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MITHRA (LA RELIGION DE)

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Parfois aussi, l’interprétation surnaturelle où se reflètent les croyances d’un auteur, est une interprétation purement explicative, logiquement et chronologiquement postérieure aux faits : elle laisse donc intactes les données de l’observation. Et quand bien même on la jugerait erronée, on pourrait être amené à conserver la matière solide, qu’elle enveloppe légèrement sans la déformer.

Parfois entin des croyances, même fausses, même absurdes, laisseront parfaitement intactes les facultés d’observation. Des personnes qui croient ai oir vu la nuit, quelque fantôme, ne seront pas pour cela Incapables de constater, en plein jour, qu’une jambe cassée est remise. D’autres, qui accueillent trop facilement les rumeurs qui circulent dans une foule, sauront pourtant dire avec précision ce qu’elles ont personnellement vu. Certes, il y a des faits de pénombre et de brume, des phénomènes fugitifs et imprécis qu’une opinion préconçue pourra déformer. Mais « il y a des faits si gros qu’il est dillicile de les voir de travers « : ils s’imposent lourdement, et leur poids étouffe, pour ainsi dire, dans l’esprit, la faculté d’interprétation. Donc on pourra parfois affirmer que la croyance antérieure a dû être sans influence sur l’observation.

En tout cas, le fait de ne pouvoir contrôler les opinions d’un témoin sur le merveilleux n’autorise pas à rejeter, sans plus ample informe, toutes les attestations qu’il en fournit. Car, d’abord, ces opinions ne sont pas évidemment absurdes, puisque, par hypothèse, on ne sait à quoi s’en tenir sur elles. En outre, bien que créant, comme nous l’avons dit, un précédent, elles ne possèdent pas une influence déterminante sur l’appréciation des cas nouveaux. Nul chemin logique, nulle impulsion irrésistible ne mène du miracle admis ici et là, au miracle admis partout..Sans doute, le sophisme qui consiste à conclure, d’un cas particulier, à un ou plusieurs autres cas, est possible, mais il n’est pas fatal, même chez les simples. Et il faut avoir quelque raison pour supposer qu’il a clé commis.

La qualité problématique d’une croyance antérieure ne saurait non plus sufhre à disqualifier un témoin au point de vue moral. En effet, sans connaître ce qu’elle vaut, on pourra souvent apprécier le caractère plus ou moins direct, plus ou moins actif, plus ou moins étendu de ses influences pratiques. Toute erreur n’infecte pas nécessairement toutes les démarches. Et il y en a beaucoup d’où l’on ne pourra faire sortir, avec tant soit peu de vraisemblance, aucune incitation positive à la déloyauté.

CONCLUSION

Tels sont les principes généraux qui gouvernent la question du miracle. Leur complexité se résume dans la proposition apologétique que nous avions entrepris de démontrer : il peut y avoir du merveilleux divin et il existe des moyens surs de le discerner. Ils n’en sont, à vrai dire, que le déploiement complet. Ils font voir que cette proposition s’appuie, en chacun des points qui la constituent, sur des motifs que l’intelligence peut contrôler, sur des arguments de philosophie naturelle ou de critique historique. C’est sur eux qu’un incroyant qui aborde la question du merveilleux, doit, ce nous semble, d’abord prendre parti. Et si nous ne nous trompons, ils sont capables de l’amener à distribuer cette vaste matière comme les chrétiens catholiques…, et peut être ensuite, moyennant la grâce divine, à conclure comme eux.

Bibliographie. — On trouvera une bonne bibliographie sur la question du miracle à la lin du cLapi Torne III.

tre m de l’article JÉsus-CanisT, col. 1 4 1 1 et 1 4 1 2. Je ne vois rien d’important à y ajouter.

Joseph DF ToNQUÉDEC.


MITHRA (LA RELIGION DE). — I. Uencimlve avec le christianisme. — II. Le culte de Mithra. — III. Les doctrines. — IV. Morale mithricKjue. — V. Conclusions. — Biblioifraphie.

I. Rencontre avec le christianisme. — Au moment où le christianisme commençait à rayonner sur le monde antique, une religion orientale, issue du mazdéisme persan, prenait position sur divers points Je l’empire romain et poursuivait ses conquêtes dans les milieux populaires. Après avoir figure au second rang dans le panthéon iranien, Mithra était devenu l’objet d’un culte autonome, qui, sous les rois Achéménides, évolua au contact de l’astrologie chaldéenne, puis, àrépoque hellénistique, subit l’inlluence des autres cultes répandus dans l’Asie Mineure. Sa haute fortune est attestée par la fréquence du nom de Mithradate et autres semblables noms théophores dans l’onomastique d’Arménie, de Cappadoce, de Pont, de Comniagène. Parallèlement à ce mouvement religieux, se poursuivait en Orient le mouvement zoroastrique, destiné à trouver sa dernière expression, après le début de l'ère chrétienne, dans le recueil des livres avestiques, où revit pour nous quelque chose de la physionomie primitive de Mithra. (Sur ce mouvement religieux et sur le recueil avestique, voir ci-dessus l’article Iran [Religion de l']). Mais c’est en Occident qu’il nous faut chercher l’image authentique du Mithra gréco-romain. Plutarque (/'ompée, xxiv) rattache au souvenir des pirates ciliciens, capturés et vendus comme esclaves par Pompée, l’introduction de Mithra en Italie ; toutefois il faut attendre ensuite plus d’un siècle pour retrouver sa trace certaine : les légions romaines, recrutées jiour une grande part dans les provinces d’Asie, ont porté son culte sur toutes les frontières, de la mer Noire à l’Ecosse et aux gorges de l’Atlas, mais tout particulièrement sur la ligne du Danube et du Rhin, où, de nos jours, les mitbréums sont exhumés en grand nombre. Peu à peu il pénétra dans les hautes classes de la société romaine ; l’empereur Commode s’y fit initier.

Entre ce culte déjà répandu dans les masses et le christianisme grandissant, une rencontre était inévitable : nous la voyons se produire vers le milieu du II" siècle. Mithra se présente alors avec les attributs d’une divinité solaire, et ce caractère permet de mesurer l’opposition irréductible qui existe entre ses mystères et la religion du Christ. Enveloppé dans la réprobation universelle dont les Pères de l’Eglise poursuivaient toutes les formes du polythéisme, il obtient parfois dansleurs écrits une mention spéciale, à cause de la vogue récente qui en faisait un ennemi particulièrement redoutable. Nous sommes d’autant plus surpris d’entendre les premiers apologistes chrétiens signaler, danslesmyslères mithriaques, de multiples analogies avec des rites chrétiens, analogies si remarquables qu’ils se refusent à y voir l’eflet du hasard, et y soupçonnent quelque manœuvre du diable, démarquant les créations de l’Esprit divin.

Le parallèle, ainsi ébauché par saint Justin et TerTULLiEN, devait être repris, d’un tout autre point de vue, par le syncrétisme de nos jours. Tantôt l’on interroge la mythologie de Mithra, et l’on y relève des traits qui rappellent la figure historique du Christ ; tantôt l’on rapproche ses préceptes moraux des préceptes de l’Evangile, avec l’intention plus ou moins avouée de confondre le christinnisme dans la foule des cultes éclos durant l'ère des Césars. Entreprise

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