutaient d’autres détails, analogues à ceux dont les midràsim devaient plus tard s enrichir. Peut-on penser que telles ou telles de ces

1. Cf. D' Paul Heinisch, Das Buch der Weisheii ûbersetzt und erkldrt (dans Exegetisches Handbuch zum Allen Testament du D' Johannes NiKEL, p. -127).

traditions aient pris place, sous forme d’additions, dans l’un ou l’autre document du Pentateuque, un peu comme dans les dissertations de la Sagesse ? Peut-on penser que le lait de leur insertion n’a pas changé leur caractère d’amplifications, dont tous les détails n’auraient pas la même valeur que le contenu des récits authentiques ? Peut-on penser, par exemple, que l’on trouverait en cette hypothèse la solution de certaines difficultés spéciales aux récits du document sacerdotal, telles que le grand nombre des Israélites mis en mouvement dans le désert du Sinaï, le caractère en apparence artificiel de certaines particularités des marches et des campements, les différences que l’on relève entre les récits parallèles du Code sacerdotal et des autres documents, etc.? La question vaut la peine d'être posée, alors même que l’on n’oserait prendre la responsabilité de formuler une solution. J’en dirai autant des problèmes qui vont suivre. 87. — II reste, en effet, à se demander quelle peut être l’importance des additions. Nous l’avons déjà dit. La Commission ne se prononce ni sur leur nombre ni sur leur étendue ; elle se borne à exiger la sauvegarde de l’intégrité substantielle du Pentateuque. Dès lors, une certaine latitude est laissée à l’appréciation des exégètes catholiques. Mais jusqu’où peut-on aller sans mettre en péril l’intégrité substantielle ? La question ne laisse pas d'être difficile à résoudre. — m) S’il s’agit des parties législatives, il est à prévoir que les exégètes catholiques ne feront pas difficulté de reconnaître que l’on ait introduit un certain nombre de lois nouvelles dans les codes anciens. Mais peut-on aller plus loin et admettre, à une date éloignée de Moïse, la revision d’un code, non pas seulement limitée à un renouvellement de la forme extérieure, comme nous l’avons supposé à propos de la loi sacerdotale, mais s’altaquant au fond luimême ? L’exemple typique serait fourni par la section législative du Deutérunomc. Nous avons précédemment remarqué qu’il se présentait comme une sorte de récapitulation de la loi sinaïtique, faite par Moïse dans les plaines de Moab, en vue de la Terre Promise. Nul doute qu’il ne faille retenir cette donnée. Mais ne pourrait-on pas la restreindre à un noyau du livre actuel, à un code analogue, par l'étendue et par le contenu, au Code de l’alliance ? L'œuvre actuelle se présenterait comme un travail de revision dans lequel les modifications et les additions auraient eu pour but d’adapter le code primitif aux besoins de la société judéenne, au début du septième siècle. Réalisé à la fin du règne d’Ezéchias en vue d’une application immédiate, le lésultat de ce travail de revision aurait été déposé au Temple pendant la persécution de Manassé, puis retrouvé par Helcias en 622. Que penser de ces théories et dans quelle mesure seraient-elles compatibles avec une interprétation sincère du décret de la Commission biblique ? Ce sont encore des questions pour lesquelles nous n’oserions pas formuler de réponses. — n) Il en est de même de celles qui ont trait aux sections historiques du Pentateuque. Nous avons pratiquement admis plus haut que le fond des parties narratives du Yahwiste, de VElohiste, du Code sacerdotal remonlail à Moïse et à ses secrétaires, que c'était à ces derniers que les documents devaient leurs caractères distinctifs. Il est évident que cette interprétation demeure la plus sûre. Mais est-il impossible d’envisager une autre solution ? Les critiques ont unanimement signalé les nombreux points de contact de toutes sortes qui existent entre le document élohiste, dont ils placent l’origine dans le royaume du Nord, et le document yahwiste, qui aurait vu le jour en Juda ; on sait aussi qu’ils en séparent la composition par un siècle de distance au plus. Serait-il

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