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LOURDES (LE FAIT DE)

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Mais on doit se demander aussi pourquoi cette Leureuse loi, aussi liienfaisante que mystérieuse, qui ferme les plaies des Ijlessés et ouvre les yeux des aveugles, accomplit ces prodiges à Lourdes plutôt qu’ailleurs, et, dans Lourdes même, sur les croyants qui viennent l’implorer, plutôt que sui" les sceptiques qui la bravent.

Ne parlons pas de la puissance de la suggestion ! Nous avons vu que la suggestion ne peut rien dans les maladies organiques. Cette loi devrait donc être nécessairement autre cliose. Et alors je demande : comment s’expliquer qu’elle produisît son admirable ellet sur les pèlerins de Lourdes, et seulement sur eux ?

Naturellement, pour qu’elle exerçât son action salutaire, il faudrait la mettre en mouvement. La mettre en mouvement ! Mais comment, de quelle manière ?… c’est un secret, et il est resté jusqu’ici impénétrable. Quelqu’un pourra-t-il comprendre que certains pèlerins privilégiés, ceux de Lourdes, le connaissent cependant assez bien pour se servir de la loi mystérieuse et guérir ? Quoi I Ils arrivent de tous les lieux du monde, ils ne se sont jamais vus, il y a parmi eux des gens de tout âge et de toute condition, même des enfants qui n’usent pas encore ou usent à peine de la parole, et il faudra que nous croyions qu’ils savent tous la façon de s’y prendre, pour appliquer ce que Descartes appelait la chiquenaude et faire marcher la machine 1

En outre, ils devront la savoir seuls ; tous les autres l’ignoreront.

Mais eux-mêmes, les sceptiques, ces panégyristes de la prétendue loi inconnue qui ranime les moribonds, comment ne découvrent-ils pas, pour leur compte, le moyen de mettre en branle le précieux ressort ? Pourquoi laissent-ils la loi travailler uniquement pour quelques dévots de la Grotte ?

Les questions semultiplient, auxquelles on ne peut faire aucune réponse. C’est qu’on se débat dans l’impossible. Non seulement cette prétendue loi n’existe pas, comme on vient de le voir ; mais il faut dire plus : elle ne peut pas exister. Expliquons-nous.

Tous les tissus de l’organisme, comme les tissus de tous les corps vivants, sont composés de petites masses de substance plastique, appelées plastides. Ces plastides sont contenus dans des cellules, sortes de membranes extrêmement minces qu’ils sécrètent eux-mêmes. Ce sont ces plastides qui, par leur multiplication, leur engendrenient, produisent la nutrition, cl, par suite, l’accroissement, et la restauration de la matière organique. Or tout plastide vient d’un plastide antérieur ; celui-ci vient d’un autre, et ainsi de suite en remontant toujours. Ce sont là des principes universellement admis.

Supposez maintenant un tissu affecté d’une lésion, comme il arrive dans toute maladie organique. La restauration, autrement dit la guérison, ne pourra se faire que par la multiplication et l’engendrement des plastides. Or les générations des plastides, se produisant les uns les autres, sont nécessairement successives ; ce qui revient à dire qu’elles ont essentiellement besoin du concours du temps. La nature ne peut produire à la fois le (ils, le père et une longue suite d’aïeux. Il lui est donc impossible de restaurer instantanément un tissu blessé, c’est-à-dire d’opérer une guérison soudaine dans une maladie organique ; de même, et pour la même raison, qu’elle ne peut donner à un nouveau-né, en deux jours, le corps d’un homme de trente ans. Cela lui est impossible à cause de l’organisation même de la vie, et dès lors elle ne le pourra pas davantage dans l’avenir que dans le passé. Pour qu’il put exister une loi produisant instantanément la croissance chez un enfant ou la

restauration d’une lésion chez un malade, il faudrait que fût renversée la base essentielle de la vie, telle qu’elle est dans la création actuelle. Mais le monde étant ce qu’il est, et tant qu’il ne sera pas transformé, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de force ni de loi naturelle, capable de se passer de la collaboration du temps pour restaurer les tissus de l’organisme blessés, et à plus forte raison disparus. Ceci n’est pas une conclusion probable ; c’est une conclusion scientiliquement sûre, d’une certitude absolue.

Or les plus célèbres guérisons de Lourdes sont des guérisons subites, survenues dans des maladies organiques.

Veut-on quelques exemples ?

En 1895, le Belge Pierre de Rudder voit sa jambe gauche, brisée depuis huit ans, se souder instantanément, on l’a dit plus haut, malgré le vide fait par l’élimination d’un fragment d’os de trois centimètres : les deux jambes sont égales et il ne boite pas.

Une de ses compatriotes, Mme Drossing, soutire, depuis six ans, d’un cancer du sein gauche et de glandes dégénérées dans l’aisselle. Elle prend deux bains dans la piscine miraculeuse. C’est fini : il ne reste plus rien du mal. « J’aurais vu repousser une jambe, dit le D Teuwen, son médecin, que je ne serais pas plus étonné. » (1885.)

Mlle Marie Moreau a une tumeur ulcérée de même nature. Elle est à Céziers ; elle fait une neuvaine, met, la dernière nuit, une compresse d’eau de Lourdes sur la partie atteinte, et s’endort. Quand elle se réveille, deux heures et demie après, elle porte instinctivement la main sur sa poitrine. Il n’y a plus de tumeur : il n’existe plus qu’une cicatrice régulière et bien fermée, trace et preuve du mal subitement disparu. Ce qui fut constaté avec admiration par le D Martel, qui visita aussitôt sa cliente (1876).

En 1891, la Sophie Couteau de Zola, Clémentine Trouvé, entre dans la piscine avec une plaie listuleuse au pied, qu’aucun traitement n’avait pu guérir. Elle en sort, marchant avec facilité. Plus de plaie.

« J’ai vii, écrit Mme Lallier, qui la baigna, j’ai vii, 

à son talon droit, une large cicatrice qui se fermait, pour ainsi dire, sous mes yeux : les claairs se rejoignaient et avaient l’air de se recoudre elles-mêmes. »

La même année, Lucie Renauld est l’objet d’une faveur plus étonnante encore. Sa jambe gauche, qu’elle était obligée d’appuyer sur un talon surélevé de trois centimètres, croit dans la piscine, de telle manière que les deux membres sont égaux.

L’année suivante, sa sœur Charlotte, atteinte de la même infirmité, suite d’une paralysie infantile, demande à Lourdes le même miracle. A l’hôpital Saint-Joseph de Paris, le D’Monnier mesure la jambe avant le départ, avec une exactitude scrupuleuse : la jambe droite était plus courte de trois centimètres aussi, comme la jambe gauche de Lucie. Dans la piscine, les jambes deviennent de la même longueur, et, quelque temps après le retour à Paris, le chirurgien de Saint-Joseph constate que, si les deux membres se sont allongés, celui de droite a grandi plus que l’autre, de 28 à ag millimètres. « Toute trace de raccourcissement, ajoute le chirurgien, a ainsi disparu. »

Dans la tuberculose vertébrale, on voit la gibbosité s’effacer subitement, en 18Û9 chez Léonie Chartron, ainsi que le déclare le D’Gagniard, son médecin ; en 1897 chez Jeanne Tulasne, comme le prouve le long rapport de la commission canonique de Tours.

En 1901, victime d’une terrible collision de trains, le commis ambulant des postes. Gabriel Gargam était déclaré « une véritable épave humaine » par le