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MIRACLE

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éclairés et sagaces, et le rationalisme « primaire » invente pail’ois de bien plaisantes explications du merveilleux. La passion antireligituse peut aveugler l’esiiril et (aire gaucliir la volonté : el il n’est pas sans exemple « [u’elleait inspiré des attaques déloyales et des accusations calomnieuses. Personne n’en conclura que ces bassesses soient le fait, ni même la tentation de tous les incrojants. Que l’on évite de même de jjënéraliser, lorsqu’il s’agit des croyants. d) Une conviction quelconque, vraie ou fausse, positive ou négative, peut être l’occasion, dans l’esprit qui en est imbu, de fâcheux accidents. Il est porté à lui chercher, à temps et à contre-temps, des justilications, à la défendre par des arguments de rencontre, à se précipiter à l’aveugle vers toute conclusion qui la conlirmerait. D’autre part, dans l’emmêlement inextricable de nos puissances devoir et d’aimer, il arrive parfois que l’àme mette quelque déloyauté ou [)erlidie au service de ce qu’elle estime être la vérité. Ces abus-là ne sont nulle part nécessaires ; ils se produisent partout, et, par conséquent, ils ne donnent lieu à aucune prévention contre qui que ce soit en particulier.

2° Rapport des croyances religieuses avec l’erreur ou la fraude.

L’exception générale que l’on voulait opposer à tout témoignage émané d’un croyant n’est donc pas recevable : ce que nous avons dit suffit à le prouver. Mais il nous faut étudier la question de façon positive, et voir quelles influences la croyance religieuse peut exercer sur une attestation de miracle.

La croyance au merveilleux même qui fuit l’objet du témoignage ne saurait créer de difficulté. Par elle même et à elle seule, elle n’autorise ni le soupçon de partialité ni celui de fourberie. En effet, le préjugé est absent ici, puisque l’influence d’une croyance antérieure est exclue de l’hypotlièse ; et il n’y a pas non plus de fourberie, puisque, par hypothèse encore, le témoin croit ce qu’il dit. Au surplus, en aucune matière, on ne saurait exiger que des témoins ne se fassent aucune idée du sens et de la portée de ce qu’ils racontent. L’homme ne peut se réduire au rôle d’un simple appareil enregistreur, et la paralysie de ses fatuités d’interprétation n’est point requise pour sauvegarder la fidélité de ses impressions et de ses comptes-rendus.

Passons donc au cas qui peut donner lieu à discussion et à doutes : celui où des criiyancefi antérieures existent, capables d’innuenccr la constatation du merveilleux et le témoignage qui en est rendu. —

— D’abord, est-il vrai que l’incroyance soit la position critiquement préférable, et le refuge de l’impartialité ?


A. Valeurs critiques respectives de la croyance et de tincrorance *.

Une crédibilité accidentelle s’attache à un témoignage contraire aux convictions de son auteur. Il est évident qu’un fait merveilleux attesté, en sa matérialité, par un incrédule, devient beaucoup plus croyable. Il est non moins certain qu’un miracle, rejeté par ceux dont il eût confirmé la foi, el qui se trouvaient disposés à l’admettre en vertu de cette foi même, ne possède plus grand crédit. A ce point de vue tout extérieur, c’est tantôt l’incrédule et tantôt le croyant qui possède, par occasion, l’autorité :

1. L’incroyance dont il s’agit n’est [tas le doute méthodique et provisoire, toujours prût îi se rendre aux preuves de fait. C’est l’attitude négative arrêtée, qui tient pour certain qu’il n’y a pas de merveilleux réel el qu’il nejteut y en avoir. — La croyance est prise ici simplement pour l’acceptation du merveilleux ou de quelque autre donnée qui conduit à cette acceptation.

les avantages sont inverses et s’équivalent. Sur ce point, aucune contestation n’existe.

Mais nous avons à comparer deux attitudes intellectuelles, considérées en elles-mêmes, au point de vue de l’autorité qu’elles confèrent, naturellement et en général, à ceux qui les ont prises. C’est ainsi que l’objection les met en contraste. Sans juger l’objet de la croyance, sans apjirécier les motifs de l’incrédulité, on les oppose lune à l’autre, au point de vue des avantages qu’elles offrent pour une en(iuêle sur le merveilleux. Et l’on affirme que le croyant, par le seul fait qu’il est croyant et quelle que soit sa croyance, se trouve dans un étal d’infériorité. C’est ce que nous allons discuter.

Aucun lien perpétuel, aucune nécessité n’attache la foi à la partialité ou à la sottise, l’incroyance à la rectitude du jugement et de la volonté ; toute idée, toute conviction peut contracter, dans les âmes diverses, des alliances utiles ou funestes, qui n’entament point sa valeur propre. Cela est entendu’. Il reste cependant que la croyance antécédente au miracle incline naturellement l’esprit dans un certain sens, qu’elle facilite l’acceptation d’un merveilleux nouveau. En effet, dans l’esprit du croyant, la question du merveilleux n’est plus intacte. Elle est résolue en principe : pour lui, le miracle est possible et il y a des miracles. Dès lors, qu’il y en ail un de plus ou de moins, ceci ne soulève aucune difficulté spéciale, aucun ]iroblènie d’espèce distincte. De même, il est clair qu’un intérêt existe pour le croyant à voir sa croyance justifiée par des preuves nouvelles, qu’il aime à la voir partagée. Et ceci peut donner lieu à la partialité, à l’usage de moyens quelconques de jiersuasion. — En vérité, tout cela est indéniable, mais l’incrédulité offre précisément des inconvénients identiques. Elle aussi forme un préjugé. Supposons l’incrédule appliqué, avec son voisin croyant, à une enquête sur le merveilleux. Ni l’un ni l’autre n’est indilférent à l’issue de cette recherche. Chacun souhaite naturellement qu’elle aboutisse à justifier ses convictions, à les mettre en un jour meilleur aux yeux de tous. Si donc on pose en principe que, pour bien apercevoir les faits et les attester avec sincérité, il faut n’y avoir aucun intérêt, croyants et incrojants seront des témoins également suspects.

D’autre part, celui qui croit au merveilleux a sur l’incrédule des avantages marqués. D’abord pour la question préalable de la possibilité du miracle, c’est lui qui tient la position correcte. S’il est possible que le merveilleux se réalise, — comme nous l’avons démontré, — il faut être prêt à le reconnaître, le cas échéant. L’incroyant n’a pas cette disposition indispensable que le croyant possède. Bien plus, l’incroyant a établi sa position intellectuelle sur une erreur de principe. Or, une erreur de ce genre est, directement et par elle-même, une source d’erreurs ; un principe vrai est au contraire un instrument de recherche exact et ce n’est que par accident qu’on en peut mal user. Allons plus loin : en vertu de son présupposé même, l’impartialité sera,

— toutes choses égales d’ailleurs, — plus facile au croyant. Il a, en effet, autour de lui, plus d’espace libre où se mouvoir. Ses enquêtes sur le merveilleux peuvent avoir plus d’une issue. Leurs résultats peuvent être positifs ou négatifs, favorables ou défavorables. Il n’est pas obligé de conclure, dans tous les cas, au miracle. Rien ne s’oppose à ce qu’il admette, en grand nombre, des faits de supercherie, d’illusion, ou des faits inexpliqués. Pour l’incroyant au contraire, la route est rigoureusement jalonnée

I. Cf. col. précédente.