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MITIIRA (LA RELIGION DE)

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gémir sur l’abjection (les sacerdoces païens et de faire effort i)Our les stimuler en leur montrant le spectacle de la vci-tu chrétienne. (Voir Misopogon, p. 468 ; Fragm. Ep., p. 3^1 sqq ; Sgi-iga ; Ep., xlix, p. 5U) V. Conclusions. — Ces considérations, évidemment très incomplètes, sur le milieu où se rencontrèrent le mithriacisræ et le christianisme, autorisent du moins quelques conclusions négatives.

Profondément distinctes par leurs caractères essentiels, les deux religions ne se rapprochent que sur des points de détail, dont une observation superlicielle peut seule exagérer l’importance. Il serait probablement ditficile aujourd’hui de trouver un historien des religions qui consente à signer les assertions de Dupuis sur a les mystères de Mithra et le christianisme qui en est une secte… le christianisme, qui n’est qu’une secte des Mithriaques… «  (Origines de tous les cultes, t. II, 2" partie, p. 8g et 203).

Depuis le xvni’siècle, l’histoire des religions, — on ne saurait trop l’en féliciter —, a désappris beaucoup. Néanmoins elle ne se résigne que de mauvaise grâce à voir dans le christianisme une religion sans ancêtres, et le besoin de supplémenter la généalogie ébauchée par les livres sacrés des Juifs continue d’induire nombre d’esprits en des impasses historiques. Deux cultes surtout semblent prédestinés à documenter les chercheurs d’origines chrétiennes : le bouddhisme et le mithriacisme. Séparés l’un de l’autre, sinon dès le berceau de la race aryenne, du moins dès un stade très ancien de leur développement historique, ils n’en présentent pas moins l’un et l’autre des analogies avec le christianisme sur quelques points, parfois sur les mêmes points, et cette compétition de mythes si différents, pour expliquer la genèse de l’histoire’évangélique, n’est pas l’épisode le moins piquant de ces controverses aventureuses.

Récemment encore ou signalait dans l’évangile de saint Luc des réminiscences bouddhiques, parmi lesquelles on soulignait : la vision des bergers, l’hymne des auges, la prédiction de Siméon, la virginité de Marie, la mission des soixante-douze, le larron repentant, l’ascension. (Voir ci-dessus, Inde (Religion de l’), col. 687 sqq). Il n’est pas sans intérêt d’observer que, des sept points ici présentés comme d’origine bouddhique, trois au moins auraient dans la légende de Mithra leur pendant plus ou moins exact, savoir : la vision des bergers, la naissance virginale, l’ascension. Cependant on n’osera pas toujours reporter leur origine commune jusqu’au berceau de l’aryanisme ; volontiers on se contentera d’admettre que deux traditions exotiques indépendantes ont conflué avec les traditions messianiques de Judée, pour grossir le fleuve de la légende chrétienne.

Tout cela est fort ingénieux, mais d’une méthode un peu inquiétante pour qui réfléchit à l’état des milieux palestiniens où le christianisme a pris naissance et d où sortirent ses premiers écrivains. Que le sol palestinien fût alors, autant que nous pouvons constater, fermé aux influences bouddhiques, il n’importe. Que l’esprit des pêcheurs galilcens fût aussi éloigné que possible des conceptions mithriaques, il n’importe. Que nos évangiles synopticjues portent le cachetévident des milieux juifs populaires, et les épUres de saint Paul celui des milieux rabbiniques ; que l’on reconnaisse dans ces premiers écrits du Nouveau Testament, avec une candeur difficilement imitable, l’accent des témoins les plus proches et l’impression directe de la réalité, il n’importe. Le système des infiltrations bouddhiques et mithriaqpies trouve parfois crédit. Qu’on lise par exemple Jean

RÉvii, LB, De la i’aleur du mithriacisme comme facteur religieux du monde antique ; dans Etudes de théologie et d’histoire publiées pt : ries professeurs de la Faculté de théologie protestante de Paris, en hommage à la Faculté de théologie protestante à Monlauban. Paris, igoi, p. 321-341, notamment p. 389341. A. DiiiTERicn a poussé les rapprochements jusqu’au paradoxe inclusivement.

La critique historique n’en garde pas moins l’ambition très légitime de sonder le terrain où l’en appuie de si hardies constructions. Quand on considère d’une part l’abondante documentation des origines chréliennes, les attaches manifestes de ce culte si profondément enraciné dans la tradition juive, d’autre part l’absence à peu près totale de documents mithriaques contemporains du Nouveau Testament, ou ne peut se défendre d’admirer cette archéologie, qui nous présente le mithriacisme gréco-romain comme la préface de l’Evangile.

L’hypothèse d’une influence quelconque exercée par les croyances mithriaques sur la genèse du christianisme, ne trouve aucun appui dans l’histoire. Un terrain moins ingrat, que nous ne pouvons explorer, est celui de l’influence qu’auraient exercée, après plusieurs siècles, les souvenirs mithriaques sur tel détail de la liturgie chrétienne. Par exemple, on avait célébré à la date du 26 décembre, le Natalis Invicii (Mithrap). Le désir de faire oublier cet anniversaire païen aurait-il été pour quelque chose dans le choix que Ot l’Eglise, au iv* siècle, de cette même date pour commémorer la Nativité du Christ ? Ce ne serait pas impossible ; je n’examine pas si c’est vraisemblable. Bornons-nous aux questions d’origines.

Nous avons vu que Plutarque signale l’apparition du mithriacisme en Italie, quelque soixante an s. tvant l’ère clirétienne. Ce texte isolé ne nous apprend rien sur l’état du culte, des croyances, et de la morale, dans ce premier flot de l’invasion mitbriaque. Il faut ensuite franchir un siècle et demi, pour rencontrer quelques monuments et quelques textes littéraires, presque tous d’une discrétion désespérante. Abstraction faite de traces fugitives sous Vespasien, la tradition romaine sur Mithra ne commence qu’avec le règne de Trajan, a une époque où tous les écrits du Nouveau Testament existaient, ou bien peu s’en faut. A supposer qu’on vienne à constater d’une manière certaine des points de contact entre les deux cultes, la prudence défendrait d’expliquer le connu par l’inconnu.

En réalité, les emprunts ne sont rien moins que prouvés. Le fussent ils, on devrait tenir pour l’emprunteur celui des deux cultes où les points communs apparaissent plus tard et sont moins clairement attestés.

Cette conclusion, les premiers apologistes chrétiens, mieux que nous au fait delà récente expansion du mithriacisme, paraissent lavoir tirée. Saint Justin et Tertullikn dénoncent le plagiat mithriaque des rites chrétiens, et accusent les démons d’en être les auteurs. La prudence ne permet pas de contresigner ces accusations. Mais le fait est qu’elles ont pu ce produire. On ne doit pas l’oublier. Je transcris M. Salomon Reinacu op. cit., p. 227 : « Si Tertullien, pour expliquer les ressemblances du niithraïsme et du christianisme, allègue la malignité du diable, aucun auteur chrétien n’a jamais prétendu que le niithraïsme fût un plagiat du christianisme ; c’est donc qu’ils savaient que la légende et le rituel de Mithra étaient chronologiquement antérieurs à la prédication chrétienne, chose que nous considérons comme certaine, sans que les textes dont nous disposons permettent de l’établir, mais qui ressort assez nettement du silence des Pères de l’Eglise. D’autre