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MARTYRE

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proscincnies gravés par les pèlerins sur les murailles des catacombes romaines.

Edmond Le Blant, en notant quelques-uns de ces traits, rapportés avec bien d’autres dans le beau livre de M. A. Launay, La Salle des Martyrs, s’est demandé « à quel degré l'éducation des néophytes, la connaissance sommaire qu’ils peuvent avoir de l’histoire des anciens a pu contribuer à ces rencontres. » Des missionnaires mterrogés lui ont répondu que ces paroles des chrétiens persécutés de Chine (I ne sont puisées ni dans les instructions ni dans les livres. Les nouveaux soldats du Christ ne les ont trouvées que dans leur cœur. » (Les Persécuteurs et les Martyrs, Paris, 1898, p. 360)

De même, les païens de la Chine n’ont pu « trouver que dans leur cœur », ou dans les inspirations de l’enfer, leurs procédés de persécution. Ils égalent, dépassent peut-être les Romains pour le raffinement et l'épouvantable lenteur des supplices. Ils tendent les mêmes pièges, en demandant ou en offrant aux lidèles des certificats d’apostasie, comme les liLelli du temps de Dèce (Relation de Mgr Pottier, dans Leclercq, t. X, p. 175, 828, 330, 33 1 ; La Salle des Martyrs, p. 79). Us répandent contre eux des calomnies de tout point semblables à celles qui avaient cours, dans l’Empire romain, aux premiers siècles. Ce sont les mêmes imputations de rébellion, de magie, de mœurs infâmes (Leclercq, t. X, p. 164, 178). On les appelle a mangeurs d’enfants » (X. Launay, dans Les 3Iissions catholiques françaises, t. III, p. 299), comme au temps de Marc Aurèle : niç « » r.er.ioiv. tftc/divj ci TcioiiTct… Des pamphlets remplis soit de blasphèmes, soit d’inventions immondes, sont publiés contre eux comme au temps de Maximin Daia (ibid., p 27g, et Le Blant, Les Persécuteurs et les Martyrs, p. 849-857). On comprend que, même au seuil du xx « siècle, ils aient encore eu des martyrs.

La persécution des Boxeurs, en igoo, fut peut-être la plus sanglante, mais celle aussi où se produisirent le moins de défaillances, k II ne semble pas exagéré, écrit l’un des témoins de celle persécution, Mgr FaviEn, évêque de Pékin, de porter le nombre des victimes à 7 ou 8.000. » Et il ajoute : « Nulle part les chrétiens n’ont faibli devant la persécution, c’est à peine si i ou 2 pour 100 ont essayé de sauver leur vie par quelque concession purement apparente aux rites païens : les autres sont morts comme les martyrs des premiers siècles, dans la simplicité immaculée de leur foi. » (Les Missions catholiques françaises, t. III, p. 119) Mgr Favier dit encore, en racontant cette crise violente, la dernière, espéronsle, du christianisme en Chine : Tout chrétien chinois est sommé d’apostasier ; s’il refuse, ce que, grâce à Dieu, tous eurent le courage de faire, il est soumis aux tourments les plus atroces et massacré ; un vieillard de quatre-vingts ans, par exemple, est lié à un arbre, percé de flèches, et, après une journée de souffrances, on l’achève en lui ouvrant le ventre ; sa femme est coupée en morceaux. Et c’est par milliers qu’il faut compter ces martyrs » (ibid., p. 1^5). Même témoignage rendu aux chrétiens duKiang-nan par leur évêque, Mgr Paris, dans une lettre du 8 août 1900 : « Jusqu’ici, ils ont été admirables, des milliers sont morts, et cependant ou leur offrait de sauver leur vie par l’apostasie « (ibid., p. 286).

