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MARTYRE

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Ses connaissances nautiques, son intrépidité, le mirent en évidence : il entra au service du gouvernement portugais, qui le nomma pilote-major, cosmograplîe royal aux Indes, et le décora de l’ordre du Christ. Pendant sa rude vie de marin, il avait toujours été pieux ; arrivé maintenant aux honneurs, il se sentit touché delà grâce, abandonna les grandes perspectives d’avenir qui s’ouvraient devant lui, et entra à Goa dans l’ordre des Carmes déchaussés, sous le nom du P. Denis de la Nativité. Mais il dut un jour redevenir pilote pour guider une ambassade portugaise jusqu'à l'île de Sumatra, à traversée ! Océan indien dont il avait naguère dressé des cartes savantes et précises, encore conservées aujourd’hui. Arrivée à destination, toute l’ambassade fut arrêtée par l’ordre du sultan d’Achin. Parmi les captifs étaient le P. Denis, un frère Carme, Rédempt (Rodriguez deCunha), eldeux Fransciscains. Devenus esclaves, tous, aunombre de soixante, fui-entsommés d’embrasser la religion musulmane, et, sur leur refus, condamnés à mort. Le P. Denis parcourait leurs rangs, le crueihxà la main, les exhortant au martyre et, eu même temps, prêchant en malais aux spectateurs les vérités de la foi. La foule des chrétiens, Rédempt et les deux Franciscains, furent percés de flèches et assommés avec le kriss. Resté le dernier, Denis eut le crâne fendu par le sabre d’un renégat, et, les éléphants amenés pour l'écraser n’arrivant pas assez vite, on l’acheva d’un coup de kriss. Denis et Rédempt ont été béatiliés par Léon XIII, le 10 juin igio (voir Charles Brkard, Histoire de Pierre Berthelot, pilote et cosmographe du roi de Portugal aux Jndes orientales, Paris, 1889, et Mgr Baunard, Saints et Saintes de Dieu, Paris, 1914, p. 311-324).

Ou signale, de 1688 à 16gi, de nombreux martyrs immolés dans le Maïssor par les musulmans. Mais la plus violente persécution fut celle du célèbre rajah de Mysore, Tippoo Saïb (1749- 1799), qui fit périr plus de cent mille chrétiens, en donna ou en vendit presque autant comme esclaves, en un seul jourfor(, 'a quarante mille à recevoir la circoncision, signe de l’islamisme. Le persécuteur, cependant, sut parfois s’arrêter : il respecta la foi d’un bataillon de son armée, composé de soldats chrétiens, qui n’eût peutêtre pas été aussi patient que le fut la légion Thébéenne, et s’abstint d’inquiéter les missionnaires français. Après sa défaite par l’Angleterre, la plupart de ceux qui avaient été circoncis se repentirent de leur faiblesse, et furent de nouveau reçus dans l’Eglise (A, Launay, Hist. de la Société des Missions étrangères, t. II, p. Si^-Sig).

Un mot seulement sur l’intolérance hollandaise. Nous avons vu la part qu’elle eut dans les persécutions du Japon. Elle fit, au xvir siècle, des martyrs partout où les Hollandais établirent des colonies. Eln 1629, un Jésuite, le P. Gilles d’Abreu, destiné aux missions du Japon, est capturé avec le navire qui le portait : emprisonné à Batavia, capitale de l’ile de Java, qui appartenait alors aux Hollandais, il y meurt, en 1638, sous les coups de ses geôliers. En 1658, un autre Jésuite, le P. Caldero, est décapité pour n’avoir pas dénoncé un complot qu’il connaissait seulement par les confidences inviolables de la confession (J. Emerson Tbnnent, Cliristianity in Ceylan, p. 40). A Jatïna, dans la même île, en 1690, trois cents catholiques indigènes avaient été arrêtés par l’ordre du commissaire hollandais, "Van Rhée, au moment oii, le jour de Noël, ils allaient assister à la messe de minuit. Parmi ceux-ci était un riche Indien, Pedro, de la caste des "Vellalas. Jadis, par ambition, il s'était fait protestant ; puis, j-epentant, il était revenu au catholicisme. Van Rhée le somma de retourner à l’hérésie, et, sur son refus, le lit battre

de verges si cruellement que, rapporté évanoui dans la prison, il y mourut le jour même. Les sept autres, non moins persévérants dans leur refus d’abjurer, furent condamnés à un emprisonnement perpétuel, et, occupés à de durs travaux, moururent bientôt de fatigue et de misère.

