Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/324

Cette page n’a pas encore été corrigée

635

MODERNISME

636

païens convertis ; il en va de même de la divinité du Christ (p. 182). Mais dans la façon traditionnelle d’entendre le dogme christologique, on sent.< l’influence de la sagesse grecque ><, et dans la façon d’entendre le dogme eucharistique, on sent un élément qui rappelle « les mystères païens n (p. igo).

L’Eglise qui, à l’origine, s’est ainsi incorporé les idées païennes, doit, pour rester dans l’esprit de Jésus, s’incorporer maintenant tout ce que pense le monde moderne, tout jusqu’aux hypothèses provisoires, jusqu'à la forme scientilique du classement des faits : ainsi se fera « l’accord du dogme et de la science, de la raison et de la foi, de l’Eglise et de la société » (Ei’angile, p. a34). « Si jamais une conclusion dogmatique est formulée sur le développement chrétien ». — M. Loisy connaît celle du Vatican, mais il la tient pour inexacte (E’angile, p. 161), — « On peut présumer, dit notre auteur, que ce sera l’expression de la loi de progrès qui, depuis l’origine, gouverne l’histoire du christianisme » (p. 163).

Or M. Loisy constate que cette loi de progrès, tel qu’il l’entend, ce « dogme nouveau » de l'évolution dogmatique par accession, n’est pas vu favorablement de l’Eglise ; que le principal obstacle à l’acceptation du dogme nouveau, qui est sa découverte, est « une certaine conception trop rigide de la vérité qui appartient à la Bible, aux documents olliciels de la tradition ecclésiastique, de la théologie ». (Autour, p. 208). MansV Ei’angile, M. Loisy insinuaitsa pensée parcette prétérition : « Ce n’est pas ici le lieu d’examiner si la tendance du catholicisme moderne n’a pasété trop tutélaire, si le mouvement de la pensée religieuse et même scientilique n’en a pas été quelque peu gêné » (p. 175).Lesecond des petits lifres traita le sujet scabreux ; c’est un réquisitoire en règle, où ni Galilée, ni Richard Simon ne sont ouljliés (Autour, p. 183, 21 1 sqq.el/ ; a.ssim). L’Eglise, qui défend l’immutabilité du dogme, y est représentée conmie l’ennemie du progrès des sciences etde la théologie. D’autre part, si elle ne modilie pas a les formes quasi despotiques dont son gouvernement s’est entouré », si elle ne tient pas compte de ce que « l’individu, la famille et l’Etal modernes entendent bien sauvegarder leur autonomie », elle ira contre la lin dernière de l’institution chréliennc. Il n’y a pas de forme nécessaire et immuable du pouvoir ecclésiastique ; de nos jours, l’opinion commune est que « l'élite dirigeante est au service delà masse dirigée ». Il fautdonc, si l’on veut rester fidèle à la morale évangélique « qui a fait prévaloir cette vérité dans le monde », soumettre l’application du principe à l'évolution générale des esprits (Autour, p. 175-186).

Ce sont ces théories que visent les deux propositions suivantes : 07. « L'Église se montre l’ennemie du progrès des sciences naturelles et théologiques. » 63 : "Il L’Eglise se montre incapable de défendre la morale évangélique, parce qu’elle adhère obstinément à des doctrines immuables qui ne peuvent pas se concilier avec les progrés modernes ». Tout cela avait déjà été condamné plus ou moins directement par le Syllabus. D. B., 17 12 (iSôg) ; 1713(1560) ; 1780 (1629). Et le concile du Vatican a fait sur la culture scientifique une déclaration de principe qu’il sullit de rappeler : « Bien loin de mettre obstacle à la culture des arts et des sciences Iiumaines, l’Eglise la favorise et la fait progresser de plusieurs manières. Car elle n’ignore ni ne méprise les avantages qui en résultent pour la vie d’ici-bas ; bien plus, elle reconnaît que, venant de Dieu, le maître des sciences, ces arts et ces sciences conduisent de même à Dieu, avec l’aide de sa grâce, si on les cultive comme il convient. » D. B., 1799 (iG46).

