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MATERIALISME

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tlelanature, — Strauss expose sa façon de comprendre l’Univers. — a) Celui-ci, dans son ensemble infini, est essentiellement uniforme ; il y a bien, çà et là, formations et distributions de systèmes, mais ces changements se compensent. — h) La vie est éternelle ; si, quelque part, elle décline ou s'éteint, elle commence ou elle s'épanouit ailleurs. — c) Après une rapide description des époques géologiques, Strauss insiste sur la naissance et le développement des êtres organisés terrestres, et de l’homme ; cette partie de son système est conçue, faut-il le dire, conformément aux idées de Darwin. Contre le darwinisme, on a toujours formulé de graves objections ; si graves, qu’on tombe aujourd’hui assez généralement d’accord de son insuffisance : à l'égard de ces difficultés, Strauss emploie un procédé de discussion bien commode, la simple omission…

II. Forme actuelle du Matérialisme- — En ce temps-là, ErnestHAECKEL travaillait déjà vaillamment à résoudre toutes les difficultés que rencontre une explication matérialiste de l’Univers- Entre 1863, époque de son adhésion publique au darwinisme et à l'évolutionnisme, et 1899, date de son dernier livre. Les Enigmes de l’Uniyers, Hæckel a déployé une activité littéraire intense. — Les Enigmes de l’Unii’ers représentent, au dire de l’auteur, le dernier effort d’un ouvrier qui, ressentant déjà bien des symptômes de la vieillesse, veut, au dernier jour du XIX' siècle, apposer à son travail le trait final… Un vieux projet, celui d'édifier tout un système de philosophie moniste sur la base de la doctrine évolutionniste, ne sera jamais mis à exécution : les forces de l’ouvrier ne suffisent plus à la tâche… (Enigmes, préface).

Les doctrines matérialistes de Hæckel jouissent d’une vogue considérable en Allemagne ; au cours de ces dernières années, elles furent l’objet d’un grand effort d’exportation, notamment en Angleterre et chez nous. Elles se présentent avec un appareil scientifique « impressionnant ». Tout cela nous décide à les exposer ici avec quelques détails ; nous les emprunterons presque uniquement au livre de Hæckel déjà cité : c’est un tableau d’ensemble, plus facile à retrouver que la plupart des autres écrits philosophiques du même auteur.

Principaux ouvrages matérialistes de Hæekel : Morphologie générale des organismes (1866). « Ouvrage prolixe, écrit dans un style lourd et qui n’a trouvé que très peu de lecteurs » (Hæekel).

Histoire de la création naturelle (1868), reprend, sous une forme plus aisée, une partie des idées contenues dans l’ouvrage précédent !

Anthropogénie (1874), tentative pour « rendre accessibles et compréhensibles à un plus grand nombre de personnes instruites les faits essentiels de l’histoire de l'évolution humaine » (Hæckel).

Phylogénie systématique (1891-1897), (Phylogénie

: = : formation de la race), — traite de l’ensemble de

la généalogie du monde animal.

Le Monisme, lien entre la religion et la science, profession de foi d’un naturaliste (1892).

Les Enigmes de l’Univers (1899), « complément, confirmation, développement des convictions exposées précédemment, indiquées et défendues… depuis nombre d’années » (Hæckel, Préface des Enigmes).

Hæckel a publié nombre d'écrits de science pure, et il y aurait puérilité à méconnaître ses compétences zoologiques ; ses livres philosophiques euxmêmes témoignent d’une vaste culture scientifique, en quoi il est bien supérieur à Biichner. Mais Hæckel, philosophe, se permet des libertés étranges à l'égard de la science, nous le verrons ; et cependant

que ne fait-il pas, pour faire naître et pour enraciner dans l’esprit du lecteur cette persuasion : que a la philosophie moniste » aurait vraiment pour base 'X l'étude empirique de la nature » 1

E tposé de la philosophie moniste de Hæckel. — Elle nous fut présentée, en 1892, comme la religion de l’avenir ; en 1899, comme la solution des énigmes de l’Univers : « L’homme moderne sans culture, tout comme l’homme primitif et grossier, se heurte à chaque pas à un nombre incalculable d'énigmes de l’univers. A mesure que la culture augmente et que la science progresse, ce nombre se réduit. » (Enigmes, p. 17) Ainsi, tandis que E. du Bois-Reymond, en 1880, distinguait encore sept énigmes à résoudre,

« la philosophie moniste (en 189g) ne reconnaît, finalement, qu’une seule énigme, comprenant tout : le

problème de substance. » (l. c.) Il y a plus : « Cette loi cosmologique fondamentale… est devenue le guide le plus sur pour conduire notre philosophie monistique à travers le labyrinthe compliqué de l'énigme de l’univers, vers la solution de cette énigme. » (p. 5) Voici donc, selon Hæckel, l'état de la cause : trois énigmes ( — nature de la matière et de la force, — origine du mouvement, — apparition de la simple sensation et de la conscience —) « sont supprimées par notre conception de la substance » ; trois autres problèmes ( — première apparition de la vie, — finalité, — la raison et la pensée avec l’origine du langage, qui s’y rattache étroitement —) « sont définitivement résolus par notre moderne théorie de l’Evolution I) ; enfin la septième énigme, le libre arbitre, « dogme pur, ne repose que sur une illusion et, en vérité, n’existe pas du tout. » (p. 18)

Nous exposerons :

I) La loi de substance : i" La base scientifique ;

2° Les compléments arbitraires ;

II) Les apiilications principales ; 1° Le Cosmos ;

2" Dieu, religion, morale ;

3° L’homme.

I) Loi de substance. — A la base de tout le système de Hæckel, se trouve une loi cosmologique dont la valeur universelle inspire à son inventeur une sorte d'émotion religieuse (p. 891). Il nous confie que

« tous les progrès particuliers de la physique et de

la chimie, quant à leur importance théorique, sont infiniment dépassés par la découverte de la grande loi où ils viennent converger comme en un foyer, la loi de substance. » (p. 5) « Le fait de l’avoir découverte et définitivement établie est le plus grand événement intellectuel du xix* siècle, en ce sens que toutes les autres lois naturelles connues s’y subordonnent. » (p. 2/(5)

Qu’est-ce donc que cette loi, « la suprême, la plus générale des lois de la nature, la véritable et unique loi fondamentale cosmologique » (p. 245), et, en même temps, la dernière énigme, la seule qui reste à deviner ? — C’est, ni plus ni moins, une sorte d’amalgame, la fusion en un seul de deux principes célèbres, celui de la conservation de la matière, et celui de la conservation de l'énergie 1" Bases scientifiques. — a) Conservation de la matière. Lavoisier s’est immortalisé, vers la fin du xvm' s-, en établissant par les faits que, dans les réactions chimiques, rien ne se crée, rien ne se perd ; c’est-à-dire que la masse des corps n’est pas altérée dans leurs transformations les plus profondes et les plus diverses. Toute la chimie moderne s’est appuyée avec confiance et semble devoir s’appuyer longtemps encore sur la loi de Lavoisier, bien qu’elle ne passe plus pour aussi certaine, depuis un petit nombre d’années. — /<) Conservation de l'énergie.