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MARTYRE


et en encourageait les actes, n In universum captivi pojjuli sævus, sed præcipue nobilitati et religion ! infensus, ut non discerneretur hominibus magis an Deo bellum indixisset », dit Prosper Tiro, Chron., n° l’i’ig, anno 489 (éd. Mommskn, J/o/i. Germ. hist., Auct.ant., t. IX, p. 447). ^* persécution sévit surtout dans la Zeugitane et la Byzacène, où les Vandales étaient complètement établis ; dans les autres provinces, qu’ils s'étaient assujetties, mais où ils ne résidaient pas à demeure, ils se bornèrent à imposer aux catholiques un joug très dur : ainsi, partout où des évêques ou des prêtres avaient, dans leurs sermons, fait quelque allusion dont pouvait se blesser l’oreille du conquérant, nommé par exemple Pharaon, Nabuchodonosor ou Holopherne, l’exil était prononcé contre le délinquant : Victor db Vite I, vu) cite plusieurs évêques exilés pour ce fait, et mourant loin de leurs sièges. On possède une admirable lettre d’AiNToNiNus, évêque de Cirta, au confesseur Arcadius, que Genséric avait exilé dans les déserts africains ; c’est une exhortation au martyre, digne de saint Cyprien (Migne, P. L., i. L, col. 667-670, d’après Baronius, Ann., ad ann. 487). La persécution de Genséric s’adoucit en 442, après un traité de partage de l’Afrique consenti par l’empereur Valenlinien III ; elle reprit violemment en 467, lors de l’avènement de Majorien.

Le règne de Genséric fit probablement plus de confesseurs que de martyrs, car, à l’exemple de beaucoup de persécuteurs, les Vandales avaient peur de ce mot. Genséric avait exclu du palais quiconque n'était pas arien. Un des ofliciers de la cour, Armogaste, refusa de renier sa foi. On le mit à la torture ; on lui tordit les jambes, on le suspendit par un pied la tête en bas : il supporta tout, en invoquant le Christ. Un (ils du roi, Théodoric, au service duquel il était attaché, commanda de le décapiter ; mais un prêtre arien, Jucundus, intervint : « Tu pourras, dit-il au prince, le faire mourir à force de mauvais traitements ; mais si tu le frappes du glaive, les Romains le déclareront martyr », incipient eum liomani martyrem prædicare. Théodoric l’envoya au loin travailler à la terre, puis, pour l’humilier, le fit ramener près de Carthage, où, à la vue de tous, on lui donna des vaches à garder. Il mourut épuisé des tortures qu’il avait subies (Victor de Vite, I, xiv).

Un autre cas n’est pas moins curieux. Bien que l’Eglise exclût ordinairement de son sein les gens de théâtre, un « archimime », nommé Mascula, lui montra une grande fidélité. Genséric, près de qui il était en faveur, chercha par tous les moyens, ruses et promesses, à le rendre hérétique. Comme l’acteur résistait à ses efforts, le roi commanda de lui couper la tête ; mais il donna secrètement des instructions au bourreau : si, à la vue du glaive levé sur lui, il a un moment de faiblesse, le tuer, car il n’aura pas mérité les honneurs du martyre ; si, au contraire, il reste intrépide, l'épargner, a Mascula, appuyé sur le Christ, demeura ferme comme une colonne, et se releva glorieux confesseur. Si l’ennemi jaloux ne voulut pas faire de lui un martyr, il ne put lui ravir le mérite de sa confession. » (Victor de Vite, I, xv)

Il y eut cependant aussi des martjTS sanglants sous Genséric. Victor db Vite semble en égaler le nombre à celui des confesseurs : « Marlyria quam plurima esse probantur, confessorum autem ingens et plurima mullitudo » I, x), ce qui est peut-être exagéré. En tout cas, il y en a des exemples autlientiques. L’iiistorien raconte I, xiii) qu’un jour de Pâques les ariens, conduits par un de leurs prêtres, brisèrent les portes de l'église de Regia ; pendant que le lecteur, montée l’ambon, chantait l’alleluia, on le vit s’affaisser, le livre tombant de ses mains : une

flèche lui avait traversé la gorge ; beaucoup de prêtres et de fidèles furent tués à coups de javelots et d'épées près de l’autel ; d’autres furent arrêtés et condamnés par sentence royale à divers supplices. L’un des plus célèbres martyrs est le comte Sébastien, gendre du fameux comte Boniface dont la trahison ouvrit l’Afrique aux Vandales. Genséric avait pris Sébastien pour conseiller. Mais il voulut le faire passer à l’arianisme et rebaptiser par ses prêtres.

