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MARTYRE

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exécuté par le sculpteur Lafond, est placé au sommet. La cause de ce martyr est aujourd’hui introduite en cour de Rome. (Voir Berbauggkh, Geronimo, le martyr du fort des Vingt-quatre heures à Alger, Alger, 1 859)

Il suUisait parfois du fait le plus léger, d’une simple inadvertance, pour se trouver enrôlé malgré soi parmi les sectateurs de Mahomet, et puni ensuite si l’on était surpris faisant acte de chrétien. En 1660, David, riche habitant d’Alep, en Sj’rie, ayant porté par mégarde un turban de la couleur réservée aux musulmans, fut inscrit parmi eux malgré ses protestations. Chargé de chaînes, longtemps maltraité, il persista à se dire chrétien. Il passa même du schisme grec au catholicisme. On lui trancha la tête, le 29 juillet 1660 (RA.BBATH, Documents înédils pour seryir à l’histoire du christianisme en Orient, t. I, p. 457).

Une histoire semblable est racontée, en 1789, dans une lettre d’un missionnaire jésuite. Il s’agit d’un jeune Ai-ménien catholique qui, à Gonstaulinople, dans une partie de plaisir, prit, sous l’influence de l’ivresse, le tui’ban mahométan. Quand les fumées du vin se furent dissipées, il fut saisi de remords, et courut confesser sa faute. Le religieux auquel il s’adressa lui conseilla de quitter secrètement la ville ; mais lui voulut, au contraire, efïacer par une réparation éclatante le scandale qu’il avait donné. Il rejeta le turban mahométan, reprit l’haiiit arménien, se montra eu public, et fut mis en prison. Le grand vizir, auquel on le conduisit, le menaça de le condamner à mort s’il ne changeait de conduite. C’est la seule grâce que je vous demande, et la plus grande que je puisse recevoir en ee monde jj, répondit le jeune homme. Il résista aux plus belles promesses, et marcha au supplice en disant son chapelet (Leclbrcq, Les Martyrs, t. X, p. 148-151).

Voici une curieuse histoire de renégat. C’est le martyre, en 1627, d’un chrétien copte à Girgé, en Egypte. Il avait eu le malheur de tuer son frère, de colère de ce que celui-ci eût embrassé le mahométisme. On lui lit son procès. Il fut sollicité d’abandonner sa foi pour sauver sa vie. Il refusa longtemps, malgré les tortures ; puis il s’avoua vaincu, et renia. Le remords le saisit bientôt, et la vie qu’il avait achetée au pris de l’apostasie lui devint à charge. Il alla trouver le pacha, sollicitant la révision de son procès, et déclarant « que si bien l’appréhension des peines lui avait arraché quelques paroles mal digérées en faveur du mahométisme, néanmoins elles n’avaient fait que couler sur le bord des lèvres ; qu’au reste son cœur et son affection étaient entièrement à Jésus-Christ ; qu’il était également honteux et marri d’avoir déshonoré sa foi et le nom de chrétien qu’il portait, par cette lâcheté ; et que pour faire quelque réparation, il reniait de tout son cœur le faux et détestable prophète ; il demandait la mort en punition de son crime. Il ajoutait un sommaire de sa profession de foi, qui consistait presque en un dénombrement des articles du Symbole, et concluait en tels ou semblables termes : e Je proteste que je suis résolu de signer tout ce que dessus, de mon sang, et qu’on le tire de telle partie qu’on voudra de mon corps. Ainsi me vienne aider mon Rédempteur Jésus-Christ, et me pardonner mon offense ! » Le pacha le condamna à être empalé. « Il mourut avec tant de constance et de sentiment de piété que les Turcs mêmes s’en étonnaient et disaient tout haut que véritablement c’était mourir eu homme de bien et de courage, et que leur Alcoran n’avait encore point produit de pareil exemple. On remarqua particulièrement qu’il quitta ce triste visage de criminel, dès qu’il pensa d’avoir recouvré son innocence, se

voyant condamné à la mort. Parmi le plus grand excès de ses souffrances, il garda jusqu’au dernier soupir le même contentement dedans ses yeux et la même sérénité dessus sa face. » (ie voyage en Ethiopie entrepris par le P. Aymard Guérin, 1637, dans Rabbath, t. I, p. 16-19.)

