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MODERNISME

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siilconsc’iencc — toute connaissance, jusqu’à la révélation surnaturelle elle-même. D’après lui, elle ne serait qu’un simple éi)anouissenient on une évolution naturelle de notre besoin du divin ou de notre commerce intime avec lui. « De là, nous dit’l’Encycliiiue, l’équivalence entre la conscience et île la révélation. »

« L’idée commune de la révélation, ose écrire

M. Loisy, est un pur enfantillage. » — « Dieu se révèle dans et par Tliumanité ». « L’individu conscient peut être représenté presque indilïéreniment comme la conscience de Dieu dans le monde, par une sorte d’incarnation de Dieu dans l’humanité, et comme la conscieiice du monde sul)sistant en Dieu par une sorte de concentration de l’univers dans l’bomuie. » — o L’Evang^ile est la plus baute manifestation de la conscience humaine cherchant le bonheur et la justice. » (Quelques letlres, p. 162, 715, 150, 71.) — « Le mouvement religieuxprésent… tend à fonder la foi sur l’expérience intime et sur le développeuient de la conscience personnelle. » (Ihid., p. ^2.)

Inutile <le multiplier ces textes dont on trouverait les équivalents dans le Programme des moderiiistes, p. 118, 128, etc. Nous en laissons la réfutation au théologien et à l’exégéle, pour ne pas empiéter sur leur terrain. Il nous suhit d’en avoir montré la filiation logique avec le système philosophique de l’immanence.

Dans ce système, l’intuition de la conscience individuelle est le seul et unique critère, ou, comme dit l’Encyclique, « la règle universelle… à laquelle tout doit s’assujettir, jusqu’à l’autorité suprême, dans sa triple manifestation doctrinale, cultuelle et disciplinaire. » (Encyclique Pusccndi, p. ri).

La révélation n’étant plus qu’un fait de conscience individuelle, il n’y a pas lieu de parler des signes de crédibilités, tel que le miracle.

« Tant pis, si l’idée de miracle est inintelligible et

fausse », écrit M. Loisv, — et il a sans doute raison dans son système qui a nié la personnalité divine et son action providentielle. Et dans cette même lettre à M. Le R03’, il approuve sa nouvelle théorie du miracle parce qu’elle « élimine le miracle, dit-il, en faisant mine de le conserver u. (Quelques letlres, p. ôy, 6r.) — 1( Je ne suis pas très éloigné, ajoute-t-il, de croire que le miracle et la prophétie sont d’anciennes formes de la pensée religieuse appelées à disparaître. » (Ibid., p. 61.)

On sait que pour M. Le Roy, le miracle n’est qvi’un effet naturel, mais surprenant, de l’esprit sur la matière, et cette puissance exceptionnelle de l’esprit qui sommeillait dans la subconscience y est réveillée ou mise en œuvre tout à coup par la foi du croyant.

Vraiment, cette immanence moderniste et sa subconscience font des merveilles I Elles sont le Deus ex macliiiKi, appelé à devenir l’explication universelle. Un pas de plus et nous allons en voir sortir la genèse de tous les dogmes chrétiens.

5° Voici l’explication moderniste des dogmes révélés. (Encyclique Pascendi, p. 15 et suiv.) « La révélation éclose aux contins de la subconscience, au moment où elle apparaît dans la conscience, n’a encore aucune portée intellectuelle : elle est un simple mouvement ou sentiment religieux. Elle ne révèle donc rien, sinon un liesoin profond du divin. »

— Us en concluront plus tard que Noire-Seigneur ne nous a révélé aucun dogme et qu’il n’a apporté au monde qu’une impulsion religieuse. L’évolution du dogme aurait donc commencé par zéro. Autant dire qu’ils sont tout entiers, un produit humain. (Cf. Prop. 5g du décret Lamentahili.) Alors survient

1 intelligence, cette maîtresse d’illusions, qui va tenter de traduire ce qui est ineffable, en lui donnant un corps et une expression intelligible, pour l’utilité personnelle et sociale do tous les croyants.

C’est cette concej)tion intellectuelle et citte formule verbale, facile à retenir et à transmettre à d’autres hommes, qui sera le dogme.

(^ette formule symbolique est elle-même un besoin, car l’homme doit penser sa foi, mais toute sa valeur consistera à nous cire utile pour soutenir et développer le sentiment religieux, né de la révélation intérieure, et pour satisfaire un besoin de nos consciences. Et c’est ce besoin humain qui, d’après les modernistes, suffit à tout justifier et à rendre cette mythologie et ces symboles arliliciels non seulement nécessaires, mais légitimes et adorables ! Grâce à la nouvelle notion philosophique de vérité, le même dogme ou le même fait i)ourra être à la fois faux pour l’historien ou le savant, et vrai pour le croyant, s’il est adapté à ses besoins religieux.

En conséquence, dès que cette utilité pratique sera devenue nulle pour certains esprits, à certaines épo([ues de la civilisation, le dogme sera devenu par là même caduc, aussi, pour vivre, doit-il évoluer sans cesse avec les idées ambiantes.

Au surplus, dans cette évolution ils ne sauraient échapper à de multiples contradictions, — puisque, d’après la philosophie « nouvelle », la contradiction est le fond même du réel et la loi des choses. Aussi le dogme catholique fourmillera-t-il de contradictions flagrantes. En cela, rien que de tout naturel aux yeux des modernistes, qui osent faire de ces symboles incohérents le plus bel effort de l’esprit humain pour atteindre l’inconnaissable et le plus bel hommage à l’Infini.

Ecoutons ce magistral résumé de l’Encyclique ;

« Les dogmes I ils foisonnent de contradictions

llagrantes(disentles modernistes) : mais sans compter que la logique vitale les accepte, la vérité symbolique n’y répugne pas : est-ce qu’il ne s’agit pas de l’infini ! et est-ce que l’infini n’a pas d’infinis aspects ? Enfin, ils tiennent tant cl si bien à soutenir et à défendre les contradictions, qu’ils ne reculent pas devant cette déclaration, que le plus bel hommage à rendre à l’Infini, c’est encore d’en faire l’objet de propositions contradictoires. En vérité, quand on a légitimé la contradiction, y a-t-il quelque chose que l’on ne puisse légitimer… » (Encyclique Pascendi, p. 57.)

Comme on saisit ici sur le vif l’influence délétère de cette philosophie du non-ètre, qui identifie les contradictoires et les fusionne dans les « profondeurs supra-logiques » 1

Et comme on est porté à plaindre les victimes de cette « torsion » bergsonieune, qui cultivent l’art de penser au rebours du sens commun, au rebours de ce qu’ils reconnaissent être « la métaphysique naturelle de l’esprit humain » 1

Le Credo quia ahsurdum n’est plus une lij’perbole, ou une plaisanterie calomnieuse des libres penseurs, mais une maxime sérieuse qui doit être prise à la lettre par les nouveaux croyants !

Le lecteur entrevoit les conséquences théologiques d’une telle méthode combinée avec une telle métaphysique. Ce n’est plus seulement la fameuse question : Qu’est-ce qu’un dogme ? qu’il faudrait poser, mais plutôt celle-ci : Y a-t-il un dogme ? Peut-il désormais y en avoir ? — Il est clair que non. Puisqu’il n’y a plus aucun dogme de simple bon sens, comment y en aurait-il de révélé ? Et puisqu’il n’y a plus de vérité naturelle, au sens classique du mot, comment 5’en aurait-ildesurnalurelle ?

Au lieu du point d’interrogation respectueux de