Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/201

Cette page n’a pas encore été corrigée

389

MARTYRE

390

les pierres et les broussailles. Les chrétiens purent recueillir leurs corps lacérés, et Victor db Vitk raconte, d’après un évêque qui en fut témoin, un miracle opéré à leur tombeau I, x-xi).

Un autre épisode nousmonlre lesépreuves morales auxquelles furent quelquefois soumis les martyrs. Saturus était l’intendant d’Hunéric, le lils aîné et le futur successeur du roi. On voulut le contraindre à embrasser l’arianisrae. Les promesses d’honneurs, de richesses, échouèrent devant sa lidélité ; les menaces restèrent sans effet. La plus terrible des tentations lui fut alors présentée. S’il persiste dans sa foi, tous ses biens seront contisqués, ses enfants deviendront esclaves, sa femme sera donnée pour épouse à un chamelier. Il eut le courage de résister à sa femme, à ses lils, qui se roulaient en pleurant à ses pieds, à la vue de sa petite lille, que la mère portait dans ses bras et nourrissait encore de son lait. On le dépouilla de tout, on l’accabla de mauvais traitements, on le réduisit à mendier, et l’on défendit à tous de le secourir ; « mais il est une chose que personne ne put lui enlever, la robe blanche de son baptême ». (Victor dé Vite, I, xvi)

2. Tels furent, coupés par une trêve d’une dizaine d’années, les trente-sept ans de la persécution, à la fois violente et insidieuse, de Genséric. Celle d’Hunéric, beaucoup plus courte, puisqu’elle ne dura que sept ans, fut plus violente encore, et surtout plus systématique.

Le successeur de Genséric commença par exclure de toute fonction palatine ou administrative ceux qui ne professaient pas l’arianisme II, vu). Puis il condamna à l’exil une multitude de prêtres, de diacres, de fidèles, parmi lesquels même des femmes et des enfants : Victor de Vile en compte 4-966. Internés dans deux villes de la frontière, ils y attendirent, dans une effroyable promiscuité, au milieu des ordures, dont Victor de Vite donne la description la plus réaliste, l’arrivée des Maures qui devaient les emmener au désert. L’exode commença : ceux qui ne pouvaient marcher étaient liés par les pieds, et traînés à la suite, comme des cadavres d’animaux : beaucoup moururent, et la route suivie par la caravane fut jalonnée de leurs liimuli II, VIII, xri). Les évêques catholiques demeurés sur leurs sièges furent ensuite convoqués par le roi à une conférence contradictoire, qui se tiendrait à Carthage. Comme l’évêque catholique de cette ville, Eugène, pour assurer une discussion plus libre, demandait l’autorisation de faire venir du dehors des prélats qui ne fussent pas sujets des Vandales, Hunéric s’irrita, et ût fouetter plusieurs évêques, choisis parmi les plus éloquents : ils reçurent chacun cinq cent cinquante coups de verges II, xvi) ; un d’entre eux, Lætus, « strenuum atque doctissimum virum », fut brûlé vif II, xviii). Après une première réunion, où ils eurent à subir l’insolence duo patriarche » des Vandales, Cyrila, les catholiques se décidèrent à présenter une longue profession de foi, libellus fidei, ijue publieintégralement Victor de VnEIII, i-xxiii). La discussion contradictoire en resta là, et fut close par un édit d’Hunéric, daté du 2/( février iSi, qui appliquait aux catholiques toutes les lois précédemment portées par les empereurs contre les hérétiques, en y ajoutant des clauses nouvelles et plus dures [IV, II). Quant aux très nombreux évêques demeurés à Carthage après la conférence, on les invita encore une fois à l’apostasie, puis, sur leur réponse unanime : « Nous sommes chrétiens, nous sommes évêques, nous restons attachés à la seule et vraie Foi des apôtres », on leur tendit un piège. Ils furent invités à prêter un serment politique : « Jurez qu’après la mort de notre souverain vous désirez pour