Disons à ce propos que Michelet, dans sa fantasque et haineuse Histoire de France, reproche à la Hollande duxvii » siècle (t. XV, 179, p. 1853) « l’excès de la tolérance 1 » Il est vrai que, par une curieuse contradiction, il la loue d’avoir, lors des négociations pour la paix de Nimègue, refusé à Louis XIV de rendre la liberté au culte catholique (p. 163 et 206).

6. Abyssinie. — Le christianisme pénétra dans l’ancienne Ethiopie vers le milieu du quatrième siècle. Un de ses premiers missionnaires, Frumence, fut consacre évéque par saint Athanase. Une seconde mission évangélisa le pays avec grand succès vers la fin du siècle suivant ; mais probablement ces nouveaux missionnaires appartenaient à l’hérésie monophysite. Un troisième groupe de missionnaires est signalé au sixième siècle. C’est au commencement de ce siècle que se place l’expédition du roi abyssin Elesbaan, traversant la mer Rouge pour aller venger les nombreux martyrs himyarites du Yémen, mis à mort en haine du christianisme par un tyran juif (voir les Acta Sanctorum, octobre, t. X, p 721 ; DucHÉSNE, Eglises séparées, 1898, p. 317327 ; Rubens Duval, Anciennes littératures chrétiennes. La littérature syriaque, 1899, p. 148-152).

Depuis la fin du sixième siècle jusqu’au douzième, on ne sait à peu près rien de l’Eglise d’Abyssinie. On connaît, du treizième siècle au quinzième, un mouvement religieux qui produisit, dit-on, des théologiens remarquables, mais toujours dans le sens de l’hérésie et du schisme (voir Guidi, art. Abyssinie, dans le Dict. d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. I, col. a13). Vers la fin du treizième siècle, une mission de douze Dominicains fut envoyée dans le Tigre, et ramena de nombreux chrétiens au catholicisme. Mais l’intolérance hérétique intervint, une persécution violente fut suscitée contre les missionnaires et leurs convertis, et les douze Dominicains furent martyrisés.

Au seizième siècle, les Jésuites entreprirent à leur tour la conquête religieuse de l’Abyssinie. On possède, rédigée en portugais, la relation du martyre d’Abraham Georges, S. J., Maronite de naissance, qui, en 1695, se dirigeant vers l’Abyssinie, fut arrêté à Massouah par le gouverneur tui-c, et, sur son refus d’embrasser la religion musulmane, mourut décapité : fudit sanguinem in argumentum fidei, vicit Maumetem, sed more martyrum cadendo, dit une inscription composée en son honneur (Rabbath, Documents inédits, t. I, p. 174 et 315). D’autres missionnaires de la Compagnie de Jésus, de nationalité portugaise, parvinrent au dix-septième siècle en Abj’ssinie, et, après avoir eu le bonheur d’y ramenerà l’orthodoxie de nombreux fidèles, eurent la gloire d’y verser leur sang pour la foi. « Un édit de proscription condamna au bannissement ou à la mort 1& patriarche catholique, tous les missionnaires portugais et les prêtres indigènes. Presque tous, avec une foule d’Abyssins demeurés fidèles, ils périrent, en 1640, dans des scènes horribles, où le fanatisme et la fureur atteignirent le paroxisme de la folie. » (Coulbbaux, dans Les Missions catholiques françaises, t. II, p. 14)

Les Franciscains, aussi, cueillirent sur cette terreschismatique la palme du martyre. Les premiers de leurs missionnaires furent décapités à Souakim, et.