Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée

33

LOUIS XVI

34

inquiet, y appela le régiment de Flandres. Un banquet, offert aux officiers de ce régiment par les gardes du corps, servit de prétexte à une nouvelle insurrection : on prétendit que, à ce banquet, la cocarde tricolore, adoptée après la prise de la Bastille, avait été insultée. Le 5 octobre, une liorde de femmes et d’hommes déguisés enfemmes, conduite parl’liuissier Maillard, se porta sur Versailles. Il eût été facile de l’arrêter ; on n’y songea même pas : ministres et prince paraissaient frappés d’aveuglement. Le soir, la garde nationale parisienne arrive à son tour ; La Fayette, qui la commandait, rassura la famille royale, mais ne prit aucune mesure sérieuse de protection.

Le 6 au matin, des bandes pénétraient dans le Cliàteau, envahissaient les appartements de la Reine, qui n’eut que le temps de fuir par un escalier dérobé, égorgeaient les gardes qui essayaient de la défendre, et, le soir, la famille royale devait rentrer à Paris, dans un triste cortège que précédaient les vainqueurs de la journée, portant au bout d’une pique les têtes des gardes ducorps assassinés. Quelques jours après, l’Assemblée nationale venait, à son tour, s’installer dans la capitale. Le Roi était prisonnier ; l’Assemblée ne l'était pas moins : dès lors, elle était condamnée à délibérer sous les yeux, et sous la pression, de la canaille, qui remplissait les tribunes et menaçait de la lanterne les députés suspects.

Il y evit cependant encore quelques jours de répit. L’Assemblée avait décidé que, le 14 juillet 1790, on célébrerait au Champ de Mars, en souvenir de la prise de la lîaslille, une grande fête, où les gardes nationales de tout le royaume formeraient comme une immense fédération. Les fédérés de province, encore imbus des vieilles traditions monarchiques, saluèrent d’acclamations enthousiastes la famille royale, et, un an plus tard, un des chefs du parti révolutionnaire, Barnave, avouait que si, ce jour-là, le Roi avait su proliter de la bonne volonté des gardes nationaux de province, il eût pu reconquérir son pouvoir. Mais le Roi ne sut pas : d’autant plus incapable de résolutions viriles que ses ennemis devenaient plus entreprenants, il n’avait que ce courage passif qui ne craint pas le danger, mais ne sait prendre aucune initiative pour s’en défendre. La Reine, plus ardente et plus intréjiide, s’efforçait en vain de communiquer à son mari quelque chose de la ûère énergie qui l’animait. Mirabeau, qui, après avoir détruit, s’efforçait de reconstruire et avait offert son concours, se décourageait lui-même devant les tluctuations du prince.

L’Assemblée continuait à discuter la Constitution, empiétant chaque jour un peu plus sur les prérogatives royales, enlevant au monarque ses droits les plus essentiels. Elle ne se bornait pas à faire des réformes politiques ; elle prétendait aussi faire des réformes religieuses. Après avoir déclaré que les biens de l’Eglise étaient à la disposition de la nation — formule polie de confiscation — elle avait bouleversé toutes les règles de la discipline ecclésiastique, usurpé sur les droits du Saint-Siège, supprimé des évêchés, créé de nouveaux sièges, rompu les liens entre l’Eglise gallicane et Rome. Profondément chrétien, ému de ces empiétements du pouvoir laïque, le Roi en référa secrètement au Pape, et, le 10 juillet 1790, Pie VI lui répondit en l’engageant à consulter les deux membres ecclésiastiques de son ministère, les archevêques de Vienne et de Bordeaux. Mais l’Assemblée s’impatientait ; elledevenait menaçante ; les deux prélats, effrayés, engagèrent le Roi à céder, et le 24 août 1790 il donna sa sanction à la nouvelle loi religieuse. Quelques jours après, le 22 septembre, le Pape lui écrivait sa douleur de cette

Tome III ;

faiblesse, et le 13 avril 1791 il condamnait la Constitution schismatique, ajoutant ainsi aux tourments du prince un tourment nou eau, le remords.