Un Lazariste, le P. Lkbbe, a raconté, dans une conférence faite à Paris en 191 3 (reproduite par les Lectures pour tous, 15 janvier 1914). cette persécution dans la province du Tché-li, où il demeure. Les habitants des villages chrétiens, menacés dans leur vie et dans leurs biens par les sauvages insurgés qu'étaient les Boxeurs, furent obligés de se défendre ; mais, partout où la supériorité du nombre et de

l’armement eut raison de cette défense, le choix leur fut donné par les vainqueurs ou d’abjurer leur foi ou de mourir. Ceux qui furent mis à mort furent donc des martyrs, au sens le plus strict de ce mot. Le P. Lebbe rapporte de cette persécution des épisodes très émouvants Dans le village de Hants’oen, le catéchiste est pris ; on le somme de brûler de l’encens devant une idole : il refuse. Le chef boxeur lui dit : « Si tu refuses, je te fais couper le bras droit. » II étend le bras : « Coupez-le donc. » On le coupe ; il tend le bras gauche : « Allez-y donc, après il y a encore les deux jambes. Tant que je conserverai un souffle, je suis à Dieu. » On lui coupe les bras et les jambes, et on le laisse mourir tout seul. Le même jour, un enfant de huit ans voit mourir sous ses yeux son père et sa mère : on veut le faire apostasier : il consent à être mené à la pagode, mais là, il jette le bâton d’encens à la tête de l’idole, en criant :

« Je veux aller avec papa et maman. » Les Boxeurs, 

furieux d'être joués, le cruciûèrent à la porte de la pagode avec des clous de bois. Un vieillard vivait près de là, dans la montagne, avec ses vingt-quatre enfants et petits-enfants. Il les engage à fuir, en leur disant : a "Vous vous devez au pays et à l’Eglise. » Ils répondirent : « Nous nous devons d’abord à toi, et puis, si nous mourons, notre mort sera féconde ; de notre sang germeront des chrétiens plus nombreux. » A l’approche des Boxeurs, tous, revêtus de leurs plus beaux habits, marchent vers eux en procession, suivis du vieillard, qui portail un crucifix.

« En les voyant, les Boxeurs compruent aussitôt

que les supplices étaient inutiles et qu’ils étaient tous prêts ; et comme ils avaient appris de leurs nombreuses victimes que les martyrs espéraient le ciel, ils leur demandèrent simplement : « Qui veut aller au ciel le piemier ? » El ils disposèrent devant les enfants un hache-paille. Les petits regardèrent leurs mères ; ils avaient peur. Mais elles, les poussant devant elles, leur dirent à travers un sourire : « Passez les premiers, chers petits, c’est pour le bon Dieu, n’ayez pas peur. » Et une petite fille de quatre ans s’agenouilla devant le hache-paille, posa sa tête sous le couteau et alla la première au ciel. Lorsque sa petite tête tomba, un Boxeur la ramassa et vint la montrer à sa grand’mère, en disant : « Est-elle jolie, ta petite-fille ? » Et elle répondit : Ohl oui. qu’elle est donc belle ! » A cette parole, les autres enfants se précipitèrent sous la hache ; les autres suivirent sans une défaillance, les femmes après leurs enfants, et leurs maris après. Enfin, le dernier de tous, le vieillard posa sa tête blanche sur le bois ensanglanté, et alla les rejoindre. N’est-ce pas aussi beau que les Macchabées ?

Le témoignage rendu par tant de martyrs eut sa fécondité. « Il est frappant, dit le P. Lebbe, de remarquer que le nombre des conversions est presque en raison directe de celui des martyrs. Pour ne parler que de ce qui était en 1900 le vicariat de Pékin, il y avait alors moins de So.ooo chrétiens, et aujourd’hui on en compte plus de 800.000. Dans la souspréfecture où sont morts les héros de Han-ts’oen, on comptait, en 1900, 500 chrétiens ; aujourd’hui, il y en a plus de iS.oool Nos admirables martyrs avaient vu, en mourant, ce triomphe de l’avenir, n Ils avaient cité, sans l’avoir lii, le Semen est sanguis christianorum de Tertullien.

Consulter Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères, 1780 et années suivantes ; Nouvelles lettres édifiantes des missions de la Chine et des Indes orientales, 1818-18a3 ; Annales de la propagation de la ^oi (depuis 1827) ; Annalesde la Compagnie de /a il/is5/o « (lazaristes ; depuis i&3^) ; Annales de la Sainte Enfance (de’pMis 1847) ; Wiseman,