roi son fils Hildéric, et qu’aucun de vous n’entretiendra de correspondance avec les provinces de l’autre cùlé de la mer. >. Sur cette question du serment, les évcques se divisèrent : les uns crurent pouvoir le prêter en sûreté de conscience, les autres pensèrent n’en avoir pas le droit. Sur l’invitation dos fonctionnaires vandales, les jureurs et les non-jureurs se rangèrent des deux côtés de la salle : puis fut rendue contre les uns et les autres une sentence dérisoire, les premiers étant condamnés à l’exil, parce qu’ils avaient prêté serment contrairement au précepte de l’Evangile qui défend de jurer, et les seconds étant condamnés à la peine plus dure de la relégation en Corse, avec travaux forcés, parce qu’ils avaient montré en ne jurantpasqu’ilsne désiraient pas avoir pour futur souverain le lils du roi IV, v). On a la liste de tous lesévêques venus des diverses provinces d’Afrique àCarthage pour la conférence : ils étaient au nombre de 466. Sur ce nombre, 88 périrent pendant leur séjour dans cette ville, 28 parvinrent à s’enfuir, un fut martyrisé (Lætus, brûlé vif), un autre confessa la foi dans les tourments, 302 assermentés furent exilés, /|6 insermentés furent déportés en Corse. Cette liste, qui commence par les mots : « Incipiunt nomina episcoporum catholicorum diversarum provinciarum, qui Carthagine ex præcepfo regali venerunt pro reddenda ratione lidei die Kl. Februarias anno sexto régis unerici… », est publiée à la suite de VHisloria de Victor db Vite, Corp. scripl. eccl. /rt^. Vienne, t. VII, 1881, p. i i^-134 ; voir aussi Gor-BES, Cliristenverfolgungen, dans Kraus, t. I, p. 27^.

Les laïques ne furent pas moins éprouvés que les clercs dans la persécution d’Hunéric. A peine les évêques étaient-ils partis pour les déserts africains ou pour les rivages inhospitaliers de la Corse, que les sicaires du roi envahirent les maisons des catholiques. Nulle torture n’était épargnée pour les forcer à renier la foi : on les battait de verges, on les suspendait, on les brûlait. Les femmes, malgré leurs protestations, étaient dépouillées de leurs vêtements pour être fouettées en public, n Tourmentez tous mes membres, s’écrie en vain Dionisia, mais épargnez ma pudeur » ; et comme on l’avait placée sur un lieu élevé, afin de la montrer en cet état à la foule, elle ne cessait de parler, pour exhorter les autres à souffrir courageusement, pendant que des ruisseaux de sang coulaient sur tout son corps. « Et par son exemple, dit l’historien, elle délivra presque toute sa ville », c’est-à-dire elle donna à presque tous ses concitoyens la force de résister comme elle V, i). Son UIs unique, tout jeune et délicat, fut à son tour mis à la torture : n Souviens-loi, lui cria-t-elle, que notre mère l’Eglise nous a baptisés au nom de la Trinité. » Elle le regardait avec des yeux enflammés,

« elle le frappait de ses regards », dit Victor

de Vite ; et, ainsi soutenu, l’enfant mourut au milieu de la torture. La mère reçut dans ses bras le petit martyr, et l’enterra dans sa maison, « afin d’être toujours avec lui ». Une autre femme héroïque, de la ville de Culunita, nommée Victoria, fut suspendue au-dessus d’un brasier : son mari, qui avait renié la foi, ses fils, la suppliaient d’abjurer : elle refusa intrépidement, fut détachée du chevalet parles bourreaux qui la croyaient morte, et survécut à son supplice V, m). Elle raconta ensuite que, pendant qu’elle gisait, évanouie, une vierge lui apparut, la toucha et la guérit miraculeusement.

Un des traits marquants de la persécution d’Hunéric, c’est l’effort des ariens pour faire apostasier les enfants et la résistance courageuse de ceux-ci. Parmi les catholiques si nombreux qui furent conduits en Maurétanie au commencement de la persécution, il y avait beaucoup d’enfants, plurimi