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MIRACLE. — Le miracle doit être ici traité, conronuéiuenl à la nature de ce dictionnaire, au point de vue exclusif de l’apologétique. Ainsi considéré, il constitue un argument en faveur de la religion fondée par Jésus-Clirist et représentée par l’Eglise catholique. Cet argument repose sur les deux l)ropositions suivantes :

1 » Des faits extérieurs et discernables peuvent se produire, qui trahissent une intervention spéciale de Dieu en ce monde et sa volonté de garantir certaines doctrines religieuses.

2" Des faits de ce genre se sont produits en faveur des doctrines enseignées par la tradition judéochrétienne-catholique, — et jamais en faveur d’un enseignement contraire.

La seconde de ces propositions, ou plutôt l’ensemble des propositions qui se groupent sous le n' 2, a été ou sera développé en divers articles de ce Dictionnaire (voir les mots : Ai’ocrypmks, Actrs des Apotrbs, Convulsionnaires, Ckitique biblique, FÉTICHISME, GcÉnisoNS MIRACULEUSES (où sont étudiées la question de la suggestion, et celle des miracles chez les pa’iens, les musulmans, les bouddhistes, les hérétiques, etc.), Hïstkrib, Indu, Islamisme, Jansénisme, Janvikk (Mihaclk de Saint-), Jésus-Christ, JoNAS, Langues, Lourdes, Magie, Occultisme, TiiéosopniR, SoiicHLLERiB, SPIRITISME, etc.). Le point central du sujet, le miracle évangélique a été mis en belle lumière dans l’article Jésus-Christ : il y est envisagé selon la mélliode comparative, en regard du merveilleux étranger au Christianisme. Par ailleurs, il appartient aux auteurs qui traitent ici des diverses religions, sectes, superstitions, pratiques

« pS3'chiques s, etc., de renseigner les lecteurs sur la

réalité et la valeur du merveilleux qui pourrait s’y rattacher.

Mais toutes ces études supposent et appliquent des principes généraux qu’elles n’ont point à justifier. La première des propositions qui fondent l’argument du miracle n’est donc nulle part étudiée ex professa dans ce Dictionnaire. C’est ce qui délimite la matière du présent article. Nous avons à passer l’idée même de miracle au crible de la critique philosophique et historique, et à montrer qu’elle en sort intacte. Nous avons à prouver qu’aucune raison a priori ne vaut contre le miracle, et qu’au contraire une saine philosophie et une bonne méthode de constatation doivent rester prêtes à l’accueillir'.

î. Ce qui va être exposé dans cet article, sous forme succincte, se trouve développé dans notre ouvrage : Iiitroducfion à l’ciude dri MerveiUeux et du Miracle Paris, Beauchesne, I91(i. — La nécessité de traiter ici les choses en rééutué et en gros nous a fait efTacer bien dos nuances et des précisions de pensée, renoncer ^ pousser certaines discussions jusqu'à leur pointe la plus subtile, supprimer enfin certaines justifications utiles, sinon indispensables. En quelques endroits, nous avons dû nous contenter d’affirmer, la preuve complète étant impossible à fournir sous une forme brève. Les exemples concrets ont pi-esque complètement disparu. L’exposé des opinions adverses est devenu tout à fait sommaire ; nous n’avons gardé d’elles que tout juste ce qu’il fallait pour faire entendre les difficultés qui pouvaient se noser contre nos tiièses, et l’on aurait tui-t de juger certains systèmes d’idées, parfois fort compliqués, sur le peu que nous en disons ici. Nous avons dû aussi alléger cette étude de la masse des références contenues dans le livre. — Donc, bien que V Introduction soit plus d’une fois explicitement citée, nous y renvoyons, une fois pour tontes, les personnes que ne contenteraient pas les développeinents et les preuves que nous présentons ici. Nous croyons cependant que cet exposé est complet à la façon d’un résumé, et que tout l’essentiel y est, sinon exprimé, du moins indiqué. Par exception tout à fait rare, quelque point particulier pourra se trouver ici

Position de la question. — Quelle idée mettonsnous sous le mot miracle ? De quoi parlons-nous ici ? Y a-t-il vraiment un problème du miracle, en quoi consiste- t-il, et pourquoi est-on obligé di- le poser ?

Tandis que le monde suit son cours, déroulant la trame des événements ordinaires, ourdie par les lois naturelles et la liberté humaine, il est parfois question entre les hommes de faits mystérieux, d’apparence intentionnelle, qui seraient comme un accroc dans la trame unie, ou plutôt qui s’y inséreraient, comme l’ouvrage d’un collaborateur inattendu. Beaucoup de personnes sont convaincues qu’en réalité ces faits sont l’affleurement dans notre monde des influences de l’au-delà ; et il est impossible de décider, sans l’orme de procès et sans aucun considérant, cpi’elles ont tort toujours et dans tous les cas. — Voilà un problème posé. Nous l’appellerons le problème du merveilleux.

En conséquence, nous qualifierons de merveilleux, au cours de cette élude, les phénomènes, extérieurement férifiables, qui peuvent suggérer l’idée qu’ils sont dus à l’intervention extraordinaire d’une cause intelligente autre que l’homme. Cette définilion ne préjuge rien sur la nature des faits, ni sur leur origine. Elle se borne à constater une simple apparence, fondement de l’opinion qui attribue les faits en question à des personnalités surnaturelles : Dieu unique ou dieux multiples, esprits, anges, génies, démons, âmes des morts. Elle ne préjuge même rien sur la réalité des faits : il restera à rechercher s’il y en a eu qui aient présenté ne fùl-ce que cette simple apparence. C’est donc ici une définition toute nominale et extrinsèque, qui ne peut entrer en conflit avec aucune^doclrine, et qui n’a pour but que d’indiquer ce dont nous allons nous occuper. Quelques mots sufBront pour en délimiter la portée.

a) Nous parlons de phénomènes extérieurement vérifiahles au sens large, c’est-à-dire, non seulement de ceux qui sont susceptibles d'être directement observés, — comme une guérison soudaine, — mais aussi de ceux dont la réalité serait simplement conclue d'événements extérieurs, — comme une prophétie qui s’accomplirait Nous avons principalement en vue des événements d’ordre physique. C’est là notre objet direct et immédiat ; c’est autour de lui que les discussions se sont surtout déroulées. Ce que nous dirons pourra néanmoins s’appliquer, sert’utis servandis, à ce que l’on appelle parfois le

« miracle moral » : effet singulier, auquel coopèrent

l’intelligence et la volonté humaines, mais qu’elles ne semblent pas sullire à expliquer. En effet, là aussi, il y a apparence qu’une intervention supérieure, extérieurement véritiable, s’est exercée. Nous ne laissons donc complètement en dehors de notre champ d’investigation que les phénomènes purement internes et psychologiques, que seul le témoignage du sujet qui les éprouve peut nous révéler : par exemple les visions subjectives ou ce que les mystiques appellent du nom d'états surnaturels. Et cependant, là encore, les ])rincipes que nous posons auraient lieu de s’appliquer : par exemple, si un individu, croyant éprouver ces phénomènes, entreprenait de les juger.

/ ;) Il est question, en outre, dans notre définition, de l’intervention extraordinaire d’une intelligence. En effet, l’aspect habituel du monde, l’ordre qui y règne, les marques de desseins suivis qui y sont traité plus pi-écisément que dans le livre, grâce à de

nouvelles réflexions sur le sujet ou à dos critiques que nous avoi.s jugées fondées. Voir p. ex. col..")4'.> note 2, 562 à 5H'4, 573 à 577.