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MODERNISME

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spéculative, aucune théorie représentative morne rudimentaire. Mais rapportons un exemple donné par M. Le Roy. « Que Dieu est notre Père « , signifie

« avant tout que nous avons à nous comporter en

lils avec lui ». L’objet de cette croyance doit être présenté « sous les espèces de l’attitude et de l’action qu’il commande en moi » ; et il doit être défini Dieu est notre refuge, et c’est bien sous le symbole de l’action, de notre action, que nous le nommons et le prions ainsi. Et il faut le dire, parce que c’est la vérité, il n’y a pas trace d’agnosticisme dans cette manière de prier. La paternité divine à notre égard, comme parle M. Le Roy, est un attribut relatif du même genre que refuge : rien n’empêche donc M. Le Roy de dire qu’il le conçoit sous le symbole de l’action.

Mais M. Le Roy a fait une induction liàlive quand, de quelques cas, il a passé à tous les cas, de certains dogmes, au dogme. Et il paraît bien que M. Le Roy n’avait pas fait une analyse approfondie des cas particuliers sur lesquels il s’appuyait.

a) Nous concevons quelques dogmes sous des symboles d’action, mais tous les dogmes sont-ils de de même espèce ? Dogme se définit : Dictum a Deo, propositum ab Ecclesia. La proposition de l’Eglise est un fait, et, parmi les choses dites par Dieu, il y

a des faits, beaucoup de faits, dont quelques-uns sont du même ordre que la mort de César, et d’autres transcendants. On conçoit assez ce que signifient les symboles d’action, quand il s’agit de certains attributs de Dieu et, si l’on y tient, de la connaissance mystique > par la ténèbre ». Que l’àme du Christ se soit réunie à son corps le troisième jour, comme disent les catéchismes, c’est un fait’dont on peut ignorer, nier, méconnaître toutes les conséquences pratiques, tout en adhérant intellectuellement à la substance du fait, soit par suite d’une preuve historique, soit par foi surnaturelle. La foi qui n’agit point est une foi morte : on en convient entre catholiques. Mais c’est encore la foi au sens strict et théologique du mot. Or, l’extension de la doctrine de M. Le Roy à la foi des faits révélés rend impossible cette foi morte, cette foi purement spéculative d’un fait.

i) En second lieu, M. Le Roy raisonne comme si, du fait qu’il peut correctement dire Notre Père en termes de vie lorsqu’il pense à la paternité divine à son égard, il s’ensuivait que tous les attributs de Dieu sont dans le même cas. Or, il n’en est rien. L’Ecole a divisé les attributs de Dieu en négatifs, en absolus et en relatifs. Cette division n’est pas un dogme, c’est une classification artificielle. Mais, si on laisse de côté la systématisation scolastique, ce que l’Ecole entend alfirmer quand elle enseigne qu’il y a en Dieu des attributs absolus, louche de très près à la foi. On établit en elfet que certains prédicats se disent de Dieu au sens propre, et que leur vérificatif est intrinsèque à Dieu. Saint Thomas a réfuté les agnostiques avérés qui niaient celle proposition, le juif Maimonide et l’arabe Avicbnne. Quand nous disons que Dieu est vivant, nous disons quelque chose qui est en Dieu, d’une façon tout à fait déterminée, et qui vérifie notre afiirmation : soutenir le contraire, hoc est contra intentionem loquentiuni de Deo, c’est aller contre la pensée de tous les fidèles. Théologiquement, l’argument est invincible. Quoi qu’il en soit des symboles d’action de M. Le Roy, quand les fidèles disent que Dieu est intelligent, libre, tout-puissant, ils veulent dire autre chose que s’ils n’en disent rien, et quelque chose de plus que l’attitude religieuse qu’ils doivent prendre : et ce surplus, ils entendent l’objectiver en Dieu lui-même. El l’argument est invincible encore dans les principes de M. Le Roy, puisqu’il admet le sens commun ou « convergence interne » comme critère du réel. Que telle soit la pensée intime des fidèles, c’est une simple affaire d’observation psychologique. Tout le monde saisit que Dieu n’est pas notre refuge, dans le même sens qu’il est intelligence et libre volonté, c’est-à-dire personnel.

M. Le Roy semble croire que, sur ce point du vérificatif, intrinsèque à Dieu, des attributs positifs, il y a controverse dans l’Ecole et par suite liberté d’opinion. La réalité est tout autre. Cette doctrine est positive, d’origine patristique. Elle a surtout été développée par les Pères dans la controverse anoméenne : si les noms divins, disaient ces Pères, n’ont pas en Dieu un vérificatif déterminé, tous les noms que l’Ecriture donne à Dieu sont synonymes ; ce qui est absurde. Les mêmes Pères, qui nous ont donné la doctrine des trois voies pour remonter à Dieu, nous apprennent qu’elles ne sont jamais adéquatement distinctes, mais s’impliquent mutuellement. Voie de négation veut dire, non pas une négation totale, mais l’état cognoscitif où la négation est à l’état fort, saillante, tandis que la causalité et l’éminence y sont à l’état faible, confuses. Sur tous ces points, l’accord est complet dans les écoles catholiques. (Voir Urraburu, Tlieodic., t. 1, p. 296 ;