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moins de se transformer en un chrislianisine non dogmatique, c’est-a-dire en un protestantisme large et libéral.

Il n’est pas malaisé de découvrir l’idée qui à présidé à l’ordre dans lequel les propositions réprouvées se présentent dans le document. Pour luire dévier le catholicisme vers un christianisme sans dogmes, on a essayé d'éluder, d’atténuer, d’altérer la doctrine catholique sur le magistère de l’Eglise, sur les Livres saints, notamment en ce qu’ils nous apprennent de la personne de Jésus Christ et de son œuvre ; puis on s’en est pris aux origines et à la notion même de nos dogmes fondamentaux. Le décret s’emploie, d’un bout à l’autre, à rappeler, à affirmer avec insistance que ce sont là autant de points qui constituent la règle et l’objet même de la foi catholique et, qu'à ce titre, ils doivent rester intangibles.

Cet ordre est assurément logique. Néanmoins, nous lui en avons préféré un autre, pour permettre au lecteur de voir plus aisément le lien qui rattache les différentes propositions aux controverses de ces années passées. De là notre division en quatre études dont les titres respectifs sont :

I. Inspiration et exégèse ;
II. Révélation et christologie ;
II. Eglise et sacrements ;
IV. Foi et dogme.

Notre exposition veut rester purement objective ; elle se borne à préciser la teneur et la portée du document. Cependant nous ne pouvons pas ne pas dire, une fois pour toutes, ce que la simple lecture du décret fait toucher du doigt. Il est un démenti donné aux idées qui ont été, en France, propagées principalement par les publications de M. LoisY et de M. Edouard Lk Roy. Il serait facile de mettre en regard de la plupart des propositions le passage auquel il est fait allusion. Nous ne nous attarderons à ces rapprochements que dans les cas où la rencontre est verbale, ou peu s’en faut. Plus souvent, du reste, sans citer, nous nous servirons pour l’exposé des propositions des ternies mêmes employés par ces écrivains.

I

Inspiration et Exégèse

Les propositions qui intéressent directement l’Ecriture sainte peuvent se ramener à quatre chefs. En les distribuant d’après l’ordre des matières couramment reçu dans les cours de théologie, nous avons : l’inspiration, 9-11 ; les évangiles, 13-18 ; le droit de l’Eglise sur l’exégèse biblique, i, a, 4 ; l’exégèse historique et l’exégèse théologique, 3, 12, 19, 23, a4, 61.

1° L’inspiration, son étendue et ses censéquences.

« L’Eglise tient certains livres pour

sacrés et canoniques, parce qu’ayant été écrits sous l’inspiration de l’Esprit-Saint ils ont Dieu pour auteur. » En s’exprimant de la sorte, le concile du Vatican n’avait fait que reproduire la formule traditionnelle de l’inspiration scripluraire, telle qu’elle se lisait déjà dans les décrets des conciles de Trente, de l’iorenceet de Carthage. Ces termes figurenl aussi dans plusieurs formulaires de foi, qu'à plusieurs reprises on o fait souscrire à des hérétiques, demandant à rentrer dans l’unilé catholique. (Dknz.Bannw., 1787(1636) ; 788(666) ; 706 (600) ; 464 (386) ; 421 (867) ; 348 (296). Récemment encore, Léon XIII la reprenait dans son Encyclique Providentissimus Deus.)

Malgré tout, la formule « Dieu auteur de l’Ecriture » avait été, ces dernières années, l’objet d’attaques plus ou moins sournoises. On ne la rejetait pas ouvertement, c’eût été nier l’inspiration elle-même ; seulement, on trouvait qu’elle répondait mal à la conception que l’esprit moderne se fait des rapports de Dieu avec l'àme humaine. Une inspiration venant du dehors, c'était bon pour l'époque où l’on concevait Dieu comme transcendant au monde ; quand on se le représentait comme un maître d'école, qui avait bien voulu écrire des livres pour notre éducation ; alors qu’on parlait de lui en un langage enfantin, grossièrement anthropomorphique. Et puis, et surtout, si Dieu est auteur de l’Ecriture, il en devient responsable !

En vain, les théologiens faisaient-ils observer que Dieu, pour être distinct de l'àme humaine, ne lui est pas extérieur ; qu’il n’est pas auteur de l’Ecriture de la même façon que les Iiagiographcs qui l’ont éciite. Du reste, ajoutaient-ils, il est exact qu’en sa qualité de cause principale. Dieu se porte garant de l'œuvre qu’il produit par l’intermédiaire de l’hagiographe. La motion transcendante que nous appelons inspiration n’est pas un concours général et indifférent, mais une impulsion très définie, dont le but est de faire écrire des livres, qui seront pour l’Eglise « la parole de Dieu ».

C’est pour maintenir la formule traditionnelle ainsi comprise, qu’on a condamné la prop. 9 : « Ils font preuve de trop de simplicité et d’ignorance, ceux qui croient que Dieu est "vraiment auteur de l’Ecriture. »

Du reste, la présente décision laisse ouverte la question de savoir si, dans l’analyse de l’inspiration scripturaire, la notion « d’auteur » doit être prise comme point de départ, plutôt que comme point d’arrivée. Faut-il dire que Dieu est inspirateur parce qu’auteur ou inversement ?

Quelle idée ont-ils donc de l’inspiration, ceux qui ne consentent pas à croire que Dieu est auteur des Ecritures ? A les entendre, « L’inspiration des Livres de l’Ancien Testament consiste en ce que les écrivains Israélites ont proposé les doctrines religieuses sous un certiiin aspect particulier, encore peu connu, ou même ignoré des Gentils. » (Prop. 10).

Bien que la proposition ne concerne que des livres de l’Ancien Testament, les conséquences de la condamnation qui la frappe s'étendent à ceux du Nouveau, l’Eglise n’ayant jamais reconnu qu’une seule et même inspiration pour les deux Testaments.

Un exemple fera saisir le sens de la théorie de l’inspiration visée ici. Rien de plus saillant dans l’Ancien Testament que le monothéisme. C’est cette doctrine fondamentale qui fait de la Loi et des Prophètes, comme aussi de la religion juive, une chose unique dans le monde. Or, l’inspiration des écrivains juifs consisterait précisément dans le grand relief donnée par eux à l’unité et à la transcendance de la divinité. Jahvé, nettement distinct du inonde, est unique, il ne souffre pas de rival, il doit être adoré par toutes les nations ; et c’est par les Juifs qu’il fera la conquête religieuse du monde. L’idée raonothéisle, tout au moins au sens large du mot, n’est étrangère à aucune àme humaine ; mais, chez les Grecs, elle sommeillait, elle était comme étouffée sous les manifestations multiples du polythéisme. Pour qu’elle s'éveillât dans l'àme juive, pas n'était besoin d’un agent supérieur, ou simplement étranger.

Le jour où les Prophètes se sont donné la mission d'épurer et de propager l’idée d’un Dieu unique en Israël, et par Israël dans le monde entier, il y a eu des hommes inspirés. La part de Dieu dans leur inspiration ?… Cela dépend de l’idée qu’on se fait