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MOÏSE ET JOSUÉ

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rôle d’auteur : a Il resterait vrai de dire que Moïse est l’auteur des cinq livres qui iiortenl sou nom, même s’il s’était borné à les faire rédiger sous sa direction et sa responsabilité, c’est-à-dire s’il s’était contenté d’en fournir les matériaux et les idées, en chargeant un ou plusieurs secrétaires d’y mettre la forme, l’arrangeuient et le stjle. L’œuvre ainsi composée, puis revue et adoptée par lui à la lumière de l’inspiration divine, aurait pu, en toute vérité, être appelée son œuvre. » (Ibid., p. 3-27 sv.) Comme on le voit, le P. Brucker rajeunit la théorie des « scribes de Moïse », chère à Richard Simon. Il s’explique aussi à propos des documents : « Moïse a-t-il utilisé des documents antérieurs ?^ priori, cela est possible et n’a rien d’incompatible avec l’inspiration, ni avec la vraie notion du rôle d’auteur qui appartient à Moïse ; tous les théologiens et exégètes catholiques le reconnaissent… Supposé que, [pour expliquer divers faits], on ait un réel besoin de cette hypotlièse de plusieurs documents antérieurs, insérés plus ou moins complètement par Moïse dans son œuvre, rien, du côté de l’enseignement catholique, n’empêcherait de la mettre à prolit. Remarquons seulement qu’elle ne peut être un vrai secours que dans la Genèse. Dans les livres suivants, où Moïse ne rapporte guère que ce qu’il a vu ou entendu, dit ou fait lui-même, on peut difficilement parler de documents préexistants qu’il aurait utilisés, — à moins qu’il ne s’agisse de documents préparés sous sa direction par ses secrétaires, comme on la vu dans la réponse à la première question. » (/bid., p. 330 sv.)

66. — i>) Plus explicite que la simple note du P. Brucker était, à propos du Mémoire du P. Lagrange, l’article du R P. Méchineau, La thèse de l’origine mosaïque du Pentaleuque, sa place dans l’apologétique, son degré de certitude (Etudes, t. LXXVU, 1898, p. 289- 3 11). Ce que l’on veut surtout mettre en relief, c’est que, sous le prétexte qu’ « ilsullità la démonstration comme à la défense de la foi par les Ecritures de sauvegarder la canonicité et l’inspiration des Livres Saints »…, il n’est pas permis de traiter les questions d’authenticité avec tant de désinvolture que l’on aille « droit à essayer de renverser l’une des bases sur lesquelles repose l’apologétique, tant juive que chrétienne »… C’est qu’on ne peut, sans une grave erreur, rejeter une thèse « affirmée par trois autorités irrécusables : la tradition juiiaïque consignée au.x Livres Saints ; l’enseignement formel de Jésus-Christ et des apôtres ; enfin la tradition chrétienne et l’enseignement de l’Eglise » (cf. Etudes, LXXVU, p. 291, 300, 304). Le même auteur devait

-.consacrer, l’année suivante, toute une étude à montrer que c’était un concessionisme dangereux que de sacrifier trop facilement la valeur humaine des Ecritures et par conséquent leur authenticité (L’Autorité humaine des Litres Saints et le « Concessionisme », dans Eludes, LXXX, 1899, p. 433-448, 765-780).

67. — c) Cependant le P. Phat publiait deux articles sur /, « Loi de Moïse ; l’un était consacré à Ses Origines (Etudes, LXXVI, 1898, p. 87-114), l’autre à Ses Progrès, Conséquences pour ta question du Pentaleuque (ibid., LXXVII, 1898, p. 29-.%). Dans ce deuxième travail, le seul qui se rapporte à la question présente, l’auteur commence par admettre que la Loi a pu recevoir des compléments du vivant de Moïse. Mais il admet aussi qu’elle en a reçu après la mort du législateur, que telles ou telles consultations prophétiques ou sacerdotales, que tel commentaire plus ou moins autorisé de la Loi ont pu passer dans le texte actuel du Pentaleuque. Et il ajoute : « Nous ne songeons pas à restreindre l’authenticité du I^entateuque. Nous sommes cependant persuadé que la thèse catholique gagnerait en clarté et en force

