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MODERNISME

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liommes charnels, on voie expulser de l’assemblée chrétienne même des hommes vertueux. Lorsqu’ils supportent avec une grande patience, pour la paix de l’Eglise, cet afl’ront ou cette injustice, lorsqu’ils ne défendent aucune nouveauté schismatique ni hérétique, ils montrent aux hommes avec quel amour et quelle charité sincère il faut servir Dieu. Ce qu’ils se proposent, c’est de reprendre la mer, si les Ilots sout apaisés, ou, s’ils ne le peuvent (soit que la tempête dure encore, soit qu’ils craignent de lu redoubler par leur retour), ils gardent du moins la volonté de secourir ceux dont les troubles et les soulèvements les ont chassés ; ils ne forment point de groupes séparés, ils défendent jusqu’à la mort, ils soutiennent par leur témoignage la foi qu’ils savent être prêchce par l’Eglise catholique. Le l’ère céleste qui volt dans le secret, les couronne dans le secret. Ce genre d’hommes seuible rare ; cependant les exemples ne manquent pas, il y en a même plus qu’on ne pourrait le croire. »

Sæpe etiam sinit divina providcntia, pcr nonnullas niœiiim turbulentas carnalium liominum seditiones, expelli de congregatione ciiristiana, etiam bonos viros. Quam conlumeliam veliniuriam suam cum patientissime pro Ëcclesiæ pace tulerint, neque allas novitates vel scliismatis vel hæresis molili fuerint, docebiuit homines quam vero oiTectu et quanta sinceritate caritatis Dco serviendum sit. Talium ergo virorum proposilum est, aiit sedatis remeare turbinibus ; aut si id non sinantur, vel eadem tompestate persévérante, vel ne suo reditu lalis aut sævior oriatur, tenent voluntateni consulendi etiam iis ipsis quorum motibus perlurbationibusque cesserunt, siue nlla conventicu’oruin segregatioue usque ad morlem defeauentes, et lestimonio iuvantes eam fidem quam in Ecclesia catliolica prædicari sciunt. Hos coronat in occullo Pator, in occulto videns. Rarum hoc videlur geuus, sed tamcn exempla non desunt : iino phira sunt quam credi potest. (De vera relig., vi, 11. I’. L., XXXIV, 128).

Après avoir transcrit ce passage, Tyrrell a soin de faire remarquer que saint Augustin ne l’a jamais rétracté ; il eût pu ajouter que cette page n’est point isolée dans ses œuvres.

Dans le De bapilsmo contra Donaitslas l^ xvii, 26, P. L., XLIII, 123), saint Augustin, après avoir parlé des hommes cliarnels qui sont en dehors de l’Eglise, ou qui n’en font partie que par un lien extérieur, non par la participation de la vie, poursuit ain.si : « De nullo iamen desperandum est, sive qui intus talis apparet, sive qui foris manifeslius adversatur. Spirituales autem sive ad hoc ipsum pio studio proficientes, non eunt foras : qoia et cum aliqua Tel perversilate vel neces^itale hominum videntur expelli, ibi magis probantur, quam si intus permaneant, cum adversus Ecclesiam nullatenus eriguntur, sed in solida unllatis petra fortissimo cai’itatis robore radicantur. »

Mais comment Tyrrell peut-il reconnaitre dans l’attitude décrite ici celle des « catholiques protestataires » ?

Les hommes dont parle saint Augustin, ne sont point et ne veulent pas être des fauteurs de nouveautés ; même chassés de l’assemblée des chrétiens, tls continuent à rendre témoignage à la foi que prêche l’Eglise catholique. Les imite-t-on quand, de son propre aveu, on n’a d’autre ambition que de promouvoir une nouvelle cro3ance, ou, plus exactement encore, une contre-croyance (counler-helief) opposée à la croyance générale de l’Eglise ? (Tlii-ou^h Scylta and CJiar) hdis, p. SGg) Rend-on témoignage à la foi qu’on sait prêchée par l’Eglise catholique, quand on la représente comme une plante parasite étouffant l’arbre évangélique ?

