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LOURDES (LE FAIT DE)

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s’est réalisé ; on est venu, on vient, et c’est vraiment comme une procession innombrable et sans lin.

Depuis l’année où l’on a commencé à grouper des cbifTres jusqu’à celle où nous écrivons ces lignes, de 1867 à 1914 exclusivement, les pèlerinages organisés ont, à eux seuls, conduit vers la Grotte plus de six milîionsde pèlerins. Los premièresannécsfournissent naturellement les chiffres les plus modestes ; les dernières donnent les plus brillants. Laissons de côté l’année exceptionnelle du cinquantenaire, l’année 1908. Prenons celles qui la suivent. De 1909 à 191 4, on a compté, en cbifTres ronds, 1. 100. 000 pèlerins : 170.000 en 1909, 191.000 en 1910, 237, 000 en 191 1, 240.000 en 1912, 260.000 en igiS.

Et ces nombres ne représentent, en réalité, qu’une faible partie de la grande multitude qui visite le vénéré sanctuaire. Les pèlerins isolés sont plus nombreux, et de beaucoup, que ceux qui ariivenl par groupes.

Il faut aussi ajouter les visiteurs qui ne sont pas vraiment des pèlerins, mais que souvent un certain sentiment religieux, parfois aussi sans doute un simple désir de connaître des lieux illustres, amènent dans la petite ville, désormais une des plus célèbres du monde. L’administration des cbeniins de fer du Midi compte que sa gare de Lourdes reçoit, à elle seule, près d’un million de voyageurs par an. Et ce n’est pas seulement la France qui envoie des visiteurs ; il en vient de toutes les parties de la terre. Parmi les 3, 02^ trains des cinq années que nous rappelions tout à l’heure, on en trouve 667 venus de l’étranger. lien vient de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Hongrie, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de l’Angleterre, de l’Irlande, des Etats-Unis d’Amérique, du Canada, du Brésil, de la Bolivie, etc. Les évêques donnent l’exemple. De 1867 au i"" janvier 1 914, on en a compté, à Lourdes, 2, 520, dont 427 archevêques, 13 primats, 19 patriarches, 86 cardinaux. Près de 1 100 étaient étrangers à la France. Parmi les motifs qui amènent au pied des Pyrénées ces immenses multitudes, aucun n’égale assurément, en eflicacité, l’effet produit dans les âmes par les étonnantes guérisons dont les abords de la Grotte sont témoins. Et c’est justice, on va le voir.

2) Nouvelle attitude de la critique sceptique. — Longtemps, on a souri, dans le monde cultivé, des récits étranges, arrivés des bords du Gave, comme une sorte de déû, au milieu d’une société qui n’osait plus même prononcer le nom de miracle. Mais cette attitude a pris fin. Aujourd’hui les faits ne sont guère plus contestés, parmi ceux qui les connaissent, que par les esprits superficiels. Je parle des faits, non de leur caractère surnaturel, dont il sera traité un peu plus loin.

Un des professeurs de la Faculté de médecine de Paris écrivait, il y a quelques années, dans le JVeif-Torlc Herald : a II est de mode détourner en dérision tout ce qui se publie autour de la Grotte. Il est peut-être plus facile de se moquer que de répondre sérieusement. Pourquoi ne pas essayer de résoudre tous ces problèmes, au lieu de les trancher à distance ? »

Ces paroles montrent à la fois le vieil esprit qui régnait encore, et l’esprit nouveau qui était en train de naître.

Aussi n’est-on pas étonné de voir, dans des pages plus récentes, le chef de l’école de suggestion de Nancy, le D Bernukim, parler avec respect de ces observations de guérisons nutlientiqiies, obtenues à Lourdes. Sans doute — je viens d’y faire allusion — le savant Israélite essaie de dépouiller les faits de tout caractère miraculeux, mais il n’en écrit pas moins : « Toutes ces observations ont été

recueillies avec sincérité, et contrôlées par des hommes honorables, /.es faits existent. » (De ta suggestion et de ses applications en thérapeutique, p. 218.)

Si les lecteurs veulent bien autoriser l’auteur de ces pages à mettre à profit des renseignements qui lui sont personnels — qu’ils daignent lui accorder l’autorisation une fois pour toutes 1 — il rapi)ortera ici deux autres témoignages. Le premier est d’un médecin, qui dirige à Paris une importante revue de psychothérapie. J’ai eu l’occasion de discuter longuement avec lui, au bureau des constatations médicales de Lourdes. Or voici un passage de ce dialogue :

« Docteur, reconnaissez-vous qu’il se passe ici des

faits très extraordinaires, très authentiques ? — Oh ! certainement, je le reconnais… La bonne foi est incontestable et l’exactitude des faits complète. Seulement il reste l’explication de ces faits, et c’est là que nous différons. » Il y avait, dans la salle, une vingtaine de médecins, inconnus desinterlocuteurs et dont beaucoup sans doute étaient des sceptiques. Aucune protestation ne s’éleva contre l’authenticité des faits, ainsi publiquementreconnue’.

Plus tard, deux ou trois ans après que j’eus publié l’Histoire critique de Lourdes, je reçus la visite d’un écrivain libre penseur, rédacteur aux Annales des sciences psychiques, M. Marcel Mangin. Cette revue, on ne l’ignore pas, a pour directeur principal le D’Richct, professeur à la Faculté de médecine de Paris et incrédule notoire. M. Marcel Mangin venait de lire mon ouvrage. Il me manifesta le plus vif "étonnement au sujet des choses qu’il avait a|)prises et qu’on ne soupçonnait pas, me dit-il, dans le monde où il vivait. Cette impression profonde ne resta pas longtemps secrète. Au mois de novembre 1907, les Annales des Sciences psychiques consacrèrent leur numéro tout entier aux guérisons de Lourdes : 56 pages sur les 56 dont la revue se composait alors. On lisait en particulier (p. 8a4) : CI Sa lecture (la lecture de l’Histoire critique) cnlvainera chez tous les esprits non prévenus la conviction que les faits sont réels. »

L’année suivante, l’auteur revenait sur la question dans la même revue. Il écrivait : « Le livre de M. Bertrin m’a convaincu de la réalité des miracles de Lourdes… Je trouve aussi absurde de douter de ces faits que de l’existence de Napoléon. » (16 nov., i’"' et 16 déc. 1908, p. 371. Cet article a été écrit à propos de Un miracle d’aujourd’hui.)

Il est à peine besoin de le dire : le sceptique faisait des réserves à l’égard de l’interprétation surnaturelle, tout en reconnaissant cependant que les explications qu’ils pouvaient apporter, lui et son école, procédaient d’une « science si vacillante et si peu sûre d’elle-même, qu’elles ne devaient pas nous paraître bien inquiétantes » ; mais quant à la réalité même des choses, elle ne provoquait, dans son esprit, ni une restriction ni un doute ; il y croyait sans aucun respect humain, comme sans aucune hésitation.

3) Constatation des faits. — Si la position prise par la critique incrédule a changé, c’est qu’elle s’est peu à peu rendu compte que les guérisons de Lourdes reposaient sur d’aussi solides témoignages et subissaient un contrôle aussi sévère que la plupart des événements de l’histoire, dont personne ne se permet de douter.

1. Oti trouvera l’écho de cette discussion et des déclarations qu’elle amena dans certains journaux de cette époque. La Croix du 23 août (1914) et La Vérilè frarnaise du 26 août.