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MODERNISME

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impressions subjectives en face du divin, qui ne ; nous manifeste rien ni de lui-nièiue, ni de sa pensée, de ses décrets ; si la vérité de nos formules se réduit à exprimer que Dieu est l’inconipréhensible ; nous voilà réduits à un christianisme sans dogmes, au sens catholique du mot, à la religion de l’esprit d’Aug. Sabatieu, (Voir Esquisse d’une pliilusopUie de lu religion, liv. I, cliap. l, , 111, 4" édit., p. I20 et passirii), bref au protestantisme libéral. Et de fait, M. Loisy connaît un temps où le christianisme n’avait pas de symbole dogmatique (.Y » iOKr, p. 200), comme si l’adhésion au christianisme avait jamais pu se faire sans que l’on adhérât à quelques articles de foi révélés de Dieu. Mais, de l’aveu de M. Loisy lui-mcnie, cet état chaotique, qu’il imagine, dura peu ; une série d’articles de foi, de formules, fut imposée et définie comme « thème d’enseignement et expression réglementaire de la croyance ». Voyons quel en est le sens.

3° Les formes mentales qui expriment l’objet religieux se suivent, et, d’après la loi du progrès dans révolution, ne se ressemblent pas. Une formule dogmatique n’a pas et ne peut pas avoir le même sens à deux moments de l’histoire. Le sens littéral d’une (elle foriuule, le sens perçu par ceux qui l’ont libellée, n’est jamais le sens perçu par les générations suivantes ; ce n’est que par un efl’et de perspective, une espèce de mirage, que nous imaginons que le sens actuellement perçu par nous dans les formules religieuses anciennes, se trouve dans le champ de la conscience de nos devanciers (Autour, p. 4'J, '77 el passim). Cette manière de concevoir la vérité historique du sens des textes religieux parait s'être formée lentement dans l’esprit de M. Loisy (Eludes bibliques, Paris, 1901, p. 21, 60) ; et il serait aisé d’indiquer quel procédé théologique mal compris a servi à M. Loisy pour se persuader que la distinction <les protestants libéraux entre le sens historique des textes et leur sens théologique pouvait être acceptée par un catholique.

Mais ce travail n’a point pour but l’histoire des origines de la pensée de l’auteur des petits livres ; il ne veut être que l'étude des conclusions qu’on y trouve. Voici deux de ces conclusions exorbitantes :

« J’aurais pu montrer que les articles principaux du

Symbole apostolique n’avaient pas non plus tout à fait la même signilicalion pour les chrétiens d’aujourd’hui que pour ceux des jiremiers tem|is : si l’on prend à la lettre cette profession de foi, la christologie est celle des Synoptiques, sans aucune inlluence du quatrième Evangile ; Dieu, le créateur, s’identifie simplement au Père céleste ; le titre de Fils de Dieu caractérise la mission providentielle de Jésus, qui est le « Seigneur » ; l’Esprit représente l’action de Dieu et du Christ dans l’Eglise, sans qu’on voie clairement le rapport où il se trouve à l'égard de Dieu et du Christ. » (Autour, p. 202). Sans périphrase, entendez que pour les premiers chrétiens, le Christ n'était pas Dieu, que le Saint-Esprit n'était pas une personne distincte du Père et du Fils, qu’on n’avait aucune idée de la Trinité ; en d’autres termes, le Symbole des premiers chrétiens, qui est le nôtre, avait dans leur esprit un sens arien et socinien.

