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MODERNISME

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après qu’on les a exposées dans ee qu’elles ont de plus séduisant, sans que jamais cette condamnation ressemble à une réfutation… « (Prugrèa de Saùne-et-Loire, 27 septembre 1907)

Je ne sais quelle peut êti-e l’impression des « enfants du siècle >, mais celle des enfants de l’Eglise n’est point douteuse : de toute l’énei’gie de leur foi ils repoussent ces doctrines déictères.

Pour fortilicr cette impression et l’éclairer davantage, je voudrais opposer, en quelques traits, ces deux conceptions contradictoires du christianisme : la conception catholique et la conception moderniste ; et, ne pouvant reprendre l’une après l’autre toutes les questions que les deux doctrines résolvent, chacune dans leur sens, je voudrais m’atlacher ici exclusivement au problème fondamental : la foi, considérée dans son origine, la révélation ; dans son expression, le dogme ; dans sa règle, l’autorité de la conscience et l’autorité de l’Eglise.

Ch. II. — La théologie du modernisme. — Si l’on demande à un catholique : « Que croyeji-vous, et pourquoi ? » il répondra d’après la formule même de son acte de foi : o Je crois ce que Dieu a révélé, et parce qu’il l’a révélé. » Jusqu’ici la réponse est commune à tous ; mais que l’on insiste davantage : » Qu’entendez-vous en disant que Dieu a révélé ? » ici le moderniste ne fera plus la même réponse que le catholique.

Quand nous disons que Dieu a révélé, nous entendons que Dieu a parlé aux hoiiimes pour leur- manifester quelque vérité, et que les hommes ont reconnu sa voix’.

Les livres prophétiques nous font comprendre, par des exemples manifestes, ce qu’est la révélation divine. Quand les prophètes comnmniquaienl aux juifs les volontés de Dieu ou ses desseins, ils avaient conscience de n’être que ses hérauts : " Voici ce que dit Jahvé », disaient-ils. Parfois découragés et effrayés par la persécution, ils essayaient d’éloulTer en eux la voix divine : « Voici longtemps que je parle, dit Jérémie, que je maudis l’iniquité, que je prédis la dévastation ; et la parole de Jahvé n’a été pour moi que sujet d’opprobre et de dérision ; je me suis dit : je n’y penserai plus, je ne parlerai plus désormais au nom de Jahvé. Mais sa parole est devenue en mon cœur comme vin feu dévorant, enfermé

1. Nous n’entendons point par là réduire la révt^lntionà un phénomène perce[>til)le par les sens ; c’est à l’Ame et dans l’àme que Dieu parle ; cette pai-ole intime est quelquefois accompagnée de signes extérieurs, mais l’essence même de la rèvélalion consiate dans l’illumination psyclio10gî(pie, et non pas dans la vision ou l’audition corpoi-elles. Cette doctrine est traditionælle dans l’Eglise : voir saint Thomas (11^ 11^^, q. clxiii, urt. 2) citant saint Augustin. Nos advei’saii-es souvent s’y méprennent et se ballent contre des fantômes ; ainsi M. J.-M. Wilson (Re^’etation and modern A’/iotv/erf^e.dans CambridgeTheolo-^ical Essai/s^ p. -28, n. Londres, 1905), oppose ainsi la conception traditionnelle qu’il appelle objective, à la sienne qu’il appelle subjective : « Par révélation objective, j’entends tonte communication de vérité nui parvient à l’esprit dans et par le monde des phénomènes. Par révélation subjective, j’entends une communication de véi’ité dans et par le monde des personnes. » M. Sanday a très justement protesté contre cette méprise [Journal of theolo^ical studies. janvier 1906, t. Vil, p. 171) : « Qui conçoit réellemeïit ou a jamais réellement conçu l’inspiration prophétique — le type de toute inspiration — comme phénoménale. ? Ce qu’on appelle le mode subjectif de révélation n’est pas une découverte moderne, mais remonte à peu près aussi loin que les idées correspondantes d’inspiration et de révélation ; « Nulle prophétie ne vint jamais par la vo-Ion té humaine, mais des hommes mus par l’Esprit-Saint