Une histoire plus ancienne, celle de saint André de Chio, montre que le plus léger soupçon, même en l’absence de tout indice, suffisait pour faire mettre à mort ceux qu’il plaisait à des musulmans d’accuser d’avoir abandonné leur religion. Venu en 1465 de rUe de Chio à Conslantinople, à l’âge de vingt-sept ans, André, excellent chrétien, qui s’était voué à la sainte Vierge, visitait pieusement les églises de cette ville épargnées par le conquérant, lorsqu’il fut dénoncé comme traître à la religion de Mahomet, qu’il avait, disaient les accusateurs, ouvertement embrassée à Alexandrie. Conduit devant un juge, il nia énergiquement ce qui lui était reproché, et, comme il fut constaté qu’il n’était pas circoncis, il allait être relâché, lorsque quelques-uns des assistants tirent observer que ce fait ne prouvait rien, puisque les adultes devenant mahométans avaient le droit d’éviter la circoncision. Embarrassé, le juge envoya demander au sultan ce qu’il devait faire de son prisonnier. Mahomet II lui fit répondre qu’il fallait ou décider André, qui était jeune, vigoureux et intelligent, à entrer dans l’armée comme officier, ou, s’il refusait, le mettre à mort. En conséquence, I prières, menaces, tout fut employé pour décider André à accepter une offre aussi séduisante, qui naturellement, s’il l’acceptait, devait le faire passer à l’islamisme. Le jeune chrétien repoussa avec horreur ces propositions. Alors le juge irrité le fit torturer cruellement pendant dix jours, et comme André, inébranlable, supportait les tourments en invoquant sans cesse.l’assistance de la Vierge Marie, il donna ordre de le décapiter, le 29 mai 1465 (voir dans les Acta 5<j/ ! c/orum, mai, t. VII, p. 185-188, la relation écrite par un contemporain, Georges de ïbébizoNDB, à la suite d’un vœu fait au martj’r).

Conslantinople vit, le 19 septembre 1663, le martyre d’un jeune chrétien qui, lui, avait réellement apostasie, mais qui expia son crime de la manière la plus courageuse. Gabriel était né au village de Khurnawil, en Arménie, a Son frère, qui dès l’enfance avait abjuré la foi chrétienne et servait parmi les janissaires, parvint à lentraïner dans son apostasie. Gabriel le suivit à l’armée et fit plusieurs campagnes dans le même régiment. Enfin, cédant aux remords, il déserta et s’enfuit <t au pays des Francs ». Il erra en pénitent pendant plusieurs années à travers la chrétienté, se rendit en pèlerinage au tombeau de saint Jacqnes, frère du Seigneui-, aux sanctuaires de la Vierge et des saints apôtres Pierre et Paul. Tant de souffrances volontaires ne lui rendirent pas la paix de l’âme. Pour en finir, l’apostat converti retourna à Conslantinople. Là, malgré les.supplications des siens, il alla de lui-même se faire arrêter. Le vizir le crut fou et l’envoya en prison. Le lendemain, après un nouvel interrogatoire, auquel il répondit avec une intrépidité modeste, Gabriel fut condamné à être pendu dans les rues de la ville et conduit au supplice à l’instant même. Pendant deux jours qu’on le laissa sur le gibet, l’éclat de son visage ne s’altéra pas : on l’eût cru endormi. Jusqu’à ce qu’enfin les Turcs, irrités de voir les chrétiens se presser en foule pour contempler le martyr, le détachèrent et le jetèrent an Bosphore. » (Analecta Boltandiana, t. XXVII, 1908, p. aSa, d’après Isaac Stbabean, in confesseur inconnu : le martyr Gabriel, dams Handest Amsorea, t. XXI, 1907, p. 61-62)