Ce qui est vrai du passé vaut pour le présent et pour l’avenir. M. Loisy ne craint pas d'écrire :

« L'évolution de la philosophie moderne tend de

plus en plus à l’idée du Dieu immanent, qui n’a pas besoin d’intermédiaire pour agir dans le monde et dans l’homme, La connaissance actuelle de l’univers ne suggère-t-elle pas une critique de l’idée de création ? La connaissance de l’histoire ne suggèret-elle pas une critique de l’idée de révélation ? La

pas une critique de l’idée de rédenq>tion ? Le travail théologique des premiers siècles fut, à sa manière, une critique, autant qu’il y avait critique alors ; mais ce fut une véritable critique, exercée sur la tradition religieuse et sur la science du temps… Le Christ est Dieu pour la foi. Mais les gens nous demandent maintenant de leur expliquer Dieu et le Christ… Une traduction s’impose. » (Autour, p. 154 sq.) Ce qui s’est fait autrefois peut évidemment el doit se faire aujourd’hui ; car « il importe à la conservation de la foi que l’idée de Dieu et de son rapport avec le monde soit en harmonie avec la connaissance de l’univers el de l’histoire, connaissance qui ne comprend pas seulement l’ensemble des faits observés, mais la forme scientifique de leur classement. » (Autour, p. 211)) La page qui précède nous apprend que « la forme scientifique du classement des faits », à laquelle il faut accommoder l’afiirmation du dogme, n’est autre que « l’hypothèse de l'évolution », « explication provisoire » d’ailleurs, de l’aveu même de M. Loisj- à la même page.

Le Saint-Oflice a condamné les propositions suivantes : ()2 : i< Les principaux articles du Symbole des Apôtres n’avaient pas pour les chrétiens des premiers temps la signification qu’ils ont pour les chrétiens de notre temps ti.&lt : Le progrès des sciences exige la réforme de la conception de la doctrine chrétienne au sujet de Dieu, de la création, de la révélation, de la personne du Verbe incarné el delà Rédemption. » Il est à peine besoin de dire pourquoi ces propositions méritaient d'être proscrites. Pie X l’a 1res justement fait remarquer dans le consistoire que nous avons déjà cité. Dans ce système, « pour la tradition, tout est relatif et sujet au changement, et par suite l’autorité des saints Pères est réduite à rien ». Et comme M. Loisy appliqiie sa méthode d’exégèse à tous les textes religieux, y compris la Sainte Ecriture, Cl l’inspiration de l’Ecriture diffère peu de celle d’un Eschyle ou d’un Homère ». Théologiquemenl, c’est encore la négation de toute révélation des arti clés qui est à la base de toutes ces erreurs. Philosophiquement, l’auteur suppose : 1" que dans la pensée humaine aucune idée simple n’est restée et ne peut rester invariable, comme si, par exemple, les idées de fils et de i)ère, les notions de cause et d’elTel, etc., ne se retrouvaient pas partout identiques dans notre race ; 2° que les relations nécessaires, essentielles, qu’expriment certains jugements ne sont pas indépendantes des images, des formes représentatives, par lesquelles nous les exprimons. M. Loisy demande à son lecteur, sans le lui dire, d’admettre que le même rapport abstrait entre un sujet et un prédicat ne peut pas être exprimé par des termes divers et même, si l’on veut, par diverses métaphores.

/i" L'évolution du dogme se produit par la combinaison d'éléments nouveaux et même étrangers avec les éléments primitifs. Le lecteur se souvient peut-être de certaines élucubrations sur l’origine étrangère, hellénique, de la Trinité. M. Loisy reprend quelque part les protestants d’avoir cru trouver dans l’Ecriture le dogme de la grâce qui, d’après lui, n’est pas plus formellement enseigné dans l’Ecriture que le dogme christologique. (Evangile, p. Uh). Ces deux dogmes sont une n interprétation ilu salut messianique et de la théologie du royaume céleste, et cette interprétation a été nécessitée par les circonstances dans lesquelles l’Evangile s’est perpétué, ])ar les problèmes que posait la conversion des païens, et qu’il a fallu résoudre en s’inspiranl bien jilus de l’esprit que des déclarations formelles de Jésus » (p. 156). Ainsi, sans repas commun, le christianisme n’eût pas paru une religion parfaite aux