Mais si Louis XVI avait sanctionné la Constitution civile, il n’entendait pas s’y soumettre lui-même : tous les prêtres de sa chapelle étaient pris parmi ceux qui avaient refusé le serment exigé par r.ssemblée. Quand l'àques 1791 approcha, désireux d'éviter un contlil, il résolut d’aller passer les fêtes hors Paris, à Saint-Cloud. Mais quand il voulut partir, la garde nationale s’y opposa, et, le 24 avril, le Roi et la Reine durent assister aux offices de la paroisse des Tuileries, Saiut-Germain-l’Auxerrois, célébrés par le curé schismatique.

C’en était trop. Le souverain avait pu accepter les sacrilices demandes à son autorité ; le chrétien regimba contre la violence faite à sa conscience et décida d’aller, non pas à l'étranger, mais sur la frontière, à INlontmédy, chercher, sous la protection de son armée, une liberté qu’il n’avait plus dans la capitale. Le plan, longuement et minutieusement combiné entre le général de Bouille etun chevaleresque Suédois, dévoué à la famille royale, le comte de Fersen, échoua par suitede contretemps fâcheux. Arrêtés à Varennes, les fugitifs furent ramenés à Paris et gardés à vue, dans le château des Tuileries, transformé en prison. Us ne recouvrèrent leur liberté que lorsque la Constitution fut achevée. Le 13 septembre, le Roi l’accepta, et le 30, l’Assemblée Constituante se sépara, cédant la place à l’Assemblée Législative, médiocre et violente, qui reprit et poussa vivement la lutte contre la Royauté.

Au dehors, l'émigration était en armes ; commencée le 16 juillet 1789, après la prise de la Bastille, augmentée de tous ceux que lésait le nouvel état de choses, de tous ceux qui étaient menacés dans leurs biens ou dans leur vie, devenue presque irrésistible après l'échec de Varennes, elle s'était constituée en parti, sousla direction politique des comtes de Provence et d’Artois, sousla directionmilitairc du prince de Condé. Elle irritait plus qu’elle n’effrayait ; elle servait surtout, par ses armenents et sesnégociations avec les puissances européennes, de prétexte à de nouveaux empiétements contre l’autorité royale et à des soulèvements populaires contre le souverain qu’on accusait de connivence avec elle et surtout avec l'étranger. Le Roi suppliait ses frères et leurs amis de rentrer en France ; ils refusaient. Le 20 avril 1792, sous la pression de l’Assemblée, il déclara la guerre à l’Autriche ; mal préparée, avec une armée décapitée de ses principaux chefs, la guerre débuta par des échecs ; Paris, un moment effrayé, s’agita et se souleva ; la presse révolutionnaire attaqua avec une violence inouïe la famille royale qu’elle rendait responsable de ces échecs.

L’Assemblée porta un décret qui condamnait à la déportation les prêtres insermentés, un autre qui formait sous les murs de Paris un camp de vingt mille hommes, véritable armée révolutionnaire à sa disposition. Louis XVI ayant refusé de sanctionner ces décrets, le 20 juin les Tuileries furent envahies ; le Roi et la Reine insultés et menacés ; le Dauphin coiffé d’un bonnet rouge. Devant le calme du Roi et la noble fermeté de la Reine, l’insurrection se retira, mais ce fut pour revenir six semaines plus tard : le 10 août, tout était emporté ; le Château incendié ; les Suisses, qui le défendaient, massacrés. Le Roi, retiré avec sa famille dans l’enceinte de l’Assemblée, entendait proclamer sa déchéance, et, le 13, il était enfermé au Temple.

Triste prison que celle-là, et qui ne pouvait être que le vestibule de l'échafaud, mais où Louis XVI fut plus roi qu'à Versailles et aux Tuileries. Aux