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MARTYRE

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la mère d’Henri IV, Jeanne d’Albret, eut embrassé les doctrines de Calvin, elle décréta en 1671, dans son royaume de Béarn, l’abolition du culte catholique, <c voulant imiter EzéoUias, Josias et Théodose, qui avaient détruit l’idolâtrie. » Cette abolition fut << fort griefve au peuple », reconnaît le ministre protestant BoRi)ENAVK(///sioire de Béarn et de Aavai-re, éd. de la Société Je l'/Iistoire de France, Pavis, 1878, p. 3u). Leclergé.nialjjré lerelàchementqui y régnait, eut peu d’apostats (150 sur 2000 prêtres) et donna à Dieu des martyrs (Poyedavant, Histoire des troubles survenus en Béarn dans le A’VI' et la moitié du X'//' siècle, Pau, t. I, 1819, p. 368, 380, 433). A Orthez, le lieutenant général de la reine, Monlgomery,

« fit massacrer en chaire le prieur des Augustins

prêchant contre l’hérésie en face des hérétiques, et précipiter dans le gave les prêtres et les fidèles qui refusaient d’apostasier. A Oloron, il voulut forcer à abjurer quatre moines augustins, eî, sur leur refus, il les fit périr, au mépris d’une capitulation, avec d'étranges raninements (ie barbarie «. (De Mraux, Les luttes religieuses en France au A’M' siècle, Paris, 1879, p. 12/t) A Lascar, il fit pendre tous les ecclésiastiques qui ne voulurent pas apostasier (Dubar-RAT, f.e Protestantisme au Béarn et au pays basque, Pau, 18g5 ; cf. du même, La Tolérance de Jeanne d’Alliret, dans C. R. du IIP congrès scientifique international des catholiques, sciences historiques, Bruxelles, iSgâ, p. 3a9-332). « Une infinité de prêtres, de religieux, de catholiques de tous états ont été massacrés dans le Béarn par les ordres de la reine Jeanne, sans autre crime que celui de leur religion ou de leur ordre >, dit Bossuet (Cinquième avertissement sur les lettres de M. Jurieu). Même sur mer, ses officiers poursuivaient les missionnaires catholiques. Le jésuite Azevedo et ses compagnons furent arrêtés, vers Madère et les Canaries, par un huguenot de Dieppe, qui prenait le titre d’amiral de la reine de Navarre : « Tuez, dit-il à ses matelots, tuez cette canaille qui allait semer le papisme au Brésil. Jetez à la mer ces chiens de Jésuites ! » (Theatrum crudelitatis hæreticorum, p. hl^) Noyés en 1670, ils ont été béatifiés par Benoit XIV en 1742. Un calviniste béarnais, au service de la même persécutrice, attaqua, l’année suivante, un navire portant quatorze autres missionnaires qui avaient suivi les traces d' Azevedo, et tua douze d’entre eux. (Zes Missions catholiques françaises au.YI. siècle, t. VI, p. 386) Le culte catholique ne fut rétabli en Béarn qu’un an après l'édit de Nantes : la première messe publique, depuis l’apostasie de Jeanne d’Albret, y fut célébrée en iSgg : le clergé catholique n’y obtint qu’après plusieurs années la restitution des églises, et en i 620 seulement celle de ses biens confisqués.

c) En Suisse, l’esprit tyrannique de Zwingle et de Cah in s’imposa par la violence : partout où elles purent se former, les majorités protestantes y opprimèrent les minorités catholiques, et, non contentes de l’intolérance envers les personnes, dévastèrent les plus vénérables monuments de l’ancien culte : là comme dans tous les pays où sévit la Réforme, d’innombrables trésors d’art disparurent sous les coups d’un barbare ou cupide vandalisme. Mais il y eut peu de martyrs iiroprerænt dits. Le plus illustre est saint Fidèle de Sigmaringen, l’apôtre des Grisons. Ancien avocat, devenu Capucin, il avait été envoyé par la Propagande pour ramener à la foi catholique les populations de ce vaste canton, qui avaient passé en majorité au calvinisme, et pris les armes contre l’Empire. Le succès de ses prédications excita le ressentiment des calvinistes : une troupe de soldats, conduits par un ministre, se saisit de lui à Seewis ; on voulut le contraindre à l’abjuration ; sur