Au reste, il sufQt de connaître un peu l’histoire ecclésiastique pour comprendre la portée de la doctrine de saint Augustin : le De vera religione date

eniron de 3go, le De baptismo, de 400. A ces dates, et depuis plus de cinquante ans, que d’alius de pouvoir n’avait-on pas eu à déplorer de la part d’évêques souvent indignes, parfois hérétiques ! que d’excommunications lancées contre leurs lidcles ou leurs collègues par des évêques ariens ou semi-ariens ! A la lin du siècle, ce fut l’origénisme et l’anli-origcnisme qui devint l’occasion de ces violences : enSgiJ, saint Térôme est persécuté par son évéque, Jean de .lérusalem ; en /|Oo, le prêtre Isidore et les moine.s les plus vénérés de l’Egypte sont excommuniés et expulsés par le patriarche Théophile d’Alexandrie, en attendant que saint Chrjsostome succombe, lui aussi, à ces intrigues.

En Afrique, de tels abns semblent avoir été assez fréquents en dehors même de tout prétexte dogmatique. Nous avons une lettre de saint Augustin (Ep. ccl) adressée à un jeune évéque, Auxilius, qui, pour punir un certain Classicianus d’une démarche qu’il jugeait offensante pour lui, l’avait frappé d’anathème avec toute sa famille. Saint Augustin remarque, à cette occasion, que ces condamnations collectives ne sont pas sans exemple, mais que, malgré tous les précédents, il n’a jamais osé en porter lui-même.

.A.udisti foi’tasse aliquos raagni nominîs sacerdotes cum domo sua quempiom anathemasse peccanlium : sed forte si essent interrrogati, reperirentur idonei reddere inde rationem. Ego autem, quoniam si quis ex me quærat utrum recte fiât, quid ei respondeam non invenio, nuraquam hoc facere ausus sum. [P. L., XXXIII, 1066).

Que l’on veuille bien, à la lumière de ces indications que les faits eux-mêmes nous fournissent, relire le texte cité plus haut, et l’on en comprendra sans peine tous les détails : quel conseil le saint docteur eiit-il pu donner aux victimes de ces abus de pouvoir, à Classicianus, par exemple, et à sa famille, sinon de supporter patiemment l’épreuve, de donner l’exemple de la charité, de se réconcilier dès qu’ils le pourraient, de ne point former des groupes séparés, de défendre la foi de l’Eglise, et, pour le reste, de compter sur Dieu qui voit dans le secret ?

Ce cas évidemment n’a rien de commun avec celui de ces « catholiques protestataires », qui ont été frappés par le pape, pour s’être révoltés contre un jugement dogmatique porté par ia plus haute autorité doctrinale, et auquell’Eglise tout entière a souscrit. Si, sur ce second cas, on veut avoir le jugement de saint Augustin, qu’on relise ce qu’il écrivait à, Julien d’Eclane, qui refusait de se soumettre au pape Innocent (Contra Julian., I, xiii, P. L., XLIV, 6^8).

Et si l’on veut savoir ce que saint Augustin pensait de la nécessité pour le catholique de rester uni à l’Eglise, qu’on veuille bien relire ces quelques textes, choisis entre beaucoup d’autres (Cf. Th. Specht, Die l.ehre t’on der Kirche nach dem h !. Augustin [Paderborn, 1892], pp. 29^ sqq. ; Portalié, art. Augustin, Dict. de ikéol., I, 2^09) dans la lettre synodale écrite par lui au nom des évêques d’Afrique : s Quiconque, dit-il, est séparé de l’Eglise ealholiqxie, quelque louable que lui paraisse d’ailleurs sa vie, est mort, pour ce seul crime d’être séparé de l’unité du Christ, et la colère de Dieu est sur lui. » (P. L., XXXIII, 5^9). Et, — pour ne point terminer cette discussion par des paroles si sévères, — dans ses homélies sur saint Jean : « Nous recevons le Saint-Esprit, si nous aimons l’Eglise, si nous sommes unis par la charité, si nous nous réjouissons du nom et de la foi catholiques. Croyons, mes Frères ; dans la mesure où on aime l’Eglise du Christ, dans cette mesure on a le Saint-Esprit. Accipimus ergo et nos Spiritum Sanctum, si amamus Ecclesiam,