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MARTYRE

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nobles, des prêtres et des moines. Des villages et même des villes furent détruits. On estime à 200 mille le nombre des victimes : les documents officiels russes en avouent 50 mille (Theiner, Vicissitudes de l’Eglise catliolicjue des deux rites en Pologne et en Russie, Paris, 1843, 1. I, p.142-143).

Le soulèvement habilement provoqué des patriotes, puis leur écrasement, amenèrent, en 1772, le premier partage de la Pologne, donnant à Catlierine une partie de la Lithuanie, avec 1.600.000 liabitants, et à Frédéric Il la Prusse polonaise, avec 700.000 habitant. L’impératrice Marie-Thérèse, qui gagnait le plus gros morceau, la Galicie, avait, pour apaiser les reproches de sa conscience et obéir aux supplications du pape Clément XIV, obtenu de ses complices la promesse d’une complète liberté religieuse pour les catholiques incorporés à leurs Etats (Theiner, Histoire du pontificat de Clément A’iV, Paris, 1852, t. II, p. 289-291, 300-302). La promesse fut écrite dans le traité conclu en 1778 avec le roi de Pologne {ilnd., >. 314) ; mais le traité était à peine signé, que plus de douze cents églises, en Ukraine, sur mille neuf cents, étaient enlevées aux Grecs unis, et leurs prêtres forcés, par de mauvais traitements, à passer avec leurs ouailles dans l’Eglise officielle (voir le mémoire rédigé en juin 1771J par le nonce du pape en Pologne, Garampi, et le métropolitain uniate de Kiev ; Theiner, démentis A’IV P. M. Epistolæ et Brevia, Paris, 1 852, p. 359-364). Le prétexte était tout trouvé, et servira jusqu'à nos jours : on considérait comme n’ayant pas cessé d’appartenir au schisme les Eglises qui, scliismatiques avant ibo^b, s'étaient, à partir de cette date, réunies à l’Eglise romaine. Catherine sut profiter habilement des divisions qui existaient entre les catholiques des deux rites, et qui eurent surtout pour cause le zèle malencontreux déployé par beaucoup d'évêques et de religieux latins, malgré les défenses formelles des Papes, contre les coutumes nationales des uniales (voir le livre cité plus haut de Mgr Likowski, p. 288-284, 286). Le mécontentement qu’en ressentaient ceux-ci, était encore aigri par le dédain que leur montrait la noblesse polonaise, appartenant en grande partie au rite latin. Aussi beaucoup d’entre eux se trouvaient-ils préparés d’avance à revenir au schisme, où ils espéraient trouver moins d’amertumes. Les apostasies se multiplièrent, et l’Eglise ruthène-unie se dépeupla peu à peu dans les diocèses de Polotsk, Smolensk, Nowogorod et Minsk.

Lors du partage de 1793, qui lui donnait la seconde moitié de la Lithuanie, la Volliynie, la Podolie et la partie polonaise de l’Ukraine, augmentant de 3 millions le nombre de ses sujets polonais, Catherine renouvela, plus précises encore, les promesses de liberté religieuse : S. M. l’impératrice de toutes les Russies promet, d’une manière irrécusable, pour elle, ses héritiers et successeurs, de maintenir à perpétuité les catholiques romains des deux rites (utriusque ritus) dans les possessions imperturbables des prérogatives, propriétés et églises, du libre exercice de leur culte et discipline, et de tous les droits attacliés au culte de leur religion, déclarant, pour elle et ses successeurs, ne vouloir jamais exercer les droits de souverains au préjudice de la religion catholique romaine des deux rites » (article 8). Mais cette clause fut tout de suite violée : Catherine envoya à ses nouveaux sujets des missionnaires schismatiques, accompagnés de soldats, et obtint de nombreuses conversions, où le knout et le pillage eurent plus de part que la persuasion. Les palatinats de Kiev, de Bracklaw et de la Volhynie perdirent alors la plus grande partie de leurs catholiques uniates : on dit qu’un million de ceux-ci passèrent

au schisme russe. Les missionnaires impériaux furent moins heureux dans la Podolie, où l'évêque de Kamienieck, Pierre Bielawski, soutint la résistance des catholiques.