son refus indigné, ses agresseurs le frappèrent de coups d'épée, le poignardèrent, et lui coupèrent la jambe gauche. Martyrisé en 1622, il a été canonisé par Benoit XIV en 17^6 (voir F. della Scala, Der heilige Fidelis von Sigmaringen, Erstlingsmartyr des Kapuzinerordens und der Congregatio de Propaganda Fide, Mayence, 18, 6 ; P. de La Motte Servala, Avocat, religieux, martyr, ou saint Fidèle de Sigmaringen, martyrisé pur les protestants, Paris, 1901). d) Vers la même date, la Hongrie, jadis le boulevard de l’Europe contre la barbarie musulmane, était alVaiblie et ruinée par les sectes hérétiques. Depuis le commencement de la Réforme, luthériens et calvinistes s’y disputaient la prépondérance ; dans ce conflit, les catholiques, en beaucoup de lieux, avaient été persécutés, avaient vu leurs églises dépouillées, leur clergé menacé de mort ou d’exil. En 1566, à Grosswarden, où le tombeau du saint roi Ladislas venait d'être profané, tous les chanoines qui refusèrent d’embrasser le nouvel évangile et de se marier furent massacrés (Hœninghaus, La Réforme contre la Réforme, trad. franc., Paris, 1845, 1. 1, p. 480). Les troubles politiques du xvii » ^ siècle rendirent la situation pire encore. Les magyars révoltés en 1619 contre l’Empire, sous la conduite du calviniste Bethlen Gabor, assaillaient le clergé et les moines, pillaient les églises et les couvents, et commettaient partout des atrocités. Le 5 sej)t(-mbre, l’un des lieutenants de Bethlen, Rakoczy, envahit la ville de Kaschau. Le conseil de la ville, où dominaient les influences calvinistes, voulut assurer la sécurité de la population en livrant le chanoine Crizin et les Jésuites Pongracz et Grodecz. n Préparez-vous à mourir », leur dirent leurs gardiens. —

« Pour quel motif ? — Parce que vous êtes papistes, 

et demain on vous le fera bien voir. — Pour un titre aussi glorieux, répondit Pongracz au nom de tous, c’est à l’instant même que nous sommes prêts à mourir. » On les éprouva par tous les moyens ; on les laissa presque mourir de faim ; on leur promit biens et dignités s’ils voulaient embrasser le calvinisme ; on essaya vainement de séparer la cause du chanoine de celle des religieux. Désespérant de vaincre leur résistance, les heiduques protestants les accablèrent de mauvais traitements ; on les attacha au plafond avec des cordes ; à l’imitation des bourreaux de l’antiquité, on promena sur tout leur corps des torches enflammées ; puis on décapita le chanoine Grisin et le jésuite Grodecz, dont on jeta les cadavres dans une fosse d aisance. Pongracz n’avait pas été décapité, mais assommé ; il fut jeté, vivant encore, dans la même fosse. Il y resta de longues heures au milieu des immondices avant d’expirer, trouvant encore la force d’exhorter un catholique hésitant, qui se trouvait près de là, et ne cessant d’invoquer Jésus et Marie. Les trois martyrs hongrois ont été béatifiés par Pie Xle 1 5 janvier igoS (H. Chérot, Figures de martyrs, Paris, 1907, p. 177201 et 305-307).

4. L’Anglicanisme. — a) En Angleterre, la persécution sanglante contre les catholiques dura plus d’un siècle, pour se continuer ensuite sous une autre forme, les amendes et la confiscation. Supprimer les catholiques, et, si l’on ne peut les supprimer tous, réduire à néant l’influence de ceux qui restent, par l’exclusion des affaires et par la ruine, telle fut la tactique avouée et ouvertement suivie par leurs persécuteurs anglicans.

Un piège continuellement tendu à leurs consciences fut celui des serments : serment de suprématie, c’est-à-dire reconnaissance par serment de la suprématie du souverain sur l’Eglise, à l’exclusion de