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LOURDES (LE FAIT DE)

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La voyante resta une enfant douce, soumise, ouverte, joyeuse, et sa religion grandit si bien qu’elle est devenue une sainte religieuse ; on a commencé son procès de canonisation.

Quant à l’esprit, celui des hallucinées s’alTaiblit. Si elles ont, par exemple, des hallucinations religieuses, ce qu’elles écrivent est un tissu de rêveries et de contradictions, sans lien, sans logique, où abondent les mots tronqués et les phrases inachevées Chez Bernadette, au contraire, l’intelligence est restée saine, équilibrée ; et, alors que les hallucinées déraisonnent surtout au sujet de leurs hallucinations, son esprit n’était jamais plus vif que lorsqu’elle parlait de ses visions.

Ajoutons que certains faits extraordinaires ont accompagné ses extases, et que l’hallucination n’olTre rien qui s’en rapproche. C’est ainsi que sur un signe, dit-elle, de l’être céleste qu’elle contemplait, elle découvrit une source, dans la Grotte, une source que personne n’y soupçonnait alors, et qui donne maintenant 122.000 litres par vingt-quatre heures.

Un autre jour, le 7 avril, <in sceptique de Lourdes, le D’Dozous, étant là — il l’a raconté — sa main gauche se trouva placée sur la flamme d’un gros cierge, qu’elle tenait de la main droite. Activée par un assez fort courant d’air, la flamme passait à travers les doigts délicats de l’enfant, un peu écartés les uns des autres. Le Docteur, qui était venu en observateur incrédule, empêcha qu’on fit cesser le phénomène, et, prenant sa montre, il en nota exactement la durée : il dura un quart d’heure. L’extase aj’ant cessé, le D’Dozous examina la main gauche de Bernadette avec soin : « Je ne trouvai nulle part, dit-il, la moindre trace de brûlure. »

Le fait se renouvela plusieurs fois durant les apparitions. Qu’on le remarque bien ! Une s’agit pas d’un phénomène d’insensibilité passagère. On ne dit pas que Bernadette ne sentait pas la flamme ; on dit — ce qui est bien différent — i(ue sa chair n’était pas consumée par la flamme, qui touchait el enveloppait les phalanges de ses doigts.

Et n’oublions pas les guérisons merveilleuses qui ont suivit.S’il restait un doute sur le caractère des visions de Bernadette, elles sufliraient à le dissiper. On reconnaît l’arbre à ses fruits. Mais les guérisons de Lourdes forment une question trop importante pour qu’on puisse y toucher en passant ; nous allons y revenir.

Contentons-nous de conclure-ici qu’aucune assimilation n’est possible entre les rêves maladifs des hallucinées et les extases de Bernadette. En disant jusque sur son lit de mort, à trente-cinq ans : « Je l’ai vue, oui je l’ai vue », la voyante de Massabieille ne s’est pas plus trompée elle-même qu’elle n’a cherché à tromper autrui.

Le jugemb.nt canonique. — Les considérations précédentes ne peuvent qu’ajouter du relief à la prudente réserve, dont l’Eglise fit preuve à l’égard des événements de la Grotte. Le curé de la paroisse, M. Peyraraale, garda longtemps une attitude défiante, sinon hostile ; et, quant à l’évêque de Tarbes, Mgr Laurence, la première fois qu’on l’entretint de ces faits extraordinaires, il refusa d’y croire. C’était à l’Apparition, disait-il, qu’il appartenait de fournir des preuves. L’opinion publique réclamait du moins une enquête officielle. Redoutant les dangers de l’entraînement, l’évêque résolut d’attendre que l’émotion populaire fût un peu calmée, et il attendit cinq mois et demi : les enquêteurs furent nommés seulement le 28 juillet 1858. A son tour, la commission épiscopale procéda avec une si tranquille sagesse que l’ordonnance, sortie de ses travaux, ne fut publiée que quatre ans après les premières

manifestations de la Grotte. L’ordonnance se terminait par cette conclusion :

« Nous jugeons que l’Immaculée Marie, Mère de

Dieu, a réellement apparu à Bernadette Soubirous, le II février 1858, et jours suivants, au nombre de dix-huit fois, dans la grotte de Massabieille, près la ville de Lourdes ; que cette apparition revêt tous les caractères de la vérité et que les fidèles sont fondés à la croire certaine. » (18 janvier 1862.)

Au moment où cette ordonnance parut, de miraculeuses guérisons s’étaient déjà produites, et l’ordonnance y cherchait un appui. Ce mouvement devait se développer et devenir un des faits les plus étonnants, qui se soient manifestés, en faveur du surnaturel, depuis l’Evangile.

III

Les guérisons miraculeuses

Deux questions se posent nécessairement au sujet des célèbres guérisons que la grotte de Lourdes voit se produire.

I " Ces guérisons sont-elles réelles et aussi nombreuses qu’on le raconte ?

2’Ne peuvent-elles pas être interprétées naturellement ; faut-il nécessairement recourir, pour les expliquer, à une cause surnaturelle, l’intervention particulière de Dieu ?

Eludions l’un et l’autre points.

1° RÉALITÉ DES GUÉRISONS. — i) Ce qu’on a appelé à tort le vrai miracle. — Une foule innombrable vient à Lourdes, el elle y vient de toutes les parties de la terre. Faut-il, pour cela, s’associer à l’enthousiasme de quelques-uns et dire avec eux :

« Sur la parole d’une petite enfant naïve, de véritables

multitudes se sont mises en mouvement. Il y a un demi-siècle environ. Lourdes n’était qu’une obscure bourgade, oubliée et comme perdue dans le pli de ses montagnes. C’est aujourd’hui un des lieux du globe les plus connus et les plus visités. On ne saurait citer de plus grand miracle. »

Le lecteur nous permettra d’être nettement d’un autre avis. Cette affluence extraordinaire a-t-elle quelque chose de miraculeux, au sens propre du mot ? Il est bien permis d’en douter. Car d’autres sanctuaires, hors même de la religion catholique, ont vu et voient venir vers eux des multitudes empressées : par exemple ceux de l’Inde el de la Mecque. Se trouvera-t-il un théologien pour conclure au miracle en faveur de ces lieux célèbres ? Assurément non. Si donc des esprits superficiels ou quelques prédicateurs, en quête d’un mouvement oratoire, recourent çà et là à cet argument, l’apologétique sérieuse paraît devoir s’en abstenir.

En tout cas, pourrait-on être à demi excusé parfois d’en faire usage sans y insister, on ne le serait jamais de prétendre, comme on l’a fait trop légèrement, que c’est le plus grand miracle de Lourdes. Grâce à Dieu, on observe, autour de la groUe, des faits autrement remarquables, des faits merveilleux où le doigt de Dieu se montre avec évidence. C’est commettre une erreur, une véritable erreur, de ne pas les placer tout à fait en première ligne.

Mais cette réserve faite, et elle est d’une importance capitale, on est bien obligé de reconnaître que le mouvement général, qui pousse les nations vers les rives du Gave, mérite d’arrêter l’attention des historiens.

« Monsieur le curé, disait Bernadette à M. Peyramale, 

la Dame m’a dit : Je veux qu’on vienne ici en procession. » M. Peyramale se révoltait contre la témérité d’un pareil message. Eh bien ! l’incroyable