« parlèrent au nom de Dieu, » (// Pet., i, 21). Que pourrait-on

trouver de plus complètement subjectif ? »

dans mes os, et j’ai défailli, ne pouvant le supporter. » Mais après ce cri de douleur, ie prophète se relève, conscient de la force divine : « Jahvé est avec moi comme un guerrier ; et ceux qui me persécutent seront renversés, a De pareils accents se retrouvent chez les autres prophètes ; on sent qu’une force impérieuse les pousse, à l’encontre de leurs intérêts, de leurs instincts nationaux les plus profonds, du sentiment populaire exalté autour d’eux et qUi les maudit, et cette force n’est point une impulsion aveugle et indéterminée, c’est une idée transcendante à toutes leurs vues personnelles, portant sans doute, chez chacun d’eux, l’empreinte de leur caractère et de leur milieu, mais se développant cependant avec une continuité et une unité qui la font reconnaître pour divine.

Pour les modernistes, la révélation s’entend tout autrement ; chacun de nous la perçoit immédiatement dans son âme. Ce n’est point d’ailleurs la manifestation divine d’une vérité ; c’est une émotion, une poussée du sentiment religieux qui, à certains moments, alUeure, pour ainsi dire, des profondeurs de la subconscience, et oii le croyant reconnaît une touche divine.

Cette émotion provoque, par une réaction spontanée, une ru[)résentation Imaginative ou intellectuelle qui, à son tour, la soutient et la nourrit. Cette image ou ce concept ne sera point immédiatement révélé de Dieu et n’aura point par conséquent une valeur souveraine et infaillible ; il aura été, sans doute, provoqué par ce frémissement, cet éveil de Dieu dans l’àme, mais il doit sa forme déterminée aux habitudes mentales du sujet ; c’est ainsi que chez un homme endormi le rêve peut être provoqué par une cause extérieure quelconque, mais il dépend entièrement, pour sa forme et son caractère, des images qui hantent le cerveau.

Voici en quels termes Tvrrrll expose la nature de l’émotion religieuse ressentie par les prophètes, et explique comment ils sont amenés à prendre pour une révélation divine ce qui n’est qu’une réaction spontanée de leur esprit : « On ne peut guère douter qu’un sentiment, une passion, une émotion intense ne s’incarne parfois dans des images ou des concepts qui répondent à sa nature ; cette émotion, tout en surgissant elle-même, sait, des trésors de la mémoire, attirera elle, par une sorte de magnétisme, la forme intellectuelle qui la revêtira le luieux. Par rapport à ces conceptions et à ces visions, !e sujet est à peu près aussi passif, aussi déterminé qu’au regard de l’émotion psychique qui y est contenue. Ainsi ces représentations du monde surnaturel semblent être tout spécialement inspirées, possédei’une autorité plus haute et venir moins indirectement de Dieu que celles qu’on a délibérément recherchées pour expliquer la vie religieuse. En fait, leur seule supériorité, c’est qu’elles peuvent indiquer une impulsion plus forte, plus pure, plus profonde de l’espritdivin, mais non qu’elles aient aucun titre à représenter plus directement ces invisibles réalités qui ne nous sont connues que par les tâtonnements aveugles de l’amoiu-. Toute révélation véritable est, en quelque mesure, une expression de l’intelligence divine dans l’homme, de l’esprit de Dieu ; mais elle n’est point une expression divine de cet esprit ; car l’expression n’est que la réaction spontanée ou réfléchie, provoquée dans l’intelligence humaine par la touche divine sentie dans le cœur, tout ainsi que les rêves d’un homme endormi sont créés ou formés par quelque cause extérieure ; et cette réaction est entièrement caractérisée par les idées, formes et images qui, dans chaque cas donné, hantent l’intelligence. » {Riglits and limits of theology [QiiarUrly ii’eiieiv.