probante, si l’on distinguait toujours bien soigneusement entre l’auteur de la Loi et l’auteur du l’entateuque. .. Ainsi nous ne croyons pas que le Pentaleuque se donne lui-même pour l’œuvre de Moïse, Les passages cités à l’appui ont trait seulement au iJeutérononie et à quatre fragments particuliers, le Code de l’alliance, le Décalogue, les haltes des Hébreux dans le désert et la défaite des Anialécites, passages que Moïse écrit par ordre exprès de Dieu. Nous ne croyons pas non plus que cette appellation, assez fréquente dans les livres sacrés, la Laide il/oi.seoule Livre de la Loi de Moïse prouve que l’ouvrage entier, où cette loi est consignée ait Moïse pour auteur… Une fois il est question du Livre de Moïse ; mais, justement, il s’agit de savoir si le livre de Moïse veut dire nécessairement le livre écrit ou composé par Moïse… Pourquoi le livre de Moïse ne pourrait-il pas signifier : le livre où Moïse joue le principal rôle, ou bien, le livre qui renferme la législation mosaïque ? Il y a cependant un texte de saint Jean qu’on ne peut, sans lui faire violence, empêcher de témoigner en faveur de l’authenticité, au moins substantielle, du Pentaleuque. Et il reste toujours l’argument de tradition, le meilleur, dont la force probante est égale, et pour le croyant, et pour le véritable historien. » (Etudes, LXXVU, 1898, p. 48 sv.)

68. — d) On ne lira pas non plus sans intérêt ces lignes du P. Dur.a.nd (L’état présent des Etudes /iibliques en France, 2’art., dans Etudes, XC, 1902, p. 330-358) : « Une conclusion s’impose au nom de la logique, c’est que, sans s’écarter des habitudes de l’école la plus strictement conservatrice, on peut attribuer à un autre que Moïse tous les passages du l’entateuque qu’on prouvera ne pas pouvoir être de

lui Dans cet alliage, reconnu de tous, quelle part

faut-il faire au Législateur ? Sur ce point l’accord cesse ; mais les deux opinions ne dilTèrent entre elles que comme le plus du moins… Par le fait, il n’est pas nécessaire de résoudre le problème avec tant de précision. Au point de vue religieux, le principal est assurément que ce livre reste, en son entier, écrit sous l’inspiration d’un même Esprit ; à part peut-être quelques gloses qui seraient là, comme dans le reste l’Ecriture, d’origine purement humaine… L’affirmation traditionnelle qui attribue en bloc le Pentaleuque à Moïse est quand même à conserver, parce qu’elle reste vraie ; non plus au sens rigoureux qu’on a pu lui donner et que beaucoup lui gardent encore ; ni en ce sens purement conventionnel qui nous fait parler couramment du Code Aiipoléon, à propos d’un livre où l’empereur n’a peut-être personnellement rien écrit ; mais néanmoins en un sens suffisamment objectif. Le Pentaleuque contient nombre de documents vraiment rédigés par Moïse, et il est en son entier l’expression autorisée de sa Loi » (p. 351 sv.).

69. — e) Enfin nous ne saurions passer sous silence le seul commentaire un peu complet du Pentaleuque qui ait paru chez les catholiques depuis que se discutent les problèmes qui nous occupent ; c’est celui du P. DE HuMMELAUEn, dans le Cursus des Jésuites allemands. C’est surtout dans l’Introduction au Deutéronome (jgoi) que l’auteur s’exprime sur la question du jour. Voici ses propositions principales. Partant du cinquième livredu Pentaleuque, il soutient d’abord que Moïse écrivit une thorah (cf. Deut, , xx.xi, 9) qu’il identifie avec Deut., v-xi -|- xxviii, 1-69 [Vulg. XXIX, 1]. Dans cette thorah, Samuel inséra son

« jugement de la royauté » (cf. I Sam., x, 25) renfermé

dans Deut., xii, i-xxvi, 15’. Déjà Josué y avait inséré

1. Il n’est pas sans intérêt de noter que, de ce chef, soiie chapitres du Deutéronome sont enlevés à Moïse.