Cependant, dans l’ensemble, le mouvement ne s’arrêta point, et quand Catherine mourut, en 1 ygô, un an après le dernier démembrement, qui avait fait passer sous son joug 4.500.ooo Polonais, l'œuvre schismatique était presque accomplie. En vingt-trois ans, depuis le premier partage jusqu'à celui qui retrancha la Pologne du nombre des nations, le prosélytisme persécuteur de Catherine avait rejeté au schisme 8 millions de Ruthènes et coftté à l’Eglise unie 9.3 16 paroisses, de nombreuses succursales et cent quarante-cinq couvents (voir, pour les statistiques, l’article Eglise russe, très copieux et très bien informé, dans l’Encyclopédie catholique de Glaire et "Walsh, t. XVI, Paris, 1847, P- 8>2). Oh I que la haine de Voltaire contre la religion catliolique était bien inspirée, quand il écrivait à Catherine, dès le 6 juillet 1771 : a Povir moi. Madame, je suis Udèle à l’Eglise grecque, d’autant que vos belles mains tiennent en quelque façon l’encensoir, et qu’on peut vous regarder comme patriarche de toutes les Russies 1 »

c) La persécution contre l’Eglise unie s’apaisa sous les deux successeurs de Catherine, Paul I""^ et Alexandre 1". Pendant leurs règnes (1796-1826), malgré des difficultés intérieures, et grâce à la protection persévérante du Saint-Siège, cette Eglise put réparer une partie de ses pertes. Mais cette courte prospérité fut brutalement arrêtée par l’empereur Nicolas I", qui reprit, en lui donnant une forme encore plus violente, la tradition de son aïeule. Nous entrons tout à fait, cette fois, dans l'ère des martyrs. Status plorandus, non describendus, s'écrie en 1843 le vieux cardinal Pacca qui, passant en revue, dans un discours public, l'état religieux des diverses contrées de l’Europe, ne trouve pas d’autres paroles pour dépeindre la situation du catliolicisme en Russie el

« dans l’infortunée Pologne «.(iVewiOi/es, Paris, 1860, 

t. 11, p. 362)

Les premiers coups de Nicolas tombèrent sur l’Eglise ruthène-unie des provinces démembrées de la Pologne. Ce serait une erreur de croire que l’insurrection polonaise de 1830, si cruellementrôprimée, ait été l’origine de ses attentats à la liberté religieuse des uniales. Ils commencèrent, pour ne plus s’interrompre, dès le début du règne. De 1826 à 1889 sévit une persécution légale, bureaucratique, de dessein suivi, qui se fait sanglante quand elle rencontre la résistance. Avec l’aide du « collège catholique romain », institution fondée contre l’Eglise catholique sous prétexte de la défendre, l’empereur réussit à placer sur quelques sièges épiscopaux du rite uni d’indignes pasteurs, qui lui livrèrent peu à peu leurs troupeaux. Pour faciliter à ceux-ci le passage au schisme, en le rendant comme insensible, plusieurs ukases, empiétant sur un terrain fermé au pouvoir civil, et surtout à un pouvoir schismatique, changèrent leurs livres liturgiques, réglementèrent les offices et les pratiques pieuses, modifièrent l’architecture intérieure et extérieure des églises catholiliques, donnant à celles-ci, par leur apparence comme par leurs cérémonies, une ressemblance chaque jour plus marquée avec les églises schismatiques.

Les mariages mixtes furent favorisés, à la condition pour les parents de faire élever dans l’orthodoxie russe les enfants qni en naîtraient. La nomination des curés fut attribuée aux gouverneurs des provinces, ce qui amena des choix détestables et précipita la défection de nombreuses paroisses. On