Il ne nous reste jilus que deux propositions à I

examiner. L’une exprime l’aboutissement nécessaire de tout le système de iVI. Loisy ; l’autre condamne rh3pothèse philosophique qui est à la base de tout le « nouveau dogme » du développement dogmatique par évolution.

65 : « Le catholicisme tel qu’il est aujourd’hui ne peut pas se concilier avec la vraie science, à moins qu’il ne se transforme en un certain christianisme non dogmatique, c’est-à-dire en un protestantisme large et libéral, n Nous n’avons pas trouvé cette proposition, telle qu’elle est ici condamnée, dans le texte de M. Loisy. Il serait facile de la trouver dans l’une ou l’autre des Enquêtes que ces derniers mois ont vu éclore, les disciples tirant quelquefois les conclusions que les maîtres n’ont pas formulées. Nous avons déjà vu que M. Loisy réduit la révélation et son contenu à un minimum tel qu’il ne se distingue plus que par les mots du contenu de la religion naturelle ; c’est la position du protestantisme libéral, si l’on fait abstraction de la phraséologie chrétienne qu’il retient encore. M. Loisy n’en diffère pas, si l’on va bien au fond des choses : il nie en effet toute révélation positive proprement dite. Que dans sa pensée — je parle de la pensée de M. Loisy telle que nous la lisons dans ses écrits — le catholicisme en doÎA’e venir à cette position, s’il veut s’accorder avec la science du jour, on ne peut pas en douter un instant. Le but de V Evangile et l’Eglise est en effet de montrer comment cet accord peut se faire par l’application au dogme de la théorie évolutionnisle ; et le but A' Autour d’un petit livre paraît être de montrer que cet accord ne peut pas se faire autrement.

58. « La véritén’est pas plus immuable que l’homme lui-même, car elle évolue avec lui, en lui et par lui. » On sait que tous les systèmes de jibilosophie qui nient qu’il y ait dans les choses des relations réelles, qui disent avec les anciens nominalistes : Duo albu esse similia, nihil est aliud ac me percipere duo alba, sont embarrassés pourexnliquer l’immutabilité absolue de la vérité. Quelques-uns de ces systèmes, comme celui de Kant, assignent les formes subjectives de noire esprit comme fondement de cette immutabilité ; d’autres nient l’immutabilité absolue de la vérité et disent que la vérité n’a qu’une immutabilité relative. Les jugements qui nous paraissent nécessaires, en réalité ne le son t pas ; ils nous paraissent tels par suite del’association, de l’hérédité, etc. Notre esprit ne peut donc saisir aucune vérité absolue. M. Loisy a donc adopté cette doctrine. On lisait dans l’Evangile : Ce n’est pas avec les éléments de la pensée humaine que l’on peut construire un édifice éternel. La vérité seule est immuable, mais non son image dans notre esprit » (p. 166). M. Loisy nous a dévoilé toute sa pensée sur ce sujet dans sa Lettre sur le dogme : « La vérité, en tant que bien de l’homme, n’est pas plus immuable que l’homme luimême. Elle évolue avec lui, en lui, par lui ; et cela ne l’empêche pas d'être la vérité pour lui ; elle ne l’est même qu'à cette condition. » (Autour, p. 192). C’est de ce passage qu’a été extraite la proposition 58.

La contradictoire de la proposition condamnée est la suivante : « Quelque vérité est immuable plus que l’homme lui-même, car toute vérité n'évolue pas avec lui, en lui et par lui. » Il est important, pour rester dans le vrai, de ne pas perdre de vue cette contradictoire. Le Sainl-Ollice s’est abstenu, on le voit, de prendre parti sur beaucoup de questions philosophiques qui touchent au problème de la vérité et de son immutabilité ; il s’est contenté de proscrire toute théorie de l'évolution de la vérité en nous, dont la conséquence nécessaire serait la mutabilité de toute vérité. Ainsi posée, la question touche évidemment à la foi, puisque nous admettons