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MARTYRE

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infantali. Leurs mères les accomiiagnaient, animées de sentiments bien divers : les unes conjurant leurs enfants de se soumettre au second baptême, que partout les hérétiques essayaient d’imposer aux ortliodoscs, les autres les exliortant à demeurer iidèles au sacrement qui les avait faits catholiques : et c’est, dit Victor de Vite, à ce dernier parti que tous s’arrêtèrent II, XIX). A Carthage, un enfant noble, de sept ans, fut arraché à sa mère pour être conduit ainsi aux fonts baptismaux. La mère, les cheveux épars, courait après les ravisseurs, et l’enfant se débattait dans leurs bras, en criant : « Js suis déjà chrétien, je suis déjà chrétien, par saint Etienne je suis clirétien ! » On le bâillonna, et on le plongea malgré lui dans la piscine, « os opturanles …in suum gurgitem demerserunt «. Même résistance de la part des enfants du médecin Liberatus, qui criaient aussi : « Je suis déjà chrétien ! » Il faut lire tout ce récit de Victor de Vite, ce qu’il dit de l’intrépidité de la mère, de la ruse des persécuteurs, qui veulent lui faire croire que son mari a renié la foi, des reproches que, ainsi trompée, elle adresse à celui-ci, et de l'énergique réponse du clirétien calomnié V, xiv). Dans l’Eglise de Carthage, des enfants, selon l’usage de cette époque, remplissaient l’office de lecteur : ils formaient, en réalité, une sorte de « maîtrise n. Quand le clergé de cette ville fut emmené en exil, les jeunes lecteurs le suivirent. Mais vin clerc apostat en retint de force douze, qu’il savait bons chanteurs. On voulut les attacher au service du culte hérétique. Us refusèrent, et, bien que mis plusieurs fois à la torture, persistèrent à ne prêter aucune aide à des chants sacrilèges. Quand, après la mort d’Hunéric, revint la paix religieuse, ils reprirent leur office dans l’Eglise catholique : on les appela a le choeur des douze petits apôtres ». V, x)

Victor de Vile cite parmi les martyrs de la persécution d’Hunéric, les uns mis à mort, d’autres survivant aux plus cruelles tortures, Dativa, sœur de la courageuse Dionisia, dont nous avons parlé plus haut, Leontia, « fille du saint évoque Germain a, le » vénérable médecin Emile, illustre par la confession qu’il lit de la Trinité », Boniface de Sibida : « Que de douleui’s ils souffrirent, et quels supplices leur déchirèrent les entrailles, quanta pertulerunt qualibusqiie cruciatibus es’isceratæ vel eviscerati siint, personne ne saurait le décrire. >j V, i) A Tuburbo majus, un citoyen noble, Servus, après avoir été fustigé, est plusieurs fois élevé au moyen d’une poulie, puis, les cordes se relâchant, est précipité violemment sur les pavés ; d’autres fois on le traîne au milieu des rochers, dont les aspérités lui déchirent le corps V, ii). Victor d’Adrumète, le plus riche habitant de l’Afrique, à ce moment gouverneur de Carthage, est invité au nom du roi à l’apostasie : f Je suis sur de Dieu et du Christ mon Seigneur, répond-il aux envoyés d’Hunéric, et voilà ce que vous direz de ma part au roi : qu’il me jette dans le feu, qu’il m’expose aux bêtes, qu’il me fasse soulfrir toute espèce de tourments ; si je consens à son désir, c’est qu’inutilement j’aurai été baptisé dans l’Eglise catholique. Car même si cette vie présente était la seule, et si nous n’espérions pas la vie éternelle, qui existe véritablement, je ne voudrais pas, pour conserver pendant peu de temps des honneurs passagers, me montrer ingrat envers celui qui m’a donné sa foi. » Cette réponse exaspéra le roi, qui infligea à l’ancien proconsul d'épouvantables supplices, <f jusqu’au jour où la mort couronna son martyre » V, iv). On cite encore le martyre, à Carthage, de deux négociants, portant l’un et l’autre le nom de Frumentius, et celui de sept religieux, l’abbé Liberatus, le diacre Boniface, les sous-diacres Rusticus

et Servus, les moines Rogatus, Septimus et Maximus (ibid.). On a de ces sept martyrs de très bons Actes : nous y lisons qu’ils furent attachés ou cloués au-dessus d’un brasier, puis, le feu s'étant éteint à plusieurs reprises, assommés à coups de rames {/'assio ieatissimoriim ntartyruiii qui upud Carthaginein passi surit suh inipio rege Ilunerico, die vi non. Jul., à la suite de VHisioiia de Victor de Vite).