« Roi, lui dit Sébastien après s'être fait apporter un

pain de la table royale, cette masse de farine très pure a passé par l’eau et le feu ; moi aussi, broyé comme la farine sous la meule de l’Eglise, j’ai été arrosé de l’eau du baptême et cuit au feu de l’EspritSaint. Fais, si tu le veux, rompre en morceaux ce pain, qu’on le mouille de nouveau et qu’on le remette au four ; s’il en sort meilleur, je ferai ce que tu veux. » Genséric ne sut que répondre, et, dit ViCTOK DE Vite I, vi), « pour tout argument lit mettre à mort cet homme courageux ».

Comme le montre l’histoire de Sébastien, Genséric aimait à s’entourer de civilisés, dont les conseils et l’expérience étaient utiles à l’affermissement de son pouvoir. Mais il se défiait d’eux, tant qu’ils n’avaient pas trahi leur foi religieuse. Parmi ces serviteurs d'élite, étaient quatre Espagnols, Arcadius, Paschasius, Probus et Eutycianus. Il voulut les contraindre à l’apostasie : les trouvant incbranlables, il les condamna au dernier supplice. « Tous les quatre, dit un chroniqueur, acquirent l’illustre couronne d’un admirable martyre. » (Prospbr Tiro, Chron., ann. 437, dans Mon. Germ. Hist., Auct.ant., t. IX, p. 476) Paschasius et Eutycianus avaient un frère encore enfant, qui fut pour le même motif cruellement battu, mais qu’on laissa vivre.

L’iiistoire la plus touchante est peut-être celle d’un groupe d’esclaves martyrs. Un fonctionnaire vandale avait quatre serviteurs, Martinianus, Saturianus, et leurs deux autres frères, dont on ne nous dit pas les noms. Il avait aussi, pour intendante de sa maison, une belle jeune fille, Maxima, qui avait secrètement voué au Christ sa virginité. Le Vandale voulut marier celle-ci à Martinianus, chargé du soin de ses armes. Arrivés dans la chambre nuptiale, « ubi ventum est ut cubiculi adirentur sécréta silentia », Maxima fit à son mari la confidence de son vœu. Le jeune homme promit de la respecter. Pris, à son tour, d’un zèle apostolique, il convertit ses trois frères. Tous les quatre, accompagnés de la jeune fille, prirent la fuite et se réfugièrent dans un monastère. Le maître découvrit leur retraite, les reprit, leschargea de chaînes, et voulut les contraindre au second' baptême. Genséric, averti, commanda de leur infliger de cruelles tortures. On les battit Iiorriblement, avec des bâtons taillés en forme de scie ; Maxima fut étendue à terre, attachée à des pieux aigus. Rien n’y lit, et ils semblèrent miraculeusement préservés. Maxima fut rendue à la liberté, se fit religieuse, et Victor de Vite la visita souvent dans le monastère dont elle était devenue la supérieure. Quant aux hommes, on les relégua en Maurétanie, dans les domaines d’un chef indigène. En ce pays, resté jusque-là réfractaire à la foi chrétienne, ils prêchèrent avec tant d’ardeur et de succès, qu’ils firent de nombreuses conversions ; à la demande de leurs messagers, le Pape envoya de Rome un prêtre et des diacres, qui construisirent une église dans la région évangélisée par eux. Quand Genséric connut ces faits, sa colère n’eut pas de bornes. Il commanda de leur faire subir l'épouvantable supplice qui, d’après le poète Prudence, avait été celui de saint Hippolyte : on les attacha par les pieds à la queue de quatre chevaux attelés ensemble et lancés au galop à travers-