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MOÏSE ET JOSUÉ

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une Un de non-recevoir aux arguments que les critiques mettent en avant pour repousser à une date bien postérieure à l’âge mosaïque la rédaction déûnilive de la Tluiruli. On peut donc admettre, semblet-il, qu’aucun travail de fusion n’a été t’ait du temps de Moïse ; que les documents, y compris le IJeutéionome, ont continué d’exister à part longtemps après la mort du grand législateur ; aucune donnée n’est fournie sur la date à latiuelle aurait pris Un cette existence séparée. Gomme, d’autre part, aucune indication n’existe sur la manière dont la fusion se serait opérée, il semble tout aussi loisible de retenir un travail progressif de fusion, analogue à celui dont parlent les critiques (J + E ; JE + D ; JED -- P), qu’une combinaison réalisée en un acte unique, v. g. par Esdras. L’exégète catholique pourrait suivre les opinions qui, du point de vue d’une critique sage et sensée, apparaîtraient les plus fondées. — y) Deux conditions toutefois semblent nécessaires. La première c’est que l’œuvre mosaïque ne reçoive aucune altération qui, en modiliant les données indépendantes des Mémoires émanes des secrétaires, compromettrait les intentions de l’auteur principal. Cette remarque est utile. On le conçoit, en effet, cl les criti(]ues sont là pour nous le dire : le travail rédactionnel entraînera des suppressions dans les passages parallèles des documents ; ailleurs il faudra introduire quelques formules de liaison entre des péricopes empruntées à deux Mémoires distincts ; parfois encore, la juxtaposition de sections venant d’auteurs différents pourra avoir pour résultat de nuancer les récits ou les prescriptions d’une manière un peu nouvelle. Tout cela est possible, tout cela est inévitable ; mais l’œuvre mosaïque doit être demeurée et venue à nous telle que l’auteur principal l’a conçue, telle qu’il l’a voulue en présidant à sa réalisation et en lui donnant son approbation. — k) En second lieu, il semble absolument nécessaire que l’œuvre linale de rédaction soit couverte par l’autorité d’un écrivain inspiré. Cette œuvre linale, en effet, aboutit à notre Peiiialeuque, et c’est notre Pentaieuque qui figure dans la liste des Ecritures sacrées et canoniques du Concile de Trente.

3° Les sources

77. — a) S’il faut soutenir que, au moins dans es principaux documents qui le composent, notre’^entati’uqite actuel remonte à Moïse, seul ou aidé de >es secrétaires, on n’est pas obligé d’admettre qu’ils .’aient construit de toutes pièces ; on peut soutenir ju’ils ont eu recours à des sources. Celles-ci peuvent ître ou écrites ou orales. — h) Ces dernières participeront évidemment aux caractères de toutes les tralitions orales, même les plus Udèles. Tandis qu’un frand nombre de traditions dénaturent le fonds uème et la substance des faits, les plus Udèles, celles |ue l’on peut rencontrer de préférence en ces milieux >rientaux où les dires des anciens se transmettent l’âge en âge avec une réelle Uxité, gardent, il est frai, la substance du fait, mais sans qu’on puisse ivoir en les consultant la garantie d’une exactitude ainutieuse des détails. On y constatera souvent, par ixemple, la tendance à projeter dans le passé quelque cljose du présent, à revêtir de couleurs contem)oraines les faits et usages des temps anciens ; onreuarqucra pareillement que les traditions relatives au uème événement présentent, dans les divers milieux >ù on les recueille, de nombreuses variations d’ex)osé. Telles étaient les traditions orales auxquelles )ouvaienl recourir les auteurs principaux et seconlaires du Pentateuque. — c) Ils pouvaient aussi avoir à eur disposition des documents écrits. Rien n’indique [ue ceux-ci fussent inspirés. A considérer les choses

in ahstracto, indépendamment de la consécration et des garanties spéciales qu’ils reçoivent du fait de leur insertion dans un livre sacré (i/rf. infr. Ii, /, 79), la valeur de ces documents sera proportionnée à leur caractère strictement historique ou plus ou moins légendaire (iniJrascUique, comme on dira plus tard), à la distance chronologique qui sépare l’époque de leur rédaction de celle où se seront passés les faits qu ils consignent, à la place plus ou moins grande qu’ils font aux traditions orales et à la manière dont ils les critiquent et les consignent, etc.

78. — ii)Dans l’hypothèse rigide de Moïse seul auteur du Pentateuque tel que nous le possédons, il ne peut guère être question de sources qu’à propos de la Genèse ; il est permis de jjcnser que traditions orales et textes correspondent à ces documents que les critiques ont dès l’abord discernés dans le premier livre de notre Bible. — e) Dans la théorie de Moïse auteur principal et des scribes auteurs secondaires, les sources interviendraient encore d’une manière prépondérante pour la composition de la Genèse.’Toutefois, si la grande période d’activité littéraire était fixée aux dernières années du séjour à Cadès, on pourrait penser à l’utilisation de rédactions partielles préliminaires, concernant les faits les plus importants de l’exode, consignant les législations fondamentales ; elles seraient de préférence identifiées avec ces écrits dont il est question Ex., xvii, 14 ; XXIV, 4 ; XXXIV, 27 ; A’um., xxxiii, 2. Il serait évidemment plus difficile de supposer que, pendant une période de trente-huit ans et du vivant de la génération qui avait été témoin des événements, des traditions orales parallèles aient pu se former avec des variantes de détail tant soit peu notables. — /) La question des sources peut encore s’entendre en un autre sens quand il s’agit des sections législatives du Pentateuque. Ni les lois sociales d’Israël, ni ses lois religieuses ne sont des créations e.r nihilo. Sans doute, le texte biblique déclare à maintes reprises que Moïse les tient de Dieu : Dieu (Yali » elt) dit à .Uoise. Mais, dùlon prendre ces paroles en leur sens le plus strict, que la constatation précédente n’en serait pas atteinte. Dieu, en effet, ne révèle pas nécessairement des choses jusque-là inconnues ; il peut tout aussi bien suggérer au prophète un choix parmi les choses existantes. De fait, l’étude des lois sociales d’Israël montre qu’elles présentent beaucoup de points de contact avec diverses législations anciennes, surtout avec des usages et législations sémitiques. De même les pratiques cultuelles décrites dans les livres du milieu (Exode-Nombres) offrent plus d’une ressemblance avec les rites des autres Sémites et des Cananéens. D’autre part, on ne saurait douter que l’ordre nouveau fondé au Sinaï ait consacré nombre d’usages auparavant en vigueur dans la famille de Jacob, ou dans telle ou telle des tribus. On peut donc admettre qu’en ce domaine et pour cette partie de leur œuvre, Moïse et ses scribes se trouvaient en présence de nombreuses traditions orales et peut-être aussi de plusieurs documents écrits.

79. — g) Quel usage fit-on de ces traditions et documents ? Il semble que, dans la théorie des scribes, c’est à ces derniers qu’il faut attribuer la manipulation de ces textes sous le contrôle et l’action de Moïse. Ce contrôle et cette action étaient dominés par le but même que l’homme de Dieu poursuivait, ils étaient guidés par l’influence de l’Esprit inspirateur. C’est dans ces circonstances que, soit par lui même, soit par ses scribes, Moïse a tiré de ces traditions et documents des éléments divers pour les insérer dans son œuvre propre, tantôt les reproduisant mot pour mot, tantôt en exprimant le sens.