Une des histoires les plus étranges, mais aussi des mieux attestées, que raconte Victor de Vite, est celle des martyrs de Tipasa. Cette ville de Maurctanie était terrorisée par un évêque arien, qui voulait forcer tous les habitants à embrasser son hérésie. Le plus grand nombre des catholiques parvint à se réfugier en Espagne : il en resta cependant quelquesuns, qui n’avaient pu s’embarquer, et continuèrent à célébrer secrètement leur culte. Hunéric, informé de leurs réunions, commanda de leur couper la main droite et la langue. Cependant, après ce supplice, ils parlaient clairement. « Si quelqu’un refuse de nous croire, dit l’historien, qu’il aille à Constantinople, et il y trouvera l’un de ces martyrs, le sousdiacre Reparalus, qui parle sans difliculté ; à cause de quoi cet homme vénérable est tenu en grand honneur dans le palais de l’empereur Zenon : particulièrement l’impératrice a pour lui une grande vénération. >i V, vi) Le témoignage de Victor de Vite n’est pas le seul : le comte Marcellin affirme, dans sa Chronique, avoir vu lui-même à Gonstantinople un de ces confesseurs, qui avait la main droite amputée et la langue coupée, et qui parlait distinctement (Marcblli.vds comes, Chron., ann. 484, dans Mon. Germ. hist., Auct. ant., t. XI, p. 98). Procopb {De bello Vand., 1, vni), Victor de Thunb (Chron., ann. 479 ; Mon. Germ. hist., t. XI, p. 189), Aeneas DE Gaza (dans Migne, P. /,., t. LXXXV, col. looi), saint Grégoire le Grav^d (Dialog., III, xxxii), rapportent le même fait ; saint Grégoire dit en tenir le récit d’un évêque qu’il rencontra à Gonstantinople, et qui avait pu examiner les bouches sans langues des confesseurs. L’attestation la plus imposante se trouve dans une constitution de Jcsïinien : « Nous avons vu, dit l’empereur, ces hommes vénérables, à qui l’on avait coupé la langue jusqu'à la racine, et qui, chose merveilleuse, avaient conservé la parole.) {Code Just., I, XXVII, 1) Voir sur ce fait Newman, ^ote on ecclesiastical miracles, dans Hislory of my religious opinions, Londres, 1865, p. SoG-Sog.

3. Dans cette crise suprême de l’Eglise d’Afrique le témoignage des martyrs n’est pas demeuré sté rile. On a ^^l tout à l’heure comment le courage di Dionisia avait sauvé sa ville de l apostasie a Et combien dans cette ville, dit Victor de Vite, on été par là gagnés à Dieu ! il serait trop long de 1< raconter. V, i) Il est plusieurs fois question, dan ; le livre de cet historien, de Vandales confesseui-s il en cite deux qui avaient déjà confessé la" foi ; plusieurs reprises, et qui sous Hunéric la confessé rent de nouveau, eurent tous leurs biens confisqués et partirent avec leur mère pour l’exil V, x) ; i cite encore la femme d’un serviteur du roi, appeh Dagila, a matrone noble et délicate », qui, déjà plu sieurs fois confesseur sous Genséric, fut par Huné rie condamnée à la flagellation et à l’exil, et, pour h Christ, abandonna » avec joie » sa maison, sonépou ? et ses enfants, poussant l’esprit de pénitence jusqu’i refuser ensuite d'échanger contre un séjour moins dui le désert aride où on l’avait d’abord reléguée V, vni) Ces compatriotes des persécuteurs avaient vi^isemblablement passé de l’hérésie au catholicisme aprè : avoir été témoins du courage des martyrs. Aussi le ; Vandales, quand le fanatisme ne les emportait pas et quand ils se donnaient la peine de la réflexion