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MODERNISME

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leurs confessions historiques — anciennes ou récentes — en en autorisant rinterprétation dans l’esprit (Je foi et de liberté des réformateurs, et ils auront établi la paix dans l’Eglise, et libéré les consciences d’un poids qui pèse d’autant plus lourdement sur les esprits qu’ils sont plus consciencieux. » (Le fidéisme et la notion de la foi. Bévue de théologie et des questions religieuses, juillet igoS, p.)/, ) M. Ménégoz rappelle ensuite avec quelle angoisse les jeunes pasteurs, les meilleurs surtout, souscrivent les confessions de foi en s’engageant au service de l’Eglise, et il pense que seul le symbolo-fidéisme peut libérer leurs consciences.

Il faut convenir que cette situation est exlrémement douloureuse, mais qui ne voit que le remède est pire que le mal ? N’est-ce pas, aux yeux des moins croyants, un scandale, de voir les Eglises répéter des professions de foi en en éludant la portée, demander à leurs ministres d’y souscrire par un engagement solennel et public en les laissant libres de les interpréter à leur guise ? Qu’on me permette de reproduire ici un jugement que j’ai déjà eu l’occasion de citer ailleurs ; il est de M Jacks, l'éditeur du Hiliiert Journal ; <i L’intelligence des Eglises, dit-il, semble éprise de passion pour les paroles vagues. Dans la sjibère de la croyance religieuse on peut s’engager dans tons les sens sans se sentir entraîné ici ni là. La liberté d’interprétation privée est revendiquée pour les engagements solennels et publics. Le langage, en passant des autres domaines dans celui de la croyance religieuse, semble avoir changé de valeur ; ailleurs les mots sont censés signilier quelque chose ; ici ils peuvent signilier à peu près tout ce qu’on veut. Non seulement il est devenu impossible de dire le sens qu’a un dogme particulier ; mais il est devenu très dilïicilc de dire le sens qu’il n’a pas ; car à peine pourrait-on imaginer une interprétation que l’ingéniosité ne puisse lui donner. Qu’arriverait-il, nous avons le droit de le demander, si en justice un témoin se permettait ce libre usage des mots que l’on tolère dans quelqu’une des sphères religieuses les plus élevées ? » (Chiirck and World, Ilibhert Journal, octobre 1906, p. 13)

Qu’on y prenne garde, ces condamnations sévères et méritées tomberaient sur l’Eglise romaine, si elle tolérait chez ses membres et surtout chez ses prêtres cette interprétation fuyante des dogmes. On a crié à l’intolérance, parce que le décret du SaintOffice et l’encyclique elle-même a proscrit d'écarter de l’enseignement et des ordres les adhérents des doctrines modernistes, et, en protestant ainsi, on croit plaider pour la sincérité. Les auteurs du Programme ont été jusqu'à comparer Pie X à Julien l’Apostat écartant de l’enseignement les maîtres chrétiens (p. 128). Qu’on veuille bien j' réfléchir, et qu’on se demande si la sincérité s’accommode de ces interprétations équivoques. Ce n’est un mj-stère pour personne que parmi les modernistes il en est qui rejettent la conception virginale du Christ, et sa résurrection et, quelques-uns, même sa divinité, entendue au sens propre et strict du mot ; et l’on voudrait qu’ils vinssent, comme ministres de l’Eglise, réciter ofliciellement son symbole : Deum de Deo, lumen de lamine, Deum verum de Deo vero… Et incarnalus est de Spiritu sancto ex Maria Virgine… Et resurrexit tertia die, secundum Scripiuras… Et ils seraient chargés de l’apprendre aux iidèles, et de le leur interpréter 1

Qu’on se rappelle aussi que les fidèles ont des droits, et avant tout celui de n'être point instruits dans In foi par des incroyants. Un pasteur, M. Kœnig, disait, dans un rapport présenté aux conférences évangéliqucs libérales de novembre 1902 : o Nous,

pasteurs, quand nous réunissons les enfants, l’espoir des générations futures, la pépinière de nos églises, la plupart du temps nous sommes gênés dans notre enseignement : nous sentons que nous marchons sur un terrain crevassé, arcliicrevassé, et, en répétant les vieilles histoires dont notre enfance a été bercée, nous avons le sentiment très net que nous manquons lie sincérité et que nous ne prononçons pas toujours des paroles de vérité. » De la sincérité dans l’enseignement de l’histoire sainte de l’Ancien Testament aux enfants, p. 4- Paris, 1908. Il ne saurait en être autrement dans les Eglises qui tolèrent chez les pasleurs et chez les aspirants aux ordres la libération de toutes les croyances. Mais, encore une fois, est-ce là ce que rêvent pour nous les opposants à l’Encyclique ?

Dans son article du 1= octobre 190 ;  ; , 'Tj’rren écrivait : « Ce que le moderniste regrettera le plus, c’est que l’Eglise ait perdu l’une des plus belles occasions de se montrer le salut des peuples. Rarement, dans son histoire, tous les yeux ont été fixés sur elle dans une attente plus anxieuse ; on espérait qu’elle aurait du pain pour ces millions qui meurent de faim, pour ceux qui souffrent de ce vague besoin de Dieu que l’encyclique méprise si fort. Le protestantisme, dans la personne des penseurs qui le représentent le mieux, n'était plus satisfait par sa négation brutale du catholicisme, et commençait à se demander si Rome elle aussi ne se départait pas de son médiévalisme rigide. Le mouvement moderniste avait transformé tous les rêves vagues de réunion en espérances enthousiastes. Hélas I Pie X vient vers nous avec une pierre dans une main et un scorpion dans l’autre. »

Un catholique, même s’il ne veut point relever l’injure finale, n’a pas de peine à reconnaître dans cette page l'étroitesse des vues humaines jugeant et condamnant les pensées divines. Oui, certes, des millions d'âmes meurent de faim et fixent leur regard vers Rome, mais qui pourra les rassasier sinon la parole de Dieu ? De tout côté les Eglises abdiquent leurs prétentions dogmatiques, et laissent tomber comme des barrières pourries les professions de foi qui les séparent ; et certains acclament déjà la restauration de la grande unité chrétienne, et demandent à Rome de renoncer, elle aussi, à son intransigeance et de se mêler à la foule. Et Rome ne descend point vers eux, mais reste debout, sur sa colline sainte, comme un signal levé parmi les nations. Elle sait qu’elle ne peut point déserter son poste, parce qu’elle est le témoin de Dieu, et la lumière du monde.

Appendice. — Le sentiment de saint Augustin sur l’excommunication. — Ce n’est pas sans surprise qu’on a vu dans la Grande Reyue (10 oct. 1907, p. 671), Tyrrell évoifuer l’autorité de saint Augustin pour confirmer sa thèse de ! ' « excommunication salutaire ». Sans doute, les lecteurs de la Grande Bévue connaissent peu le saint docteur ; mais quiconque est tant soit peu familier avec ses ouvrages sait que nul autant que lui n’a prêché l’unité de l’Eglise et l’union à la hiérarchie. L’argument a cependant semblé si convaincant aux modernistes italiens qu’ils en ont fait la conclusion même de leur libelle. Il ne sera donc pas inutile de le discuter.

Voici le texte qu’on nous oppose. (Je corrige, en le citant, quelques contresens commis par Tyrrell ou sou traducteur.)

« Souvent la divine Providence permet que, à la

suite de séditions ou de troubles soulevés par des