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MATERIALISME

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1. Au milieu du xix' s., R. Mayer, Joule elHirn, par des procédés fort divers, ont établi d’une manière suffisamment concordante l’existence de ce qu’on a nommé « l'équivalent mécanique de la chaleur », savoir : qu’il y a un rapport constant entre les quantités de chaleur et les quantités de travail mécanique, lorsque la chaleur est employée à produire un travail (transformée en travail, comme on dit), ou inversement. — a. Par induction, et en se servant du mol « énergie » comme terme universel pour désigner « toute capacité d’agir qui appartient à un corps ou à un système de corps », on a formulé la loi générale d'éqinvalence : « Quand une énergie se Il transforme » dans une autre, une quantité déterminée de l'énergie qui disparaît correspond toujours à une quantité déterminée de l'énergie qui apparaît » ; en d’autres termes, il y a un rapport constant, une

« équivalence quantitative i>, entre les énergies diverses (mouvement, chaleur, électricité), qui se
« transforment » les unes dans les autres. — 3. Enfin, 

soit directement par induction, soit indirectement par vérilicatiou des conséquences, on se croit autorisé à poser ce principe tout à fait général, que : « Le total des diverses énergies est une somme constante, pour l’univers tout entier, comme pour un système fermé quelconque. » (On appelle système fermé un corps, ou groupe de corps, sans communication aucune avec le dehors, n’en recevant rien, n’y envoyant rien, bref, sans profits ni pertes d’aucune sorte par influence extérieure.) La formule (3) constitue le fameux principe de la conservation de l'énergie : il forme, avec le principe ou la loi d’entropie, la base d’une science relativement jeune, la Thermodynamique.

— Hæckel, tout en rejetant la loi d’entropie (p. 283-284), lait sienne la loi de la conservation de l'énergie, et l’unit à la loi de Lavoisier ; venu trop tard pour découvrir ces lois, Hæcltel peut, du moins, revendiquer comme sienne l’idée d’en faire un seul principe : conservation de l'énergie, conservation de la matière, deux principes qu’il proclame « inséparables dans leur essence » (p. 245), aussi intimement liés a dans un tout indissoluble », que « les deux objets, la matière et la force ou énergie » ; à les bien prendre, ils « ne sont que deux aspects d’un seul et même objet, le cosmos » (p. 2^7). A eux deux, ils constituent l’axiome de la constance de l’univers, la loi de substance. — L’affirmation intrépide de cette solidarité des deux principes, leur fusion en un seul axiome, constitue la contribution personnelle de Hæckel à ce qu’il appelle a le plus grand événement intellectuel du xix" siècle ».

2° Développements arbitraires, propres à Hæckel.

1) Qu’est-ce que cette substance, cette chose constante ? — Pour nous l’expliquer, Hæckel commence par résumer les idées de Spinoza. La substance, c’est la même chose que Dieu, ou que tout le monde, car c’est tout au ; c’est le Dieu-Tout. Cette universelle substance, ce « divin être cosmique », nous montre deux aspects de son essence, deux attributs fondamentaux : la matière (la substancematière est infinie et étendue), et l’esprit (la substance-énergie comprenant tout et pensante). Tous les objets de l’univers, toutes les formes individuelles d’existence ne sont que des formes spéciales et passagères de la substance, des accidents ou des modes. Ces modes sont des objets corporels, des corps matériels, lorsque nous les considérons sous l’attribut de l'étendue (comme remplissant l’espace) ; ce sont des forces ou des idées, lorsque nous les considérons sous l’attribut de la pensée (de l'énergie). — Ce résumé présenté, Hæckel déclare qu’il fait siennes les idées de Spinoza : « C’est, dit-U, à

cette conception fondamentale de Spinoza que notre monisme revient ; pour nous aussi, la matière (ce qui remplit l’espace) et l'énergie (la force motrice) ne sont que des attributs inséparables d’une seule et même substance ». (p. 249)

2) Depuis le temps de Spinoza, on a expliqué, développé la théorie de la substance, de façons diverses ; ainsi les physiciens, très généralement fidèles aux idées de Newton, supposent que tout est fait d’atomes

« vibrant à travers l’espace vide, et agissant à distance » (p. 260). — A cette « notion de la substance

kinétique », Hæckel préfère « la notion de substance pyknolique (principe originel de condensation ou pyknose) ». (p. 2.51) Il s’agit ici d’une hypothèse aventureuse qui pose, au lieu d’atomes innomljrables, une substance unique, tout d’abord homogène ; au lieu de vibrations, un effort de contraction, qui aboutit à la formation de centres de condensation infiniment petits ; ceux-ci « possèdent sensation et mouvement volontaire, c’est-à-dire qu’en un certain sens ils ont une àme ». (p. 262) Ces « atomes animés » errent non dans le vide, mais dans la partie non condensée de la substance primitive. Ils se groupent en masses de grande étendue, plus denses que la moj’enne, — ce sont les masses pondérables des corps ; le reste, d’une densité amoindrie (négative par rapport à la moyenne), constitue l'éther (matière impondérable). Il y a lutte sans trêve entre les deux portions — condensée et distendue — de la substance : la condensation tend à croître, parce que la masse positive éprouve du plaisir ; mais l'éther (négatif), par.contre, s’oppose à toute élévation de sa tension, à cause du sentiment de déplaisir qui s’attache à cette tension. Et cette lutte est le ressort de tous les événements de la nature.

Hæckel, sans toutefois se porter garant de la valeur de cette hypothèse, en adopte les principes essentiels, parce qu’ils sont « indispensables à toute conception de la substance vraiment moniste » ;

I. Les deux éléments principaux de la substance, la masse et l'éther, ne sont pas morts, et mus seulement par des forces extérieures, mais ils possèdent la sensation et la volonté ; ils éprouvent du plaisir dans la condensation, du déplaisir dans la tension ; ils tendent vers la première et luttent contre la seconde.

II. Il n’y a pas d’espace vide.

III. Il n’y a pas d’action à distance à travers l’espace vide… (mais tout au plus) « transmission par l'éther » (p. 254).

3) L'éther. — Qu’on ne s'étonne pas de le trouver en tout ceci : pour Hæckel, son existence en tant que matière réelle est le plus positif de tous les faits ; Hæckel en est aussi sur « que de sa propre existence, lorsqu’il réfléchit et qu’il écrit sur ces questions ». (p. 260)

Qu’est-ce que l'éther ? — Comme on n’en sait rien, chacun est libre, observe Hæckel, d’adopter l’opinion qu’il veut ; et voici la sienne. L'éther, qui remplit les intervalles, grands et petits (interastraux et inleratomiques) de la matière pondérable, n’est pas, comme celle-ci, composé d’atomes (pyknatomes), mais doué d’une structure particulière, la structure… éihérique ; ni gazeux ni solide ni liquide, son état physique est spécial, l'état éthériquc, comparable peut-être à a une gelée infiniment ténue, élastique et légère » ; — impondérable, il ne l’est sans doute que relativement ; — par condensation, il peut probablement passer à l'état gazeux, et de là aux autres états phjsiques de la matière pondérable. En attendant, il est infini comme l’espace, et déplus, éternellement en mouvement. Or ce motus propre de l'éther, en réciprocité d’action avec la gravitation